Coronavirus – Journal d’un Français en Italie – Par Nicolas Minec

Source : Les crises, Nicolas Minec
Habitant dans le nord de l’Italie, je suivais en janvier, de loin, cette épidémie naissante, loin de chez moi, en Chine, en espérant que comme l’épidémie de SRAS de 2003, elle disparaîtrait avant devenir une véritable menace. Le 23 janvier, alors que l’épidémie n’a encore fait que 17 morts, la Chine mets en quarantaine des millions d’habitants pour enrayer la contagion. Le 30 janvier, pourtant, la situation est déjà plus grave, et en rentrant d’un bref séjour en Russie, je porte un dérisoire masque chirurgical lors de mon vol de retour d’un bref séjour en Russie, comme des dizaines d’autres passagers : c’est un vol emprunté par de nombreux Chinois, résidents en Italie, comme touristes. L’inquiétude a commencé à s’installer. Le lendemain 31 janvier, on apprend qu’un couple de Chinois arrivés le 23 janvier à Milan a été testé positif au Covid-19 à Rome. Mon inquiétude de la veille était donc un peu justifiée.
Le 14 février, de passage à l’hôpital local (en Émilie-Romagne, au sud de la Lombardie), j’ai pu constaté qu’il n’y avait encore aucune mesure particulière par rapport à cette menace grandissante. Le même jour, à moins de 2 heures de route de là, un Italien dont un ami était récemment rentré de Chine se rend chez son médecin, puis le 16 février à l’hôpital de Codogno (à mi-chemin entre Milan et Parme). Il n’y a encore aucune précaution particulière, et son passage à l’hôpital déclenche un important foyer de contagion, que l’on découvre quelque jours plus tard. Très vite, le nombre de cas augmente. Le 23 février, il y a ainsi déjà 150 cas en Italie, et les écoles et universités de 3 régions particulièrement touchées (Lombardie, Vénéto et Émilie-Romagne) sont officiellement fermées par décrets. Le décret concernant ma région, où 9 personnes ont été testées positives ferme non seulement (jusqu’au 30 février, quel optimisme !) les écoles et universités, mais aussi les musées, et suspend les manifestations et autres événements de nature ludique, sportive et culture qui provoquent des attroupements. Le même décret ordonne également la désinfection quotidienne de tous les transports publics de la région. Le même jour, les 50000 habitants environ de 11 communes particulièrement touchées de Lombardie et du Vénéto ont été placées en quarantaine.
Avec un nombre de malade alors encore très faible, cet ensemble de mesures semblait radical et à même d’étouffer cette épidémie dans l’œuf, pensions nous. Nous savons maintenant que c’était beaucoup trop peu, et trop tard. Dans les jours suivants, la vie a suivi son cours presque normal, dans l’incertitude et un peu de confusion. Ainsi, la piscine locale, qui a fermé le 23, a annoncé sa réouverture le 27, et un peu partout les ouvertures et fermetures d’établissements se faisait sans cohérence apparente. Quelques changements commençaient à légèrement modifier notre vie quotidienne : il n’était déjà plus possible de passer commander au supermarché local pour une livraison le lendemain, il y avait déjà une semaine d’attente.
Le 28, de nouveau de passage à l’hôpital, je constate des mesures un peu renforcées, avec un triage des personnes ayant des symptômes respiratoires, et le personnel portant des masques. Durant cette dernière semaine de février, je suis avec une inquiétude croissante l’évolution du nombre officiels de contaminés. Pas parce qu’il augmente vite, mais parce qu’il augmente trop lentement : il y a clairement un nombre de plus en plus important de contaminés qui se promènent en Italie sans se savoir contaminés, et cela constitue une menace croissante. Lire la suite

Source