[“Vote Utile” Macron…] Guénolé : Nous ne sommes pas des oies ! (4/5)

Série : Le Phénomène Macron…

Coup de gueule sur France Culture du politologue Thomas Guénolé – qui a ô combien raison sur cette nouvelle tentative de hold-up démocratique. Le discours de Cohn-Bendit est vraiment lamentable.

Transcription
 
Valentine  : «  Aujourd’hui  : Macron,  l’attrape-tout  !  »
Benoît Bouscarel  : «  Oui la semaine a été faste, hein,  pour Emmanuel Macron, qui a engrangé de nombreux nouveaux soutiens dans la course à la présidentielle. Christophe Caresche encore ce matin, le député réformateur du PS, se dit entre les lignes dans le journal du dimanche à la pointe d’un mouvement de fond au sein du parti socialiste, qui prendrait selon lui le parti de l’ancien ministre de l’Économie. Avant lui il y avait eu François de Rugy cette semaine.  François de Rugy qui a cassé son engagement de candidat de la primaire de gauche à soutenir celui ou celle qui allait sortir des urnes.
Bien sûr il y a eu François Bayrou  mercredi, la grande et heureuse surprise de la semaine pour le candidat d’ «  En marche  », et puis ce matin la confirmation d’une sympathie qui avait déjà été exprimée, celle de Daniel Cohn-Bendit, ancien eurodéputé écolo, qui a  assez clairement, c’était sur France Inter tout à l’heure, vous allez l’entendre, appelé à voter utile, c’est-à-dire à voter Macron.  »
Daniel Cohn-Bendit  : «  Qui peut au deuxième tour, le mieux battre Marine Le Pen  ? Je crois que si c’est François Fillon qui est au deuxième tour, la gauche n’ira pas voter. Deuxièmement si c’est Benoît Hamon, la droite n’ira pas voter. Donc si vous voulez vraiment nous éviter Marine Le Pen, eh bien, Emmanuel Macron au jour d’aujourd’hui est le mieux placé.  »
Benoît Bouscarel  : «  Bonsoir Thomas Guénolé.  Décidément, Emmanuel Macron attire beaucoup en ce moment, beaucoup de soutiens, même si du côté de Jean-Louis Borloo on a fait savoir aujourd’hui que le dîner annoncé dans un premier temps entre Macron et Borloo ce soir n’aurait finalement pas lieu. Comment est-ce que vous analysez cet appel au vote utile qu’on vient d’entendre, là de la part de Daniel Cohn-Bendit  ?  »
Thomas Guénolé  : «  Moi ce qui me frappe, c’est le  deux poids deux mesures que l’on peut constater entre Daniel Cohn-Bendit en 2017 et Alain Duhamel en 2007.
Alain Duhamel avait dit dans une conférence à titre personnel  : «  je compte voter plutôt pour François Bayrou  », et du coup il avait été suspendu d’une grande partie de ses activités d’éditorialiste.
Par contre Daniel Cohn-Bendit, quand il vous dit publiquement  : «  moi,  faut voter utile, et moi je voterai Macron  ». En fait il reste en poste comme chroniqueur politique quotidien sur Europe 1 et ça ne pose aucun problème. En réalité ça pose un souci beaucoup plus large et aussi bien les auditeurs de France Culture qu’un certain nombre de citoyens, en fait tous les citoyens qui sont soucieux d’un équilibre démocratique lors de la campagne du premier tour, doivent réfléchir à ça et en parler autour d’eux, à savoir. Vous avez un problème d’interviews longues comme le bras et répétitives, d’Emmanuel Macron par le Journal du Dimanche, groupe Lagardère, accumulation de couvertures de Paris Match pour Emmanuel Macron avec ou sans son épouse, groupe Lagardère. Europe 1 vous avez Daniel Cohn-Bendit  : chronique politique quotidienne qui dit et redit et répète qu’il est pro Macron et qu’il faut voter Macron.  »
Benoît  Bouscarel  : «   Bah, il parle aussi de la hauteur de son statut d’homme politique…  »
Thomas Guénolé  :  «  Mais… c’est-à-dire… en fait, le simple fait qu’il puisse s’exprimer librement en disant qu’il faut voter Macron ce qui n’est pas une chronique d’analyse politique là pour le coup,  c’est une chronique de campagne électorale pro en faveur d’un candidat. Le simple fait qu’il puisse faire ça quotidiennement sur Europe 1 et que donc l’actionnaire d’Europe 1 le laisse faire sans considérer que, comment dire  ? que c’est un parti pris inacceptable pendant la campagne présidentielle, vous permet de conclure qu’Europe1 vote Macron. Sauf qu’Europe 1 est une grande radio privée française. Ajoutez à ça,  la situation actuelle qui est que RMC, si vous écoutez RMC, les différentes matinales, RMC nous vend du Macron. Si vous rajoutez à ça que BFM-TV (le calcul a récemment été fait par Marianne) diffuse autant de minutes de meeting de Macron tout seul, que de Fillon, Le Pen, Mélenchon et Hamon réunis. Et que ces deux médias que je viens de citer plus l’Express… l’Express  accumule les couvertures sur Macron et fait campagne assez ouvertement pour Macron. Si vous rajoutez… et ça, ces éléments-là, c’est le même groupe qui a le même actionnaire qui est M. Patrick Drahi. Ajoutez à ça, Claude Perdriel, qui est un grand actionnaire de médias, qui a dit que, lui, à titre personnel, il souhaite que Macron, qu’Emmanuel Macron soit élu président de la république. Eh bien, il est propriétaire entre autres de Challenges. Challenges  fait campagne de manière assez ouverte pour Emmanuel Macron.  »

OB : saines remarques, non ?

Benoît  Bouscarel  : «  Bon d’après vous il y a un système Macron  ?  Il y a quelque chose de l’ordre de la force occulte qui fabrique du Macron à longueur de journée dans les médias  ?   Et Cohn-Bendit est à la botte de ce système  ?  »

OB : ah, non, pour le journalisme, c’est du complotisme, pardon…

Thomas Guénolé  :  «Moi ce que je vous dis c’est que, à l’heure actuelle la campagne présidentielle de premier tour est tout simplement faussée par l’existence de grands groupes médias privés qui font campagne massivement à coups de matraquage publicitaire pour un seul des candidats.  »
Benoît  Bouscarel  : «Est-ce qu’à la lumière des arguments que vous nous donnez là ce soir on peut quand même parler de l’argument du vote utile, qui revient en force face à la  crainte d’une présence quasi certaine si on écoute les divers analystes de Marine Le Pen au second tour  ?  »
Thomas Guénolé  :  «Alors, je voudrais rappeler que, il y a eu le Brexit, il y a eu la victoire de Trump, il y a eu la victoire de Fillon à la primaire de la droite, il y a eu la victoire de Hamon à la primaire de la gauche, alors que les sondages, quels que soient les pays, multiplient les erreurs énormes sur le résultat possible des scrutins. De quel droit peut-on nous matraquer l’argument du vote utile pour quoi que ce soit  ?
J’ajoute que les électeurs sont grands, qu’ils sont souverains, qu’ils sont capables de lire des programmes et de voter en conscience, alors il faudrait dire à un certain nombre de grands actionnaires de médias privés, il faudrait leur dire très simplement, nous ne sommes pas des oies, et il faudrait donc arrêter d’essayer de nous enfoncer Macron dans la gorge à tout prix.  »
Benoît  Bouscarel  : «  Merci on vous a bien compris, Thomas Guénolé, politologue. Merci d’avoir accepté notre invitation ce soir.  »

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