« Où va la CGT ? » , par Jacques Nikonoff

Jacques Nikonoff (PARDEM) et Philippe Martinez (CGT)
Tous ceux qui comptent sur les confédérations syndicales pour défendre leurs intérêts matériels et moraux, particulièrement au moment où le gouvernement a lancé une offensive générale contre ce qu’il reste du modèle social, économique et démocratique issu de la Résistance, fondent un espoir particulier sur la CGT. Née il y a plus d’un siècle, elle a contribué à écrire certaines des pages les plus glorieuses de l’histoire de notre pays. Aujourd’hui encore elle est la première organisation syndicale de salariés tant pour le nombre de ses adhérents et de ses électeurs, que pour son dynamisme. Nul ne peut ignorer son rôle de barrage protecteur face aux offensives néolibérales répétées. Rien ne peut être obtenu de significatif lors des luttes sociales sans son implication active. Pour autant, deux prises de position récentes publiées par la Confédération sont de nature à susciter les plus vives inquiétudes.
– La première est un communiqué de la CGT daté du 21 mars 2018.
http://www.cgt.fr/Ni-nulle-part-ailleurs.html
– La seconde est un entretien accordé par son secrétaire général, Philippe Martinez, au journal L’Humanité publié le 28 mars 2018.
https://www.humanite.fr/syndicalisme-un-large-mouvement-social-de-contestation-peut-avoir-lieu-652820
En tant qu’ancien élu CGT dans une grande usine de La Courneuve (93), aujourd’hui rasée, mes commentaires ci-dessous sont faits avec l’humilité de celui qui, pour avoir été licencié à cause de son activité syndicale, sait combien la tâche est rude pour les militants des entreprises. Il n’en demeure pas moins que le contenu de ces prises de position interpelle :
– Un amalgame inacceptable entre l’extrême droite, des groupes « identitaires», le racisme et la xénophobie, et des forces comme le Parti de la démondialisation qui luttent pour restaurer la démocratie dans notre pays.
– Une méconnaissance du programme du Front national et l’inefficacité des moyens pour le combattre.
– Un silence coupable sur la responsabilité structurelle de l’Union européenne dans les politiques d’austérité et de casse des services publics.
– Une sous-estimation profonde des objectifs du gouvernement Macron qui accélère la destruction du modèle social et démocratique issu de la Libération.
– Une absence de perspectives globales données à la lutte qui ne permet pas à la CGT de se hisser pour le moment au niveau des enjeux.
À mes yeux, toutes les conditions semblent actuellement malheureusement réunies, une fois encore, pour une nouvelle défaite sociale, après celle des mobilisations stériles contre les ordonnances Macron de démantèlement du Code du travail. Les citoyens, dans leur immense majorité, ont pourtant tout intérêt à faire échec aux « réformes » du pouvoir et ont besoin de syndicats forts, notamment la CGT. Le débat public doit donc s’ouvrir dans le pays, car la situation ne concerne pas les seuls salariés ni les seuls syndiqués. Nous sommes à la veille d’un grand combat.

I.- Un amalgame inacceptable entre l’extrême droite, des groupes « identitaires », le racisme et la xénophobie, et des forces comme le Pardem qui luttent pour restaurer la démocratie dans notre pays

Qu’on ne s’y trompe pas, évitons les polémiques stériles : le Pardem est à la fois anti-Union européenne et anti-euro, et dans le même temps anti-extrême droite, anti-xénophobes, anti-racistes, anti-antisémites. Il n’a aucune complaisance pour ces organisations, il les combat.
Dans son communiqué du 21 mars, la CGT estime pourtant « que du Front national aux Patriotes, en passant par différents mouvements favorables au FREXIT, des organisations identitaires, xénophobes et racistes se travestissent en pseudo-alliés et soutiens des travailleurs en lutte ». Cette position fait suite à un incident s’étant produit le 15 mars à Valenciennes. Ce jour-là, entre 300 et 1 500 personnes, selon les sources, étaient rassemblées à l’appel de la CGT Métallurgie, dans le cadre d’une semaine d’action visant notamment à aboutir à une « convention collective nationale de haut niveau » pour les 1,4 million de salariés du secteur. Le député FN de la circonscription voisine, Sébastien Chenu, présent à ce rassemblement, a été expulsé par des militants de la CGT et a porté plainte pour coups et blessures.
Émile Vandeville, secrétaire général de l’union locale CGT de Valenciennes explique à France Info : « Chenu était dans un bistrot sur la place d’armes, et on l’a vu sortir avec son écharpe pour venir dans la manifestation. Les interventions avaient commencé au micro, on est venu nous prévenir de sa présence, et le camarade qui parlait au micro lui a demandé de partir. Il était là sans bouger, il jouait clairement la provocation, il était là pour ça. Donc il a été, comment dire, poussé à partir ». Ce militant ajoute « En tout cas une chose est sûre c’est qu’aujourd’hui on était près de 1 500 à manifester, et les médias ne parlent que de Chenu ! ». Il précise « On le connaît, il fait le coup à chaque fois, il vient provoquer, et attend qu’on parle de lui pour se faire de la pub ».
On pourrait faire remarquer à ce militant que la tactique du député FN fonctionne parfaitement, puisque tout seul, face à 1 500 manifestants (ou 300 selon d’autres sources), il a réussi à capter l’attention générale. Pourquoi renoncerait-il a ce petit jeu qui, « à chaque fois », lui fait de la publicité gratuite grâce à certains militants de la CGT ? Leur comportement est aussi condamnable que celui des dirigeants du Conseil représentatif des institutions juives de France (le CRIF) qui, le 29 mars, a expulsé avec des insultes et des bousculades de la « marche blanche » à Paris en hommage à Mireille Knoll, assassinée semble-t-il parce que juive, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, députés de la République. Il doit être clair pour chacun qu’un député de la République, représentant du peuple, quel qu’il soit, est partout chez lui, en France, sur la voie publique. On peut comprendre l’exaspération des militants qui voient parader un individu qui, bien que député, est aussi probablement un raciste et certainement un adversaire du monde du travail et du syndicalisme. Mais leur attitude, finalement, a desservi la cause qu’ils défendaient. L’ignorance et le mépris, tout comme les huées sont des armes probablement bien plus efficaces. Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, en rajoute même une couche dans L’Humanité du 28 mars : « On l’a vu encore le 15 mars dans le nord, les élus FN sont venus provoquer les participants, et c’est finalement trois de nos camarades qui ont été placés en garde à vue ». C’est à manger du foin !
Ce communiqué du 21 mars de la Confédération fait un parallèle systématique entre d’une part les partisans de la sortie de la France de l’Union européenne (FREXIT), et d’autre part l’extrême-droite, les mouvements identitaires, racistes et xénophobes. C’est inacceptable et évidemment inexact. Quelques rappels semblent ici nécessaires.

Vive le FREXIT !

FREXIT signifie la sortie de la France de l’Union européenne, comme BREXIT signifie la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. En quoi cette position politique, que je défends personnellement, avec le Parti de la démondialisation (Pardem), le Pôle de renaissance communiste en France (PRCF), l’Union populaire républicaine (UPR), le Parti ouvrier indépendant (POI), le Parti ouvrier indépendant démocratique (POID), etc., est-elle assimilable à de la xénophobie, du racisme, un tropisme identitaire ou d’extrême droite ? Les partis communistes portugais, espagnol et grec, entre autres forces politiques habituellement classées très à gauche, sont-ils désormais d’extrême droite puisqu’ils veulent que leur pays sorte de cette prison des peuples qu’est l’Union européenne ? En quoi les syndicats britanniques favorables au BREXIT, comme RMT (transports), ASLEF (conducteurs de trains), BFAWU (travailleurs de l’alimentation), sont-ils d’extrême-droite, identitaires, racistes ou xénophobes, comme d’ailleurs la très grande majorité des travailleurs et des syndiqués britanniques qui sont favorables au BREXIT ?
Le Front national a toujours fait semblant de vouloir sortir de l’Union européenne et de l’euro. D’ailleurs le rapprochement actuel entre le FN et Les Républicains de Laurent Wauqiuez, eurocritques de pacotille, le confirme. En parlant d’une sortie « groupée », alors qu’aucun pays, à court ou moyen terme, n’envisage cette hypothèse, le FN pouvait espérer gagner sur les deux tableaux : flatter ceux qui veulent sortir tout en rassurant ceux qui veulent rester. Pour les premiers il parlait de « sortie de l’union européenne et de l’euro », et pour les seconds il ajoutait « groupée », c’est-à-dire en réalité l’impossibilité d’y parvenir. Seul un acte unilatéral de la France (ou d’un autre pays), en effet, peut permettre de redevenir libre, aucune sortie « groupée » n’est crédible. Autre manipulation du FN : sa proposition de référendum sur la sortie de l’Union européenne en cas de victoire de son candidat à l’élection présidentielle. Comme les sondages – hélas – ne donnent qu’environ 30% des Français favorables pour l’instant à la sortie de la France de l’Union européenne, un tel référendum serait organisé pour être perdu ! Si un candidat à l’élection présidentielle était néanmoins élu tout en ayant mis dans son programme la sortie de l’Union européenne, il n’aurait évidemment pas besoin d’un référendum. Son programme constitue le mandat que le peuple lui a confié. C’est ce qu’ont compris tous ceux qui ont étudié sérieusement le programme du FN. Pourtant, pendant des années, tout le monde, dont les confédérations syndicales, a ignoré ces aspects et a continué à développer une analyse erronée sur le FN. Comment, dans ces conditions, s’étonner du poids important du vote en faveur du FN parmi les salariés et même les syndiqués ? On peut malheureusement dire que cela continue aujourd’hui – la preuve avec ce communiqué de la CGT – car l’annonce officielle faite par le FN du retrait de son programme de la sortie de l’Union européenne et de l’euro est une évolution que les dirigeants de la CGT ne semblent pas avoir perçue. Le FN, en effet, est désormais officiellement contre le FREXIT !
Les dirigeants de la CGT envisagent-ils alors d’ériger en délit d’opinion le fait de se prononcer et d’agir pour la souveraineté de la France ? Souveraineté qui est la condition nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, pour sortir de l’euro-libéralisme et mener enfin des politiques favorables aux classes dominées sur les plans national, européen et international.
Ajoutons enfin que le traité de Lisbonne, architecture juridique de l’Union européenne, comporte un article 50 qui définit les modalités de sortie de l’Union européenne. Certes, cet article 50 est un piège, sa raison d’être est d’embourber toute velléité de sortie d’un pays. On le voit clairement avec le BREXIT qui tourne en rond. Mais pourquoi diaboliser ceux qui veulent redevenir libres, alors que le droit européen lui-même le permet ?

II.- Une méconnaissance du programme du Front national et l’inefficacité des moyens pour le combattre

Dans son communiqué du 21 mars, la CGT affirme que « la ‘priorité nationale’ est contraire à nos valeurs, comme aux valeurs républicaines ». La CGT a entièrement raison de combattre la priorité nationale à la sauce FN. Mais son combat est défensif et stérile car elle fait un amalgame entre la mauvaise priorité nationale et la bonne priorité nationale. Pourquoi ne jamais montrer qu’il existe aussi une bonne priorité nationale ?
Le FN, en 2011, a remplacé la « préférence nationale », pierre angulaire de son programme, par la « priorité nationale ». Les Français auraient ainsi une « priorité pour l’attribution » d’emplois, de logements et d’aides sociales. Les allocations familiales, de leur côté, seraient « réservées aux familles dont un parent au moins est français ou européen ». La « préférence nationale », prônée par le FN depuis le milieu des années 80, excluait tous les étrangers, y compris ceux en situation régulière. Cette évolution de la « préférence » à la « priorité » nationale visait à abandonner le mot « préférence », qui avait suscité énormément de protestations, et à trouver un mot nouveau sans pour autant changer le principe de ces mesures. Cette proposition figure parmi les 144 « engagements » du programme du Front national de 2012. Deux lois seraient adoptées, l’une mettant en place une taxe additionnelle sur l’embauche de salariés étrangers « afin de favoriser l’emploi des Français », l’autre introduisant un délai de carence au cours duquel les étrangers, qu’ils soient ou non en situation régulière, ne pourraient plus bénéficier gratuitement des soins de santé. L’inscription dans la Constitution du principe de priorité nationale étant un préalable indispensable à l’adoption de telles mesures, Marine Le Pen propose d’inscrire ce principe dans la Constitution à la suite d’un référendum.
Bertrand-Léo Combrade (maître de conférences en droit public à l’université de Picardie Jules-Verne) a parfaitement bien montré que cette proposition du FN était non seulement une supercherie, mais également une atteinte inouïe au principe républicain de l’égalité (Le Monde, 28 février 2017). Deux obstacles juridiques se dressent sur la route de la priorité nationale, démontrant que cette idée monstrueuse était loin d’être facile à réaliser.
Il y aurait d’abord un obstacle juridique de fond. Selon l’article 89-5 de la Constitution, « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Que signifie « forme républicaine du gouvernement » ? La réponse est donnée aux articles 1 et 2 de la Constitution, qui concernent en particulier le principe d’égalité. Ainsi « la France est une République (…) sociale » (art. 1). Quant à l’article 2, il intègre l’égalité dans la devise de la République (« Liberté, Egalite, Fraternité »). Le Conseil constitutionnel considère que s’il est possible d’introduire dans la Constitution des « dispositions nouvelles qui (…) dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle », c’est « sous réserve » du respect, notamment, des alinéas 2 et 5 de l’article 89 de la Constitution. Dans l’hypothèse où les citoyens français se prononceraient par référendum en faveur de la priorité nationale, la révision du texte fondamental serait donc possible. Selon une jurisprudence constante, en effet, « le Conseil constitutionnel relève l’existence de limites à la révision de la Constitution mais se refuse à sanctionner leur méconnaissance ». Car l’attribution d’une valeur constitutionnelle à la priorité nationale permettrait alors de limiter le risque d’inconstitutionnalité des lois introduisant des discriminations entre Français et étrangers en situation régulière. Selon la jurisprudence actuelle, le Conseil constitutionnel pourrait accepter cette révision. Rien, cependant, n’interdit de penser qu’un revirement de jurisprudence pourrait se produire. Dans une décision du 22 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a ainsi censuré une loi qui introduisait une différence de traitement entre des Français et certaines catégories d’étrangers résidant régulièrement en France, et ce, au motif de sa méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité.
Il existe ensuite un obstacle d’ordre procédural à la priorité nationale. La révision de la Constitution, même obtenue par référendum, après acceptation du Conseil constitutionnel, implique d’obtenir au préalable un vote en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat (article 89-2 de la Constitution). C’est cette disposition qui, par exemple, a empêché l’adoption de la déchéance de nationalité puisque le 22 mars 2016, le Sénat n’a pas voté en termes identiques le projet adopté par l’Assemblée nationale. Concernant la priorité nationale, Marine Le Pen aurait beaucoup de difficultés à trouver une majorité dans chaque Chambre pour faire adopter le texte dans les mêmes termes.
Bref, il y a un côté fanfaronnade dans la posture du FN qui n’est pas assez dénoncé. Ajoutons que le raisonnement économique qui sous-tend la préférence nationale est particulièrement affligeant. Il repose sur l’idée que notre pays n’aurait plus les moyens de financer un emploi, de loger, soigner et aider chaque résidant régulièrement sur le territoire, français ou étranger. Il faudrait donc faire un tri. Le FN commence par éliminer les immigrés, mais son raisonnement conduit à imaginer que si, malgré le rabaissement des immigrés à de vulgaires objets, auxquels on dénie la moindre condition humaine, il n’y a toujours pas assez d’argent pour financer la protection sociale à ceux qui restent, on devra faire un nouveau tri. On a tout de suite compris où les regards allaient se porter, vers les femmes qui devront rejoindre leur « foyer ». Et après les femmes ? Les moyens financiers, pourtant, ne manquent pas pour financer la protection sociale. Ils se trouvent dans les profits des très grandes entreprises et des institutions financières. Une fiscalité allégée pour le travail et alourdie pour le capital permettrait de répondre aux besoins essentiels de tous. Le FN démontre de quel côté il se trouve en refusant d’envisager cette hypothèse.
Il existe aussi une bonne priorité nationale : les luttes contre les délocalisations, la préservation de l’emploi en France, produire et acheter français, revendiquer la souveraineté nationale et populaire…
Lorsque des salariés luttent contre la délocalisation de leur entreprise et préfèrent garder leur emploi en France, ils expriment une priorité nationale et ils ont raison. Lorsque des consommateurs choisissent d’acheter des produits français pour favoriser l’emploi en France, ils expriment une priorité nationale et ils ont raison. Lorsque les agriculteurs et consommateurs luttent contre les traités de libre-échange comme le CETA, le Mercosur ou le TAFTA, ils expriment une priorité nationale et ils ont raison. Lorsque de partout dans la société monte l’exigence de produire et acheter français, c’est aussi une priorité nationale qui se manifeste à juste titre. Alors pourquoi la direction de la CGT, contrairement au simple bon sens, condamne-t-elle en bloc toute priorité nationale ? De telles erreurs se payent très cher. Elles sont à relier au problème plus vaste qui est celui de la faillite intellectuelle de presque toute la gauche face au libre-échange. Comme une poule devant un couteau elle est incapable d’aller au-delà d’une critique de bon aloi. Lorsqu’il s’agit d’imaginer un monde de coopération commerciale, c’est le vide qui s’installe. Et lorsqu’il s’agit d’envisager une politique gouvernementale nationale sur le sujet, ce n’est plus le vide mais un trou noir. Toutes ces organisations et ces intellectuels qui papillonnent autour d’elles refusent de reprendre les principes de la charte de La Havane de 1948 sur le commerce international et de la charte d’Alger de 1973 sur le non-alignement. Pourquoi ?
http://www.nikonoff2017.fr/programme/iv-souverainete-economique/635-presentation-de-la-partie-iv-reconquerir-la-souverainete-economique

III.- Un silence coupable sur la responsabilité structurelle de l’Union européenne dans les politiques d’austérité et de casse des services publics

La CGT d’aujourd’hui n’est plus la « courroie de transmission » du Parti communiste français comme ce fut le cas pendant des décennies et c’est très bien. Mais une chaîne en a remplacé une autre puisque la CGT est désormais devenue la « courroie de transmission » de la Confédération européenne des syndicats (CES), et donc du système de l’Union européenne qui ruisselle ensuite vers les confédérations nationales qui en font partie. Son but est de neutraliser et d’anesthésier les salariés des pays membres. Rappelons ce que disait Benoît Frachon en 1957, ancien secrétaire général de la CGT : « L’intérêt des travailleurs de tous les pays du Marché commun est de combattre pour sa destruction. La CGT française poursuivra sa lutte, non seulement avec la classe ouvrière, mais en s’appuyant sur toutes les forces nationales qui veulent sauvegarder l’indépendance de notre pays et assurer un développement de son économie nationale ». Cette analyse, plus que jamais, reste entièrement pertinente. Pourtant, depuis le milieu des années 1990, une partie de la direction confédérale a réussi à réorienter la CGT sur des bases européistes en la faisant adhérer à la Confédération européenne des syndicats. Sortir de la CES serait ce qui pourrait arriver de mieux à la CGT. La conséquence est immédiate puisque la responsabilité de l’Union européenne dans les politiques d’austérité, de destruction de la démocratie, de démantèlement des services publics n’est jamais ou que très rarement mise en cause. Prenons quelques exemples :
Les ordonnances Macron de démantèlement du Code du travail, après la loi El Khomri, comme les « réformes » de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle, des retraites… sont directement issues du « Semestre européen ». Il s’agit d’un cycle de « coordination » (en réalité d’alignement) des politiques économiques et budgétaires au sein de l’Union européenne qui s’inscrit dans le cadre de la « gouvernance » économique de l’Union européenne à partir des traités. Ce cycle se concentre sur les six premiers mois de chaque année, d’où son nom. Le processus consiste à articuler les politiques économiques et budgétaires de la zone euro, en lien avec le Pacte de stabilité et de croissance et la stratégie Europe 2020. La Commission européenne a publié le 26 février 2016 son analyse « des défis économiques et sociaux, auxquels font face les États membres de l’UE ». Concernant la France, ce rapport préconise la décentralisation de la négociation collective à l’échelle de l’entreprise et une diminution généralisée des dépenses sociales.
Dans ses « recommandations spécifiques », la Commission européenne demande notamment à la France en 2016 de :
– Identifier les « sources d’économies sur la Sécurité sociale, les collectivités locales, les retraites complémentaires, les retraites de base grâce aux encouragements pour travailler plus longtemps »,
– Poursuivre les « progrès substantiels » obtenus dans la baisse du coût du travail,
– Lutter contre les « rigidités » du marché du travail,
– « Modifier les modalités de fixation du salaire minimum » (le SMIC),
– Faciliter les dérogations accordées aux entreprises notamment pour l’aménagement du temps de travail,
Etc.
Le 22 mai 2017, dans le paquet « Semestre européen » du printemps 2017, le Conseil recommande que la France s’attache, au cours de la période 2017-2018, à :
– Faire « d’importants efforts budgétaires pour 2018. Réexaminer de manière exhaustive les postes de dépenses dans le but de réaliser des gains d’efficacité qui se traduisent par des réductions de dépenses ». Telle est l’origine du blocage des salaires des fonctionnaires, de la diminution de leurs effectifs, de la crise de la justice, des hôpitaux publics, des EHPAD, de la misère matérielle dans la police, les lycées, les universités…
– « Consolider les mesures de réduction du coût du travail afin d’optimiser leur efficacité de manière budgétairement neutre et d’accroître leurs effets sur l’emploi et l’investissement ; élargir l’assiette globale de l’impôt et poursuivre la mise en œuvre de la diminution prévue du taux nominal de l’impôt sur les sociétés. »
– « Revoir le système d’enseignement et de formation professionnels ; veiller à ce que les évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création d’emplois et la compétitivité. »
– « Poursuivre la réduction des charges réglementaires pesant sur les entreprises, y compris en poursuivant le programme de simplification ; continuer à lever les barrières à la concurrence dans le secteur des services, y compris dans les services aux entreprises et les professions réglementées ; simplifier les programmes de soutien public à l’innovation et en améliorer l’efficience. »
C’est l’Union européenne qui veut casser la SNCF, pourquoi le taire ?
Prenons le cas de la SNCF. Sa « réforme », ou plus exactement la poursuite acharnée de la volonté de transformer ce remarquable service public que le monde entier nous envie en une multitude de sociétés privées, ne date pas d’hier. Il date de la première directive européenne sur le sujet, en juillet 1991. Celle-ci exigeait que les sociétés ferroviaires deviennent indépendantes de l’État, et que soient séparés, au moins sur le plan comptable, l’infrastructure (les rails) de l’exploitation (la circulation des trains). Le principe d’une ouverture des réseaux aux entreprises européennes était adopté. En 1996, après la grande grève de 1995, un premier « livre blanc » est publié. Il recommande d’introduire les « forces du marché » dans l’exploitation ferroviaire. La tactique adoptée est celle des « paquets », c’est-à-dire des ensembles de directives et de règlements européens devant être appliqués par les États membres de l’Union européenne. Quatre paquets ferroviaires ont été définis. Le premier, de mars 2001, impose l’ouverture à la concurrence du fret international (transport de marchandises). Le deuxième paquet est d’avril 2004, le fret intérieur est à son tour libéralisé. Le troisième paquet est adopté en 2007 et fixe des échéances pour la libéralisation du transport des voyageurs. Le quatrième paquet en cours de mise en œuvre est adopté en 2016, pour accueillir sur les rails les sociétés ferroviaires publiques et privées, pour transporter les passagers, fin 2019 pour les lignes type LGV, sur lesquelles tout exploitant pourra arriver (exploitation possible d’une même ligne par plusieurs concurrents), et fin 2023 pour les lignes subventionnées, essentiellement régionales. Dans ce second cas, les régions seront tenues de passer des appels d’offres pour attribuer l’exploitation au plus offrant. Les dispositions prévues par le quatrième paquet doivent être transposées en droit national au plus tard fin 2018.
À aucun moment la direction de la CGT ne cherche à susciter la révolte contre l’Union européenne. Peut-on espérer mener des luttes sociales victorieuses lorsque l’adversaire principal n’est pas combattu ni même nommé ? Finalement la CGT se retrouve dans le même camp européiste que le grand patronat industriel et financier, les partis de droite comme LR, la plupart de ceux qui se placent à gauche comme le PS ou le PCF, ceux qui sont à la fois de gauche et de droite comme LREM. On ne peut pas dire que tout cela contribue à la clarté des idées…

IV.- Une sous-estimation profonde des objectifs du gouvernement Macron qui accélère la destruction du modèle social et démocratique issu de la Libération

Cessons de parler de simples « réformes » engagées par le gouvernement Macron et regardons les choses en face : nous sommes confrontés à une véritable contre-révolution visant à effacer ce qu’il reste de la révolution inachevée de la Libération en 1944-1948. Ne pas faire cette analyse et ne pas en tirer toutes les conséquences serait rendre inadaptées les mobilisations en cours. Macron multiplie les fronts pour provoquer un effet de souffle afin de mieux disperser les oppositions. S’appuyant sur sa victoire sur le Code du travail, il croit le moment propice pour accélérer, cette fenêtre de tir étant à utiliser tout de suite. L’essence du macronisme apparaît de plus en plus clairement aux citoyens. Elle est d’achever la destruction des acquis du Conseil national de la Résistance mis en œuvre à la Libération. Il veut continuer de casser tous les statuts, toutes les sécurités, introduire partout l’insécurité, la logique du marché et de la privatisation.
Depuis le « tournant libéral » de François Mitterrand et du Parti socialiste en 1982-1983, tous les gouvernements français qui se sont succédé se sont fixé pour objectif de convertir la France au néolibéralisme, au motif que la mondialisation néolibérale ne laissait plus d’autre choix. Ils ont donc mis en œuvre les choix européens, à la suite du traité de Maastricht de 1992 et du traité de Lisbonne de 2008. Et ceci malgré la victoire à 55% du NON à la Constitution européenne lors du référendum de mai 2005. Ces gouvernements sont parvenus à faire basculer la France dans un système de « gouvernance par les traités internationaux », c’est-à-dire une sorte de pilotage automatique où les principales orientations économiques et sociales ne dépendent plus des représentants politiques élus par le peuple, mais de traités internationaux et d’institutions prétendument « indépendantes » comme la Banque centrale européenne. Paradoxalement, les mots « néolibéralisme », « mondialisation néolibérale », « européisme », sont absents du vocabulaire syndical. Ces notions éclairent pourtant la stratégie des classes dominantes.
N’ayons aucune illusion. Après avoir écrasé le peuple et corrompu une grande partie de la gauche syndicale et politique dans ce pays, la Grèce est le modèle que les oligarques européens et le président de la République voudraient appliquer en France. Il faut oser le dire afin de placer les enjeux du combat qui s’annonce à la bonne hauteur.

V.- Une absence de perspectives globales données à la lutte qui ne permet pas à la CGT de se hisser pour le moment au niveau des enjeux

Le deuxième document qui doit nous inquiéter est l’interview de Philippe Martinez dans L’Humanité du 28 mars 2018. Il affirme que « plutôt que de globaliser et de donner un mot d’ordre, nous proposons à tous de se mobiliser sur la base de leurs propres revendications pour qu’ils agissent ensemble en même temps ».
C’est exactement ce que souhaite le gouvernement. Si on accepte l’analyse selon laquelle le pouvoir a engagé une véritable contre-révolution vis-à-vis du modèle de société issu de la Résistance, et qu’il veut atomiser les mouvements, le mot d’ordre doit être évidemment global. La révolte contre le néo-libéralisme et son bras armé sur le continent, l’Union européenne, doit être franche, ouverte, assumée, argumentée. Il faut effacer quarante ans d’eurolibéralisme et se prémunir ainsi pour les quarante prochaines années. Le mouvement des cheminots n’est pas simplement celui des cheminots mais celui de tous les Français qui veulent conserver un service public des chemins de fer efficace, sûr, abordable. Le mouvement des fonctionnaires n’est pas simplement celui des fonctionnaires mais celui de tous les Français qui veulent que les hôpitaux publics, l’enseignement public, la police, la gendarmerie et la justice disposent de personnels et de moyens suffisants pour nous soigner, instruire nos enfants, nous protéger. Le mouvement des salariés des EHPAD n’est pas seulement le leur, il est celui de tous les Français qui veulent que leurs parents soient accueillis dignement à la fin de leur vie. C’est la même chose pour les postiers, les agents d’EDF-GDF, les salariés de Carrefour, les paysans, les retraités, les lycéens, les étudiants…

Tous ensemble !

Qui peut défendre qu’il n’existe aucun point commun entre toutes ces souffrances, immenses, anciennes, qui ne demandent qu’à se transformer en combat de libération. Oui, il existe une signification d’ensemble à tous ces mouvements, sans compter ceux qui couvent sous la cendre. Ils sont reliés les uns aux autres, les causes sont les mêmes et les solutions le sont aussi. La condition du succès se trouve là, dans ce tous ensemble que scandent et espèrent les manifestants. La CGT serait dans son rôle, la première ligne du préambule de ses statuts ne précise-t-elle pas que « le syndicalisme est né de la double volonté des salariés de défendre leurs intérêts immédiats et de participer à la transformation de la société » ?
La tactique de Macron repose sur un pari. Ce qu’il craint le plus, et qui est la condition principale à sa défaite, serait une coagulation des tensions sociales, dont la réforme de la SNCF pourrait être le catalyseur. Il veut éviter par tous les moyens que ne se mette en place un mouvement comparable à celui qu’avait connu la France en 1995. C’est son point faible et c’est précisément là qu’il faut appuyer.
Ce qui est en cause, insistons encore une fois, va bien au-delà des différentes mobilisations catégorielles, c’est le modèle de société – le néolibéralisme – que le gouvernement veut imposer. L’enjeu n’est pas seulement d’empêcher la mise en place d’une série de contre-réformes, mais aussi de dégager un horizon vivable, une perspective pour notre émancipation commune.
L’heure est à un mouvement qui rassemble tous ceux qui sont déjà victimes ou menacés par la politique gouvernementale, c’est-à-dire la grande majorité de la population. Toutefois, pour rassembler dans l’action, il faut des analyses et des revendications unificatrices. L’analyse à faire partager est simple : elle est de faire comprendre que le point commun à tous les problèmes sectoriels est le néolibéralisme et son relai de l’Union européenne. Par conséquent, pour résoudre ces problèmes qui ont la même origine, il faut faire reculer le néolibéralisme en général, le gouvernement et l’Union européenne qui en sont les vecteurs. Le moment est venu de lutter pour la tenue d’une négociation interprofessionnelle nationale au niveau du Premier ministre – de nouveaux « accords Matignon » comme en 1936, ou des « accords de Grenelle » comme en 1968 – pour l’augmentation des salaires et des revenus de transfert (retraites, chômage, handicapés…), la mise en place du droit opposable à l’emploi, des mesures protectionnistes pour sauver notre agriculture et notre industrie, la nationalisation de tout le secteur bancaire et financier ainsi que des groupes stratégiques, une fiscalité alourdie pour les groupes fraudeurs et les actionnaires puisqu’à la fin des années 1980, toutes les entreprises non financières distribuaient 30% de leurs bénéfices en dividendes, alors qu’en 2012, c’était 85% ! Ainsi lorsque les entreprises françaises créent de la richesse, elles ne privilégient ni l’investissement, ni les salaires, mais la rémunération des actionnaires…
Dans son interview à L’Humanité, Philippe Martinez poursuit : « Beaucoup de salariés souhaitent agir par la grève. Vouloir le faire le samedi et le dimanche ne concerne qu’un petit nombre d’entre eux. Laissons pour l’instant les organisations syndicales gérer le calendrier des mobilisations sociales, et nous verrons plus tard s’il est opportun de décider de se mobiliser le week-end ».

La semaine et le week-end

Le secrétaire général de la CGT ne ferme pas la porte à des manifestations le week-end, mais pourquoi les opposer à la grève en semaine ? Faisons les deux ! La semaine, toutes les professions actuellement concernées, et d’autres qui entreront sans aucun doute bientôt dans le mouvement, peuvent parfaitement poursuivre le type de lutte adapté à leurs réalités et aux rapports de forces sectoriels. Mais le week-end serait l’expression du rapport de forces de tout le peuple, en son entier. Non seulement les salariés en grève viendraient défiler le week-end dans les grandes villes, mais ils seraient rejoints par tous ceux qui ne peuvent faire grève, par exemple dans les petites entreprises et pour certaines catégories de cadres. Le processus commencerait par une grande manifestation nationale à Paris, à un million, qui pourrait se renouveler plusieurs fois lors d’un conflit qui peut durer des mois.
L’articulation entre les grèves en semaine et les manifestations le week-end ne tient pas du tout au fait que « les salariés souhaitent agir par la grève ». Qui peut le plus peut le moins. La véritable raison de la tiédeur syndicale à propos des manifestations du week-end tient en réalité à la question de l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques. Car le week-end, contrairement à la semaine, ce sont les partis politiques, dans la configuration actuelle impraticable, qui auraient la haute-main sur l’organisation des mobilisations. La jurisprudence Mélenchon est à cet égard négative. La « marche contre le coup d’État social » organisée le 23 septembre 2017 à Paris par LFI est une caricature de ce qu’il ne faut pas faire. Après les congés d’été, LFI voulait, à juste titre, relancer la mobilisation contre les ordonnances Macron de casse du Code du travail. Dans cette affaire, qui semblait partir d’un bon sentiment, toutes les erreurs à ne pas commettre ont pourtant été commises. Car cette « marche » de LFI était surtout une tentative de récupération des salariés mobilisés contre les ordonnances Macron, au profit du chef de LFI. On en veut pour preuve le final ridicule et inacceptable de cette « marche » où Jean-Luc Mélenchon trônait comme César regardant défiler ses légions ! Il aurait été beaucoup plus utile à la lutte (et certainement à Jean-Luc Mélenchon aussi), que LFI offre simplement un cadre « neutre », en quelque sorte, de mobilisations. Et qu’elle s’abstienne de faire sa publicité lors d’un meeting en fin de manifestation.
Pourtant Jean-Luc Mélenchon était dans le vrai à propos des mobilisations du week-end. Certes, les organisations syndicales ont raison de veiller scrupuleusement à leur indépendance. Aucune alliance n’est possible ni souhaitable actuellement avec les partis politiques. Écartons d’emblée LREM dont sont issus les principaux ministres du gouvernement, mais cela va de soi. Écartons aussi le FN, ce qui va également de soi. Ajoutons les partis qui ont exercé le pouvoir ces deux derniers quinquennats, à peu près comparables dans la mise en œuvre de politiques néolibérales : LR, MoDem, UDI, PS, EELV, PRG.
Les partisans de l’union de la gauche pourraient alors objecter que le PS, EELV et le PRG sont maltraités et qu’ils devraient faire partie des cortèges du week-end parce que de gauche. Aucun syndicaliste cohérent ne peut accepter cette mascarade. Le PS et ses satellites EELV et le PRG sont les principaux acteurs de l’implantation du néolibéralisme en France, bien davantage que la droite. Ils ont puissamment contribué à affaiblir les droits des salariés. Aucune alliance n’est possible avec eux.
Il reste le cas du PCF et de LFI. Ces partis sont très divisés et comptent dans leurs rangs nombre de militants et de responsables qui ne se sont jamais compromis avec le PS. Le PCF, en ce qui le concerne, a été représenté par quatre ministres dans les gouvernements socialistes de Lionel Jospin (1997-2002) qui détient le record toutes catégories des privatisations, entre autres. Parmi ces quatre ministres communistes il y avait Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, qui a fait passer le premier paquet ferroviaire. LFI, de son côté, est dirigée par Jean-Luc Mélenchon qui a été lui aussi ministre de Lionel Jospin et qui n’a fait encore aucun inventaire de cette période.

Pour un comité technique d’organisation (CTO)

Ce passif justifie entièrement le refus des syndicats de s’allier avec ces partis, la situation n’est pas mûre. En revanche, une formule technique est possible pour les mobilisations du week-end, à Paris comme en province. Il suffirait de mettre en place un comité technique d’organisation (CTO), composé des syndicats, partis et autres organisations volontaires. Il n’aurait aucun rôle politique, aucun leader ni porte-parole, ne définirait aucun mot d’ordre ni banderole commune. Il se limiterait à organiser les manifestations dans les grandes villes le week-end, et les manifestations nationales à Paris. Les syndicats conserveraient leur indépendance et leur autonomie, tandis que les partis politiques pourraient mobiliser bien au-delà des catégories habituellement influencées par les syndicats. Dans ces conditions, tous ceux qui voudraient participer le pourraient, et les militants du PS, d’EELV et du PRG en particulier, iraient défiler, peut-être sous les huées…
Prenons exemple sur la chute du Mur de Berlin. Entre septembre 1989 et mars 1990 ont eu lieu en République démocratique allemande (RDA – Allemagne de l’Est) les « manifestations du lundi » (Montagsdemonstrationen), le soir, particulièrement à Leipzig. Les Allemands de l’Est réclamaient des réformes et notamment la liberté de circulation vers l’Ouest. Peu à peu ces manifestations ont gagné progressivement en ampleur. Le Conseil des ministres de la RDA a ainsi démissionné le 8 novembre 1989, suivi par le Politbüro du Parti communiste est-allemand (le SED) le 9 novembre. Le même jour toutes les restrictions de voyage étaient levées, les frontières ouvertes, provoquant un afflux de personnes aux postes de passage le long du Mur de Berlin, puis ce fut l’ouverture du Mur. Le 18 novembre, la dictature tombait, aidée par la décision de Mikhaïl Gorbatchev, le dirigeant soviétique, qui avait refusé d’utiliser la force contre les manifestants. De 20 000 manifestants dans les rues de Leipzig le 3 octobre 1989 on passait à un million à Berlin-Est le samedi 4 novembre (Alexanderplatz-Demonstration), et des centaines de milliers dans les autres grandes villes de la RDA… On pourrait également parler des révolutions arabes qui sont parvenues à faire tomber des dictatures. Toutefois, dans le premier cas une majorité d’Allemands de l’Est regrette aujourd’hui le plein emploi et le système social de la RDA, tandis que dans le deuxième cas ces révolutions ont été largement déviées de leur trajectoire. Ce qui est certain en revanche c’est qu’il faut toujours lutter pour l’émancipation humaine et sociale.
La dialectique entre les manifestations familiales monstre du week-end, d’abord sur le plan national à Paris, puis dans les grandes villes de province, et les grèves en semaine sera gagnante. Les unes appuieront les autres. Les grèves sectorielles ne seront pas isolées, elles s’articuleront entre elles grâce aux manifestations du week-end. Certes, il y a la journée nationale de mobilisation interprofessionnelle le 19 avril. Il faut en assurer le succès. Mais sans attendre, des mots d’ordre unificateurs doivent être élaborés :
– Abrogation de toutes les « réformes » néolibérales, dans tous les secteurs.
– Négociation globale interprofessionnelle à l’échelle du Premier ministre pour sortir du néolibéralisme, restaurer la démocratie, reconstruire sur des bases contemporaines le modèle social issu de la Résistance.
Jacques Nikonoff, le 2 avril 2018 (source)
Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur
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