AlterJT #85 : Contre le terrorisme et contre l'état d'urgence

Au programme de cet AlterJT :

  • Terrorisme. De nouveaux attentats dans Paris font près de 130 morts et des centaines de blessés.
  • Anti-terrorisme. Le basculement néoconservateur des élites politiques
  • Djihadisme. Les raisons d'un phénomène, en Syrie et dans nos quartiers populaires
  • Libertés démocratiques, lutte pour le climat. Après le choc, la résistance à la stratégie du choc

1 De nouveaux attentats dans Paris Vendredi 13 Novembre, à Saint-Denis et Paris, des attaques simultanées à l'arme de guerre et à l'explosif, y compris une attaque suicide, ont été menées par des jihadistes agissant pour le compte de l'organisation Etat Islamique en Irak et au Levant. Après les attaques de cet hiver qui avaient frappées le journal Charlie Hebdo et un supermarché juif, ce sont cette fois des lieux de vie sans connotation religieuse ou politique qui ont été visés  : des cafés et restaurants, une salle de concert et un stade de football. Le 18 novembre, la police prenait d'assaut les deux appartements de Saint-Denis où se cachaient les derniers membres du commando djihadiste. Après un assaut de 7 heures et 5000 balles tirées, on relevait deux morts chez les djihadistes et plusieurs blessés chez les policiers, et 7 personnes furent placées en garde à vue. 2 La surenchère sécuritaire et fascisante des élites Dès qu'un événement traumatisant surgit, il est des voix pour tenter de profiter du choc produit pour faire accepter diverses régressions qui n'attendaient justement qu'un tel événement pour être imposées. Naomi Klein a magistralement décrit cette « stratégie du choc » dans son livre éponyme. Les attentats de Paris ont fourni une bonne excuse au gouvernement pour prendre des mesures attentatoires aux libertés fondamentales. Mais où est le bilan des mesures prises jusqu'ici pour lutter contre le terrorisme ? François Hollande, à la manière d'un George W. Bush au lendemain du 11 Septembre, a pu ainsi convaincre une partie de l'opinion après Charlie de la nécessité de développer la surveillance massive de nous tous (loi sur le renseignement intérieur). Il s'apprête maintenant à imposer l'état d'urgence dans tout le pays pendant plusieurs mois au moins, sans nous dire quel objectif il espère atteindre dans cet intervalle. Il a décidé également de mettre fin à l'austérité budgétaire mais c'est au seul profit des forces de l'ordre, dont les effectifs et les pouvoirs seront augmentés, alors même que 11 milliards d'euros ont été retirés aux communes du pays et qu'ils manquent cruellement aux communes les plus pauvres qui auraient pu utiliser cet argent pour lutter contre le désespoir dans les quartiers populaires. François Hollande souhaite aussi réformer la constitution dans un sens sécuritaire, et a d'ores et déjà accru l'engagement militaire de la France au Moyen-Orient, sans vote ni débat. Un véritable Patriot Act à la Française, donc, soutenu par un virage néoconservateur plus ou moins assumé et avec la pression des surenchères sécuritaires et démagogiques de la droite de la droite. Cette dernière a parlé de laxisme, comme d'habitude, mais aussi, et c'est plus symptomatique du racisme qui vient, d'on ne sait trop quelle « lâcheté face au communautarisme » (et ils ne parlaient pas des maires de droite qui n'acceptent que les réfugiés chrétiens, non bien sûr) ; de « libanisation » du pays voire, pour Philippe De Villiers, de « mosquéïsation de la France » ; et carrément, pour le FN, de « trahison des dirigeants », une expression qui nous ferait presque penser au procès des dirigeants républicains à Riom, quand le régime de Vichy les accusait d'être responsables de la défaite face aux Allemands... Pour l'heure, il est question de diverses mesures qui toutes sont inappropriées et dangereuses : Armer les policiers municipaux : c'est une proposition directement empruntée à l'extrême droite et à la droite la plus dure. Mais les policiers municipaux ne sont pas formés pour ça, leur recrutement est moins exigeant et plus politique, comme on le voit dans les communes dirigées par le FN, et bien sûr, plus il y aura d'armes en circulation, plus il sera facile d'en voler, d'en acheter, et plus on aura de bavures. Comme aux Etats-Unis. Sans compter que des armes de police ne font pas le poids face à des terroristes dotés d'armes de guerre... Recruter de nouveaux policiers et geler les suppressions de poste dans l'armée, pour multiplier les présences dans la rue, ce qui revient à intensifier le plan Vigie Pirate… qui n'a pas su et ne pourrait pas déjouer des attentats, ni même les dissuader, tout au plus les déplacer dans les zones moins patrouillées. Et il y en aura toujours… Augmenter les moyens du renseignement. On l'a pourtant vu, les suspects impliqués dans les différents attentats de France et de Belgique de ces deux dernières années faisaient pour une bonne partie d'entre eux l'objet d'une surveillance personnalisée… totalement inefficace. L'internement administratif de simples suspects, simplement parce que leur nom a été ajouté à un fichier « S » : c'est tout simplement Guantanamo que nous proposent les gens comme l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez. Sans nous préciser jusqu'à quand on les laisserait ainsi enfermés sans jugement ni délit... La déchéance de nationalité pour les coupables d'actes de terrorisme dotés de la double nationalité. Outre l'égoïsme qu'une telle mesure révèle, en prétendant rejeter la responsabilité et le traitement d'un comportement criminel sur un autre pays, cette mesure est particulièrement pernicieuse : c'est une boîte de pandore, qui peut conduire ensuite à priver de leur nationalité des Français qui n'auraient qu'une seule nationalité, comme on le fit, encore, et c'est le seul moment dans notre histoire, sous le régime de Vichy... Il est un ténor de la droite qu'on n'a pas entendu, et il fut pourtant Ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy. Il est vrai qu'il fut condamné justement le vendredi 13 novembre dernier pour "complicité de détournement de fonds publics et recel" à une une peine de 30 mois de prison avec sursis, une très lourde amende et 5 ans d'interdiction des droits civils et civiques… Son délit ? D'avoir prélevé 210.000 euros provenant des frais d'enquête et de surveillance (FES) du ministère de l'Intérieur, "à des seules fins d'enrichissement personnel". Claude Guéant en a gardé la moitié et reversé le solde à trois collaborateurs… Un délinquant nuisible que les dirigeants des Républicains, distraits probablement, n'ont pas pensé à dénoncer ou à raider des rangs de leur famille politique. 3. Comment comprendre ce qui vient de se passer et surtout comment faire face ? Les commentateurs conservateurs ont clamé que les terroristes n'étaient que des criminels, des barbares ou des fous, et qu'à travers nous ce qui était visé c'était un système de valeur basé sur notre amour de la liberté, l'Etat de droit, etc. Un des terroristes a portant expliqué aux otages du Bataclan que l'opération était menée parce que François Hollande bombardait la Syrie. Un passeport syrien fut d'ailleurs selon toute vraisemblance déposé délibérément au pied d'une victime pour nous aider à interpréter le sens des attaques qui étaient en cours dans Paris et à Saint-Denis. Le spécialiste de l'Islamisme François Burgat sur le site du Nouvel Obs met en garde contre le risque « de tomber dans l'aveuglement sectaire que nous reprochons à nos assaillants », en refusant de nous « interroger et d'agir sur les mécanismes politiques qui les ont fabriqués. En refusant « de comprendre et donc d'influer sur les raisons qui font que les "extrémistes" sont en train de multiplier irrésistiblement le nombre de leurs adeptes, jusqu'au cœur des sociétés concernées. Et que "nos bombes" sont la meilleure propagande dont ils disposent pour recruter ceux qui vont se décider un jour à nous en lancer d'identiques. » Les commentateurs conservateurs font mine de considérer qu'on vient de nous déclarer soudainement la guerre. Ils cherchent surtout à dissimuler le lien entre les actes criminels perpétrés sur notre sol, et l'engagement de la France dans de multiples pays où nos bombes et nos balles n'épargnent évidemment pas les civils, comme dans toute guerre. Des guerres injustes, menées au nom des droits de l'Homme, évidemment, mais visant surtout à maintenir l'accès sans contrepartie aux ressources énergétiques les plus précieuses à notre modèle de croissance aberrant, et d'abord le pétrole. Le chercheur Julien Salingue accuse : « Vous êtes en guerre, vous les Sarkozy, Hollande, Valls, Cameron, Netanyahou, Obama. Vous êtes en guerre, vous et vos alliés politiques, vous et vos amis patrons de multinationales. Et vous nous avez entrainés là-dedans, sans nous demander notre avis. Afghanistan, Iraq, Libye, Mali, Syrie… » Et d'expliquer que l'une des causes de la sidération qui a touché de larges secteurs de la population, y compris les cercles militants, est la (re-)découverte de cette vérité : oui, la France est en guerre. Une guerre qui ne dit pas toujours son nom, une guerre dont on discute peu dans les assemblées, dans les médias et plus généralement dans l'espace public, une guerre contre des ennemis pas toujours bien identifiés, une guerre asymétrique, mais une guerre tout de même. Les récentes tueries l'ont rappelé de manière brutale à qui l'ignorait, refusait de le voir ou l'avait oublié : la France est en guerre, la guerre fait des morts, et les morts ne se comptent pas toujours chez l'adversaire. » Car les terroristes de Paris ne sont pas fous. Comme le rappelle Patrick Viveret, « Il y a des actes barbares, il n'y a pas de Barbares ». Autrement dit, ce qu'ont fait des humains, d'autres humains auraient pu le faire, et s'ils ne l'ont pas fait, il faut comprendre ce qui a pu mener les premiers à devenir des meurtriers, et pas les seconds. Les terroristes de Paris ne sont pas des barbares, pas des monstres, pas le Mal incarné non plus. Il ne suffira pas de les mettre hors d'état de nuire pour en finir avec les circonstances qui les ont fait devenir ce qu'ils sont devenus… Il faut donc comprendre ce qui a produit la dérive meurtrière, afin d'empêcher qu'elle ne se manifeste de nouveau. Ce qui est essentiel, c'est de comprendre à la fois les raisons politiques et les raisons psychosociologiques qui expliquent l'engagement sectaire, meutrier et suicidaire de tel ou tel jeune Européen. Julien Salingue a raison de rappeler qu'il s'agit bien de politique, même criminelle, et que les tueurs de Daesh « se pensent, rationnellement, en guerre contre une certaine France (…), ils se considèrent, rationnellement, en situation de légitime défense. En témoigne cette déclaration de Coulibaly dans sa vidéo posthume : « Vous attaquez le Califat, vous attaquez l'État islamique, on vous attaque. Vous ne pouvez pas attaquer et ne rien avoir en retour ». Les opérations menées dans Paris en janvier et novembre renvoient évidemment à la situation en Syrie et nous obligent à regarder dans les yeux les responsabilités d'un régime, celui de Bashar El Assad, qui a réprimé dans le sang la révolte pacifique d'une partie de sa population qui demandait simplement la démocratie et la justice sociale. 200 000 morts, dont l'écrasante majorité sont le fait des bombardements de populations civiles ordonnés par Bashar, et des millions de réfugiés plus tard, la Syrie est devenue le théâtre de toutes les rivalités géopolitiques des puissances régionales rivales et de leurs alliés occidentaux. Une situation de violence et de désespoir qui nourrit forcément le pire dans l'Homme, et que l'escalade militaire actuelle à laquelle nous nous prêtons ne peut qu'aggraver encore. Avis au prochain qui nous expliquera qu'il ne comprend pas pourquoi les Syriens fuient vers l'Europe : depuis plus de 4 ans et demi, c'est le 13 novembre tous les jours en Syrie. Et c'est votre nouvel allié Assad qui en porte la responsabilité première, en ayant réprimé sauvagement un soulèvement alors pacifique. Mais nous en portons la responsabilité secondaire, parce que nous pouvions agir pour secourir cet énième printemps arabe, et que comme pour les autres nous avons au contraire agi en sous main pour en ruiner toute chance de succès. Parce que nous préférons vendre des armes à des dictatures compréhensives ou achetables que de négocier d'égal à égal avec des pays et des peuples libres... D'ailleurs, Antoine Bonnet et votre serviteur, dans un texte publié sur notre site alterJT.tv, reviennent sur cette proximité entre les méthodes des terroristes et celles de la coalition occidentale en Syrie. Dans les guerres asymétriques, les forts et les faibles partagent une arme : « le terrorisme, c'est-à-dire le ciblage des innocents pour déstabiliser leur adversaire. » L'autre question que se refusent à poser les commentateurs conservateurs, c'est celle de l'origine de cette dérive sectaire et de ces actes suicidaires. « Les élites néolibérales, directement responsables de la précarisation croissante d'une partie importante de notre population, et en premier lieu des fils et filles de l'immigration, préfèrent évoquer les kamikazes comme des sortes de monstres sans histoire. Cela permet d'éviter les questionnements qui fâchent, en faisant mine de ne pas comprendre que l'Islamisation est désormais une forme de politisation contestataire pour toute une partie de la jeunesse de France, un langage, des signes (la barbe ou le voile, les vêtements amples, la couleur noire de ceux-ci etc.) destinés à exprimer publiquement la rupture – profondément politique – avec le pays qui les a vus grandir mais ne leur a jamais accordé la place qu'ils méritaient. » Pour ce qui est de faire face, les commentateurs progressistes sont unanimes : la restriction des libertés est une impasse dangereuse. C'est ce que souligne Patrick Viveret, par exemple, dans une tribune publiée sur le site Reporterre. Il rappelle que cette option, celle de « la guerre de civilisation théorisée jadis par Samuel Huntington et les néoconservateurs américains, c'est celle qui conduisit le gouvernement de George W. Bush « à réagir par la guerre, le mensonge, la torture, et la restriction massive des droits à travers le Patriot Act. » Pour le philosophe, « cette logique, si elle s'imposait aujourd'hui en Europe, nous mènerait droit vers des régressions comparables ou même pires et pourrait devenir source de guerre civile, ce qui signerait d'ailleurs la victoire de la logique terroriste dont c'est l'objectif à terme. » Le parallélisme avec la période Bush est frappant, et souligné par Ivan Duroy, sur Basta. Notre camarade rappelle que l'État islamique a prospéré sur le chaos irakien généré par la guerre contre le terrorisme de George W. Bush, lancée en 2003. Une guerre contre la terreur qui est un échec pattant. Citant le site Orient XXI, il rappelle que « jamais autant d'attentats n'ont été commis — souvent dans les pays musulmans eux-mêmes ; récemment encore, l'attaque contre l'avion russe au-dessus du Sinaï ou les attentats à Beyrouth dans une banlieue populaire. Jamais non plus autant de personnes, majoritairement des jeunes, ne se sont engagés dans des groupes extrémistes, qu'il s'agisse d'Al-Qaida ou de l'OEI, convaincus qu'ils sont de participer à une résistance contre l'agression internationale visant le monde musulman ». Et l'éditorialiste d'appeler à « débattre des bilans des interventions françaises en Libye, au Mali et en Irak. » L'autre danger, ce qu'Ivan Duroy appelle l'enclume, c'est bien sûr le développement et l'instrumentalisation de la haine anti musulmane en Occident, qui est visée par Daesh. Le FN et Daesh ont tous deux intérêt au choc des civilisations, et donc au développement de la peur et de la haine. On se rappelle comment le FN, par la bouche de Jean-Marie Le Pen, justifiait le terrorisme d'Anders Behring Breivik, l'extrémiste de droite poseur de bombe et auteur d'un massacre de jeunes sur l'île d'Utoya, en Norvège, en 2011. D'ailleurs pour celui qui était encore son président d'honneur, Breivik était un malade, pas un terroriste. L'autre façon de faire face, la nôtre Il n'y a qu'une façon à nos yeux de faire face. Refuser la peur et l'union sacrée derrière ceux qui sont largement responsables du monde tel qu'il va mal. C'est ce que nous avons été quelques-uns à dire dès le samedi soir, en invitant les gens à se retrouver place de la République puis sur les places de leurs villes respectives, autour des hashtags #cestcalurgence et #notafraid. De quelques centaines samedi nous passâmes à plusieurs milliers le lendemain, faisant fi des injonctions policières à nous disperser, et refusant de céder à une panique passagère. C'est ce que propose maintenant Alternatiba, dans un appel à signer qui dit « nous ne cédons pas à l'angoisse, tout comme nous n'acceptons pas la « stratégie du choc », qui profite des catastrophes humaines, sociales ou environnementales pour enclencher toutes les régressions, les restrictions des libertés élémentaires et les formes de repli sur soi. » Julien Salingue, de son côté, invite à refuser l'injonction « avec nous, ou avec les terroristes ». A refuser « les appels à l'unité avec les bourreaux et les fauteurs de guerres qui construisent chaque jour un monde plus barbare. » A refuser « leur monde fondé sur l'exploitation, le vol, la violence, l'injustice, les inégalités, la mise en concurrence de ceux qui devraient s'unir. » « L'autre voie, poursuit Patrick Viveret, c'est celle de la logique de la vie, du dialogue de civilisation, du refus de confondre violence et conflit. C'est celle de la Liberté face aux régressions sécuritaires, de l'égalité face à l'explosion des inégalités et bien sûr de la fraternité, cette grande oubliée de la République, face aux fanatismes et aux racismes de toute nature. Et le philosophe de citer la réaction du premier ministre norvégien après l'attentat meurtrier d'un fanatique d'extrême droite dans l'île d'Utoya en juillet 2011 : "J'ai un message pour celui qui nous a attaqués et pour ceux qui sont derrière tout ça : vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur (...) Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, d'ouverture et de tolérance." Une déclaration paraphrasée par Alternatiba qui lance un appel à maintenir les mobilisations pour le climat : « Nous appelons à répondre à ces crimes par plus de justice, plus de solidarité, plus de détermination à lutter contre tout ce qui nous empêche de faire ensemble société. » Et c'est vrai que le réchauffement climatique est cause de violences innombrables, déjà, et que pour cette raison, l'ONG 350.org a raison d'affirmer que « le Sommet sur le climat de Paris est, en un sens, un sommet pour la paix - peut-être le plus important sommet pour la paix qui ait jamais eu lieu. » On peut même compléter cette analyse en relevant que les actes terroristes commis sur notre sol sont une raison de plus de rendre visible le lien entre productivisme, énergies fossiles, guerres et terrorisme. Tant que nous resterons dépendants du pétrole, il nous faudra faire la guerre pour nous l'accaparer, et nous engendrerons par conséquent toujours plus de misère et de colère, donc de terrorisme. Et bien sûr toujours plus de réchauffement climatique, dont les désastres de plus en plus ingérables nous mettront finalement tous à égalité et en paix, mais ce sera au cimetière. D'ailleurs si les prix du diesel à la pompe ne montent pas, c'est aussi parce que Daesh a besoin de casser les prix pour vendre son pétrole. Comme quoi, tout est lié. C'est la raison pour laquelle, le collectif des désobéissants a annoncé qu'il marcherait pour le climat le 29 novembre, interdiction ou pas, fermeture des frontières ou pas, et qu'ils apporteront leur concours à tous ceux qui voudront mener des actions de désobéissance civile, des actions non violentes, pour le Climat. La peur au ventre, peut-être, mais la détermination inchangée. Bien sûr, désobéir est un pari risqué. On peut être marginalisés, on peut être discrédités, on peut être réprimés. Une partie de nos amis vont nous détester parce qu'on les mettra face à leurs peurs. Et c'est vrai qu'il peut y avoir un drame terroriste à l'occasion d'une de nos initiatives, et il faudra vivre avec cette peur-là, obsédante, qui ne nous quittera pas. Mais quelle est vraiment l'alternative ? Se résigner à l'état d'urgence ? Mais il y aura toujours des attentats, toujours de la peur, du désespoir et de la haine, toujours des restrictions à nos libertés sous couvert de sécurité et d'unité nationale et toujours plus de guerres pour le pétrole. L'état d'urgence deviendra l'état d'urgence en permanence, comme s'en inquiète déjà la Ligue des Droits de l'Homme, voir l'état de guerre permanente décrit par Orwell dans 1984. Le FN raflera la mise électorale et le climat continuera de se réchauffer pendant qu'on courra les magasins (qui eux ne seront pas fermés !) pour acheter nos cadeaux de noël. Ce sera la défaite consommée de la pensée altermondialiste, progressiste, écologiste, démocratique. La victoire des néoconservateurs français de François George W Bush Hollande, à court terme, et sans doute celle des fascistes juste après, aux présidentielles. Alors c'est vrai que nous sommes sous le coup de l'émotion savamment mise en scène sans fausse note, sans question désobligeante par les discours publics et les médias dominants. Mais essayons de nous projeter un peu : l'émotion, la nôtre, qui nous étreint et nous paralyse encore finira par passer, mais pas les mesures liberticides et les gesticulations martiales. Et il sera peut être trop tard pour réagir efficacement, parce que nous n'aurons pas de si tôt une occasion comme celle de la venue de milliers de manifestants inquiets du réchauffement climatique. Appelons-les à nous rejoindre malgré l'état d'urgence, malgré la fermeture des frontières ordonnée avant les attentats... C'est maintenant qu'il faut que nous prenions nos responsabilités, pour que notre dissidence à nous se fasse entendre, pour donner une chance à une autre narration, pour que la possibilité d'une société meilleure à court terme, rien de moins, perdure. Voilà, cette édition spéciale de votre AlterJT est maintenant terminée. Avant de nous quitter, nous exprimons au nom de toute l'équipe toutes nos condoléances à ceux qui ont perdu des proches dans les attentats lâches de vendredi dernier, et nous avons une pensée pour les victimes de toutes les violences du terrorisme islamiste comme du terrorisme d'État. On se quitte avec des images émouvantes : tous les jours depuis les attentats les parisiens se pressent sur les différents lieux du drame pour pleurer, se recueillir, déposer des fleurs et des petits mots, allumer des bougies… Et offrir tout leur amour, le plus beau cadeau des vivants fait aux morts, le contraire de la haine.
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/ajt-85-56547c778cc34eae5c8b4a12.jpg

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