Conférence de Fadi El Hage : la décadence des élites, facteur de Révolution

Malgré tous les mythes révolutionnaires lyrico-romantiques, la révolution n'est belle que dans les livres comme l'aurait dit Lénine. Dans la réalité sociale, les processus révolutionnaires sont extrêmement violents, sanglants, chaotiques. Il peut certes y avoir des moments exaltants et splendides mais ils ne sont guère la norme, les révolutions poussent les hommes à commettre des actes inimaginables dans les périodes de paix et de calme, la brutalité et les tueries aveugles deviennent une réalité banale, les luttes pour le pouvoir entre factions belligérantes sont d'une implacable cruauté et toutes les constructions sociales, forgées par des siècles de civilisation, sont mises à nu par l'anomie. Les masses font rarement les révolutions par gaieté de cœur, elles savent instinctivement que ce sont elles qui paient le prix fort d'un processus souvent absurde. Et pourtant, elles y participent activement. Comment cela est-il possible ? Quel genre de démon les incite à se lancer dans cette dynamique suicidaire ? Une des réponses qu'on peut apporter est la suivante : les peuples ne souhaitent pas faire de révolution mais lorsqu'ils la font, c'est qu'ils ne peuvent plus faire autrement face à l'avidité, la cupidité, la prédation, la petitesse d'esprit et l'incompétence des oligarchies régnantes. 231 × 300 Pour illustrer ce phénomène par l'exemple, voici une conférence de l'historien Fadi El Hage qui nous livre le contenu de ses recherches sur la fin de l'Ancien Régime et les prémices de la Révolution. L'exposé est introduit par Laurent Henninger et conclut par Pierre Yves Rougeryon. Fadi El Hage publie « Le sabordage de la noblesse » aux nouvelles éditions Passés composés. Ce remarquable essai s'intéresse à la chute irréversible de la de la noblesse dans le royaume de France lors du siècle des Lumières. Un siècle qui verra lors de ses dernières années le triomphe de la bourgeoisie et, à la séance du 17 juin 1790, la suppression officielle par l'Assemblée Constituante des titres de noblesse, point final de plus d'un millénaire de domination. Spécialiste d'histoire militaire, Fadi El Hage part de l'étude de l'armée, haut lieu des privilèges aristocratiques. Il explique que le nombre plus important d'années de paix au XVIIIe siècle au regard des siècles précédents laisse une grande partie de la noblesse dans l'inactivité. Que peut faire alors l'aristocrate en dehors de la guerre ? Rien ou presque en ce temps où le travail est inenvisageable pour lui. La noblesse féodale est devenue une noblesse de cour et, de glorieuse, elle est devenue parasitaire. Cette oisiveté est dénoncée même par certains membres de cette classe privilégiée. Dans le même mouvement, l'arrivée de Louis XV et le scandale de ses amours vont ajouter au discrédit de la noblesse une désacralisation de la monarchie qui se poursuivra au règne suivant dans les cabales menées contre une reine trop insouciante. Il se façonne progressivement dans l'esprit public l'idée selon laquelle l'aristocratie est une caste pervertie, décadente et cupide. Une élite corrompue qui cadenasse le pouvoir civil et militaire. La position supérieure d'une mince frange de la noblesse fut de plus en plus contestée dans sa légitimité, puisque rien ne la justifiait, excepté leur ascendance. La fermeture sociale eut des conséquences gravissimes. Pour Fadi El Hage, c'est ce processus de décadence progressive qui a plongé la France dans les tourments révolutionnaires. La Révolution fut l'occasion de « décapiter » le haut de la pyramide, débloquant ainsi la société, elle l'expression d'une violence qui fait de l'année 1789 une continuité presque logique durant laquelle les opinions se sont transformées en actes. Étant donné que l'image d'une aristocratie héroïque avait décliné, il fallait trouver de nouveaux héros, notamment du côté du Tiers état. C'est pour cela que celui qui tira son épingle du jeu fut un membre de la petite noblesse, Napoléon Bonaparte, qui paraît alors l'aboutissement logique d'un processus d'assainissement de l'État et de l'ordre social. Précisons que ces événements auraient pu être évité si la classe dirigeante avait accepté de se réformer. C'est elle qui a creusé sa propre tombe, qui a plongé le pays dans le chaos, et qui a sapé le pouvoir de la monarchie en cherchant stupidement à présever l'ordre établit. En effet, il n'était nullement question de révolution mais de réformes à l'ouverture des Etats généraux. C'est la rigidité conservatrice de cette oligarchie qui va radicaliser les masses et les contraindre à se lancer dans un processus révolutionnaire. Une leçon que devraient retenir les oligarchies actuelles qui voient leur légitimité de plus en plus contestée. 330 × 253 Sources : Cercle Aristote La noblesse dans l'abîme de l'histoire Fadi El Hage : « Au XVIIIe siècle, la désaffection des élites pour le service militaire avait altéré l'idée du courage » 330 × 253
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