Déclaration de la Russie à l'ONU : « L'attaque en Syrie est du hooliganisme, Washington peut mettre fin au conflit en 24 heures »

Discours du représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vassily Nebenzia, au Conseil de sécurité de l'ONU le 14 avril 2018, suite à l'agression unilatérale de Washington, Londres et Paris contre la Syrie. Transcription : Merci, Monsieur le Président. La Russie a convoqué cette réunion urgente du Conseil de Sécurité pour discuter des actions agressives des Etats-Unis et de leurs alliés contre la Syrie. C'est la cinquième réunion à ce sujet cette semaine. Le Président de la Fédération de Russie, [Vladimir] Poutine, a fait une déclaration spécifique aujourd'hui et je vais le citer. « Le 14 avril, les États-Unis, appuyés par leurs alliés, ont lancé une frappe aérienne contre des cibles militaires et civiles de la République Arabe Syrienne. Un acte d'agression contre un État souverain qui est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme a été commis sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU et en violation de la Charte des Nations Unies et des normes et principes du droit international. Tout comme il y a un an, lorsque la base aérienne de Shayrat en Syrie a été attaquée, les Etats-Unis ont utilisé comme prétexte une mise en scène d'attaque chimique contre des civils, cette fois à Douma, une banlieue de Damas. Après avoir visité le site de l'attaque chimique présumée, les experts militaires russes n'ont pas trouvé la moindre trace de chlore ou de tout autre agent toxique. Aucun résident local n'a pu confirmer qu'une attaque chimique avait réellement eu lieu. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques a envoyé ses experts en Syrie afin d'enquêter sur toutes les circonstances des faits allégués. Cependant, en signe de mépris cynique, un groupe de pays occidentaux a décidé de prendre des mesures militaires sans attendre les résultats de l'enquête. La Russie condamne dans les termes les plus vigoureux l'attaque contre la Syrie, où des militaires russes assistent le gouvernement légitime dans ses efforts de lutte contre le terrorisme. Par leurs actions, les Etats-Unis aggravent la situation humanitaire déjà catastrophique en Syrie et infligent des souffrances aux civils. En réalité, les États-Unis flattent bassement les terroristes qui tourmentent le peuple syrien depuis sept ans, ce qui a entraîné une vague de réfugiés fuyant ce pays et la région. L'escalade actuelle autour de la Syrie est destructrice pour l'ensemble du système des relations internationales. L'histoire rétablira la vérité des faits, et Washington porte déjà la lourde responsabilité de l'outrage sanglant en Yougoslavie, en Irak et en Libye. » La Russie fait tout son possible pour convaincre les Etats-Unis et leurs alliés de renoncer à leurs plans militaires qui pourraient conduire à une nouvelle spirale de violence en Syrie et déstabiliser le Moyen-Orient. Le Secrétaire Général des Nations Unies, lors des réunions du Conseil de Sécurité que nous avons convoquées hier et aujourd'hui, a fait part de ses préoccupations quant à la tournure que prennent les événements. Cependant, Washington, Londres et Paris ont préféré ignorer les appels au bon sens. Les États-Unis et leurs alliés continuent de faire preuve d'un mépris flagrant pour le droit international. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité, ils devraient être particulièrement fermes dans la protection des dispositions de la Charte des Nations Unies. Il était honteux d'entendre la manière dont, pour justifier l'agression, un article de la Constitution américaine a été mentionné. Nous avons le plus grand respect pour le droit de chaque État de respecter sa propre loi fondatrice. Cependant, il est temps que Washington apprenne que le code de conduite international concernant le recours à la force est réglementé par la [seule] Charte des Nations Unies. Il sera intéressant de voir ce que les peuples de Grande-Bretagne et de France vont penser quand ils découvriront que leur gouvernement a pris part à une entreprise militaire illégale en se référant à la Constitution américaine. Vous êtes constamment tentés par le colonialisme et le néocolonialisme. Vous n'avez que du mépris pour la Charte des Nations Unies et le Conseil de Sécurité, que vous essayez scandaleusement d'utiliser à vos propres fins. Vous ne faites aucun travail significatif au Conseil de Sécurité. Vous ne nous consultez pas et vous prétendez mensongèrement le contraire. Vous sapez l'autorité du Conseil de Sécurité. Comme prétexte à l'agression, vous avez mentionné l'utilisation présumée d'armes chimiques dans la ville syrienne de Douma. Les représentants de la Russie, après une inspection par nos experts, ont déclaré sans équivoque qu'aucun incident de ce genre n'avait eu lieu. De plus, nous avons retrouvé des personnes qui ont participé à cette mise en scène. En réalité, les organisateurs de cette mise en scène étaient des services de renseignement étrangers. Après cet événement, les autorités syriennes ont immédiatement invité des experts. Ils ont mené une mission sur le terrain à Douma pour établir les faits. Rapidement, ces formalités ont été résolues et des garanties de sécurité ont été fournies. Au moment des frappes, les experts étaient déjà en Syrie et s'apprêtaient à commencer leur travail. Je voudrais rappeler aux membres du Conseil de Sécurité et à tout le monde que le 10 avril, lorsque notre projet de résolution sur le travail sécurisé de la mission spéciale de l'OIAC a été bloqué, on nous a assuré qu'un tel document n'était pas nécessaire. On nous a dit que la mission, sans action supplémentaire du Conseil de Sécurité, se rendrait sur le site et mènerait une enquête sur l'incident chimique présumé de Douma. Maintenant, il est clair que nous avions parfaitement raison. Hier, certains de nos collègues nous ont expliqué – certains naïvement, d'autres cyniquement – la prétendue raison de la situation, à savoir l'absence d'un mécanisme d'enquête indépendant. L'agression a démontré que ce n'est pas du tout la question, comme nous l'avions déjà affirmé. Au cours de l'attaque de l'année dernière contre la base aérienne syrienne de Shayrat, le Mécanisme d'Enquête Conjoint (MEC) des Nations Unies et de l'OIAC avait été mis en place. Cela n'a pas empêché les États-Unis de mener une attaque de missiles. Ensuite, de fait, le MEC s'est assuré que ses conclusions coïncidaient avec les raisons [alléguées] des frappes américaines. Nous avons affirmé à plusieurs reprises qu'en réalité, vous n'avez pas besoin d'enquête. Vous n'en aviez pas besoin alors et vous n'en avez pas besoin aujourd'hui. Les organisateurs de l'agression n'ont même pas attendu l'établissement basique des faits par une organisation internationale autorisée à le faire. Ils prétendent tout déterminer seuls et établir d'eux-mêmes qui était coupable. Et ce étant donné qu'ils ont eux-mêmes, avec les combattants qui étaient sous leur contrôle, diffusé toutes sortes de rumeurs en utilisant les réseaux sociaux. Ils ont confirmé cela par le biais de soi-disant renseignements secrets. De mythiques renseignements secrets. Mesdames et messieurs, les Casques blancs ont encore frappé. Nous étions déjà habitués au fait que lorsqu'ils mènent leurs politiques géopolitiques douteuses, les pays agresseurs accusent d'avance le « régime d'Assad ». Dernièrement, ils tendent à transférer la responsabilité sur la Russie, qui selon leur interprétation ne peut pas contrôler le dictateur. Tout cela est basé sur une mécanique qui a été bien huilée : une provocation, des accusations mensongères, un verdict et un châtiment. Est-ce ainsi que vous voulez que les affaires internationales soient menées maintenant ? C'est du pur hooliganisme dans les relations internationales. Et non du hooliganisme mineur, étant donné que nous parlons des plus grandes puissances nucléaires. Plusieurs frappes ont été menées contre les centres de recherche scientifique de Barza et de Jamaraya. Récemment, deux inspections de l'OIAC ont été menées avec un accès illimité à toutes les installations. Les experts n'ont trouvé aucune trace d'activité qui contreviendrait à la convention sur les armes chimiques. Les installations scientifiques en Syrie sont utilisées uniquement pour des activités pacifiques visant à renforcer l'efficacité de l'activité économique en Syrie. Vous voulez que la Syrie n'ait aucune économie ? Vous voulez renvoyer ce pays à l'âge de pierre ? Il y a quelques années à peine, ce pays était l'un des plus développés du Moyen-Orient. Vous voulez terminer ce que vos sanctions n'ont pas encore réalisé ? En même temps, vous versez des larmes de crocodile sur la souffrance des Syriens du quotidien. Les Syriens du quotidien sont fatigués de la guerre et heureux que leur autorité légitime ait libéré leur territoire. Vous vous moquez bien de leur souffrance. Vos actions agressives contribuent à aggraver la situation humanitaire qui, à en croire vos déclarations, vous inquièterait tellement. En 24 heures, vous pourriez mettre fin au conflit en Syrie. Pour cela, Washington, Londres et Paris n'ont qu'à donner l'ordre à leurs terroristes triés sur le volet de cesser le combat contre les autorités légitimes et contre leur propre peuple. Les frappes ont été menées contre des aérodromes militaires syriens qui sont utilisés dans le cadre d'une opération contre des organisations terroristes. C'est une contribution tout à fait originale à la lutte contre le terrorisme international qui, comme Washington ne cesse de le répéter, serait le seul but de sa présence militaire en Syrie. Nous avons de sérieux doutes à ce sujet. Il semble qu'il soit clair que ceux qui, en Occident, se drapent d'une rhétorique humanitaire en essayant de justifier leur action en Syrie censée vaincre les djihadistes, visent en réalité à démembrer le pays. Cela est confirmé par le fait que les Etats-Unis ont refusé de participer à la reconstruction des zones de Syrie qui ont été libérées des djihadistes. Enfin, votre agression constitue une frappe et une menace majeures contre la possibilité de poursuivre le processus politique sous les auspices de l'ONU, qui, malgré des difficultés objectives, avançait à des vitesses variables. Que valent donc vos références constantes au processus de Genève si vous détruisez vous-mêmes ce processus par vos actions ? Nous appelons les États-Unis et leurs alliés à mettre immédiatement fin aux actions agressives contre la Syrie et à y renoncer à l'avenir. Nous soumettons à votre attention un bref projet de résolution sur lequel nous exigerons un vote à la fin de cette réunion. Nous aimerions nous adresser aux membres du Conseil de sécurité. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment de se dérober à vos responsabilités. Le monde vous regarde. Prenez une position de principe. Je vous remercie.
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/vassily-nebenzia-onu-2.jpg

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