« Aussi égoïste que l'homme puisse être supposé, il y a chez lui de l'altruisme, de la pitié et de la compassion. »
Adam Smith, dans la Théorie des sentiments moraux
Politikon - 15 mars 2018 Adam Smith, souvent décrit comme le père du libéralisme économique et du capitalisme sans entrave, est l'auteur de deux ouvrages fameux, dans la Richesse des nations, Smith aurait fait de l'égoïsme le moteur de la vie économique et sociale, dans la Théorie des sentiments moraux, c'est la bienveillance qui serait au fondement de la vie sociale. Égoïsme et bienveillance ne sont-ils pas deux sentiments contradictoires. L'œuvre de Smith est-elle bien cohérente ? Y a-t-il vraiment un problème Adam Smith comme ont pu le penser certains commentateurs ? SOMMAIRE 3:18 Mandeville et la prospérité des vices 6:27 La sympathie et le spectateur impartial 11:03 La sympathie au fondement du social 14:03 Ordre (souvent) spontané et main invisible
En complément, (sur Adam Smith) « Le paradoxe de la veste de laine » et « Division du travail & Main invisible » : ADAM SMITH (1/2) - Le paradoxe de la veste de laine - Grain de philo #5
Monsieur Phi - 23 décembre 2016 Aujourd'hui, on discute d'un passage vertigineux de la Richesse des nations d'Adam Smith, et ça va être chouette. Profitez-en, c'est pas tous les jours Noël : "Observez, dans un pays civilisé et florissant, ce qu'est le mobilier d'un simple journalier ou du dernier des manoeuvres, et vous verrez que le nombre des gens dont l'industrie a concouru pour une part quelconque à lui fournir ce mobilier, est au-delà de tout calcul possible. La veste de laine, par exemple, qui couvre ce journalier, toute grossière qu'elle paraît, est le produit du travail réuni d'une innombrable multitude d'ouvriers. Le berger, celui qui a trié la laine, celui qui l'a peignée ou cardée, le teinturier, le fileur, le tisserand, le foulonnier, celui qui adoucit, chardonne et unit le drap, tous ont mis une portion de leur industrie à l'achèvement de cette oeuvre grossière. Combien, d'ailleurs, n'y a-t-il pas eu de marchands et de voituriers employés à transporter la matière à ces divers ouvriers, qui souvent demeurent dans des endroits distants les uns des autres ! Que de commerce et de navigation mis en mouvement ! Que de constructeurs de vaisseaux, de matelots, d'ouvriers en voiles et en cordages, mis en oeuvre pour opérer le transport des différentes drogues du teinturier, rapportées souvent des extrémités du monde ! Quelle variété de travail aussi pour produire les outils du moindre de ces ouvriers ! Sans parler des machines les plus compliquées, comme le vaisseau du commerçant, le moulin du foulonnier ou même le métier du tisserand, considérons seulement quelle multitude de travaux exige une des machines les plus simples, les ciseaux avec lesquels le berger a coupé la laine. Il faut que le mineur, le constructeur du fourneau où le minerai a été fondu, le bûcheron qui a coupé le bois de la charpente, le charbonnier qui a cuit le charbon consommé à la fonte, le briquetier, le maçon, les ouvriers qui ont construit le fourneau, la construction du moulin de la forge, le forgeron, le coutelier, aient tous contribué, par la réunion de leur industrie, à la production de cet outil. Si nous voulions examiner de même chacune des autres parties de l'habillement de ce même journalier, ou chacun des meubles de son ménage, la grosse chemise de toile qu'il porte sur la peau, les souliers qui chaussent ses pieds, le lit sur lequel il repose et toutes les différentes parties dont ce meuble est composé ; le gril sur lequel il fait cuire ses aliments, le charbon dont il se sert, arraché des entrailles de la terre et apporté peut-être par de longs trajets sur terre et sur mer, tous ses autres ustensiles de cuisine, ses meubles de table, ses couteaux et ses fourchettes, les assiettes de terre ou d'étain sur lesquelles il sert et coupe ses aliments, les différentes mains qui ont été employées à préparer son pain et sa bière, le châssis de verre qui lui procure à la fois de la chaleur et de la lumière, en l'abritant du vent et de la pluie ; l'art et les connaissances qu'exige la préparation de cette heureuse et magnifique invention, sans laquelle nos climats du nord offriraient à peine des habitations supportables ; si nous songions aux nombreux outils qui ont été nécessaires aux ouvriers employés à produire ces diverses commodités ; si nous examinions en détail toutes ces choses, si nous considérions la variété et la quantité de travaux que suppose chacune d'elles, nous sentirions que, sans l'aide et le concours de plusieurs milliers de personnes, le plus petit particulier, dans un pays civilisé, ne pourrait être vêtu et meublé même selon ce que nous regardons assez mal à propos comme la manière la plus simple et la plus commune. Il est bien vrai que son mobilier paraîtra extrêmement simple et commun, si on le compare avec le luxe extravagant d'un grand seigneur ; cependant entre le mobilier d'un prince d'Europe et celui d'un paysan laborieux et rangé, il n'y a peut-être pas autant de différence qu'entre les meubles de ce dernier et ceux de tel roi d'Afrique qui règne sur dix mille sauvages nus, et qui dispose en maître absolu de leur liberté et de leur vie." Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Recher... (Il s'agit de la fin du chapitre 1.) Concernant Thomas Twhaites et son "Toaster Project", son Ted Talk est déjà presque un classique : https://www.ted.com/talks/thomas_thwa... Vidéos d'How to make everything sur le sandwich : https://www.youtube.com/playlist?list... Sur l'essai de Leonard Read, I Pencil : https://fee.org/resources/i-pencil-au... Et la vidéo de Friedman qui développe la même idée : https://www.youtube.com/watch?v=47laz...
ADAM SMITH (2/2) - DIVISION DU TRAVAIL & MAIN INVISIBLE - Grain de philo #5
Monsieur Phi - 11 janvier 2017 Aujourd'hui on voit pourquoi, bien souvent, pour coopérer efficacement il vaut mieux qu'on soit tous égoïstes. Plus exactement on va parler de quelques passages d'Adam Smith sur la division du travail, tirés surtout du chapitre 2 du livre I de la Richesse des Nations, et notamment ce passage : "Cette division du travail, de laquelle découlent tant d'avantages, ne doit pas être regardée dans son origine comme l'effet d'une sagesse humaine qui ait prévu et qui ait eu pour but cette opulence générale qui en est le résultat ; elle est la conséquence nécessaire, quoique lente et graduelle, d'un certain penchant naturel à tous les hommes, qui ne se proposent pas des vues d'utilité aussi étendues : c'est le penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des échanges d'une chose pour une autre. (...)
Par exemple, dans une tribu de chasseurs ou de bergers, un individu fait des arcs et des flèches avec plus de célérité et d'adresse qu'un autre. Il troquera fréquemment ces objets avec ses compagnons contre du bétail ou du gibier, et il ne tarde pas à s'apercevoir que, par ce moyen, il pourra se procurer plus de bétail et de gibier que s'il allait lui-même à la chasse. Par calcul d'intérêt donc, il fait sa principale occupation des arcs et des flèches, et le voilà devenu une espèce d'armurier. Un autre excelle à bâtir et à couvrir les petites huttes ou cabanes mobiles ; ses voisins prennent l'habitude de l'employer à cette besogne, et de lui donner en récompense du bétail ou du gibier, de sorte qu'à la fin il trouve qu'il est de son intérêt de s'adonner exclusivement à cette besogne et de se faire en quelque sorte charpentier et constructeur. Un troisième devient de la même manière forgeron ou chaudronnier ; un quatrième est le tanneur ou le corroyeur des peaux ou cuirs qui forment le principal revêtement des sauvages. Ainsi, la certitude de pouvoir troquer tout le produit de son travail qui excède sa propre consommation, contre un pareil surplus du produit du travail des autres qui peut lui être nécessaire, encourage chaque homme à s'adonner à une occupation particulière, et à cultiver et perfectionner tout ce qu'il peut avoir de talent et d'intelligence pour cette espèce de travail." Y'a pas à dire, c'est quand même sympa, Adam Smith... Voici aussi le passage de la République de Platon sur la division du travail, pour ceux qui aiment les vrais philosophes à barbe : "SOCRATE : Mais voyons, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de choses ? Ne faudra-t-il pas que l'un soit agriculteur, l'autre maçon, l'autre tisserand ? ADIMANTE : Certainement. (...)
SOCRATE : Mais quoi ? Faut-il que chacun remplisse sa propre fonction pour toute la communauté ; ou bien, ne s'occupant que de lui seul, faut-il qu'il produise le quart de cette nourriture dans le quart du temps que les trois autres emploient l'un à se pourvoir d'habitation, l'autre de vêtements, l'autre de chaussures, et, sans se donner du tracas pour la communauté, fasse lui-même ses propres affaires ? ADIMANTE : Peut-être la première manière serait-elle la plus commode. (...) SOCRATE : Par conséquent, on produit toutes choses en plus grand nombre, mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps convenable, se livre à un seul travail, étant dispensé de tous les autres."
En complément, Bernard Friot sur les notions de travail, de qualification et de « salaire à la personne » :
Thinkerview - 13 mars 2018 Interview de Bernard Friot, sociologue et économiste, en direct à 15h le 13/03/2018
En complément, un article sur Jean-Claude Michéa et son livre Notre ennemi le capital : « Il est aujourd'hui plus facile d'imaginer la fin du monde que celle du capitalisme »
Dans Notre ennemi, le capital (2017), il réaffirme le lien entre l'impasse libérale (cette recherche illimitée du profit qui détruit les liens sociaux) et la gauche « sociétale » (qui défend la lutte contre les discriminations sans remettre en cause le système capitaliste d'exploitation). Pour lui, la « gauche », qu'elle soit réformiste ou radicale, est l'idiote utile de l'individualisme consumériste... (extrait de Wikipédia)
En complément, sur l'altruisme : L'altruisme est-il une bonne affaire ?
ARTE Square en français - 9 juin 2016 Avant, c'était simple : on était égoïste ou on était altruiste. On s'enrichissait ou on s'entraidait. Mais voilà que ces divisions binaires s'estompent. Partisan de l'altruisme efficace, le philosophe australien Peter Singer voit maintenant le jeune philosophe William Mac Askill proposer d'aller plus loin avec l'altruisme arithmétique. Nous sommes allés interroger ce dernier à Oxford à propos de ce courant qu'il veut développer pour le XXIème siècle. Il s'agit, entre autres, d'appliquer la rentabilité aux interventions caritatives. Pourquoi certains organismes de bienfaisance n'atteignent pas leurs buts, contrairement à d'autres ? Pour William Mac Askill, le don positif doit être gouverné par une démarche scientifique qui recherche les moyens les plus efficaces permettant d'avoir le plus de retombées possibles. Etre impartial, privilégier la raison à l'émotion pour s'engager envers les plus démunis. La morale est-elle à réinventer du côté de l'économie ? Les invités : William Macaskill - Professeur de Philosophie à l'université d'Oxford Rony Brauman - Médecin, directeur de recherches à la Fondation Médecins Sans Frontières Réalisation : Thibault Staib – ARTE GEIE / Zadig Productions – France 2016
L'altruisme - 20 - Doxa
DanyCaligula - 26 septembre 2015 Il paraît que construire une meilleure société est difficilement possible, parce que "la nature humaine n'est pas vraiment altruiste, seuls les bisounours pensent le contraire"... Eh bien, nous allons voir ça de plus près !
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Adam-Smith-altruisme-egoisme.jpg