Synopsis :
Travailler mieux, plus vite, en étant plus heureux : telle est la promesse du "lean", un nouveau mode de gestion de la production qui vise à rationnaliser au mieux les différentes tâches réalisées dans une entreprise. Cette méthode révolutionnaire, qui a vu le jour au Japon, a été transformée par les Américains qui l'utilisent dans les entreprises, les services publics, les administrations pour augmenter la productivité. Mais à quel prix ? Si aucun investissement n'est nécessaire, les salariés payent au prix fort cette nouvelle méthode qui les transforme en véritable machine. Jamais les taux de dépression, de burn out et de suicides en entreprise n'ont été aussi élevés.
Le lean management, un danger pour les salariés ?
Les techniques du "lean management," mode d'amélioration continue de l'organisation du travail, sont loin de faire l'unanimité. Efficace pour réduire les coûts, il serait, contrairement à sa promesse initiale, un danger pour les salariés.
Il se présente comme un « repenti du lean management » : pendant douze ans, Bertrand Jacquier a accompagné le déploiement de projets « lean » dans l'industrie. Le jeune ingénieur avait alors l'impression que « c'était une réponse pertinente aux limites du modèle taylorien. » Il est aujourd'hui convaincu que « c'est un facteur de risque pour la santé des salariés ».Une conviction qui l'a conduit à reprendre des études de psychologie du travail pour devenir expert auprès des CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) au sein du cabinet Secafi. Ce nouveau poste d'observation lui permet de prendre la mesure des dégâts causés par le lean management : « L'intensification du travail, la diminution de la latitude décisionnelle, la perte de solidarité génèrent à la fois des troubles psychosociaux (RPS) et des troubles musculo-squelettiques (TMS). » Le lean management oppose les points de vue Des dégâts que Marie-Pia Ignace ne nie pas. Mais pour la présidente de l'Institut Lean France (association créée en 2007 pour diffuser la culture du lean), ils sont dus à un dévoiement du lean management : « Certains dirigeants n'en retiennent que les volets "gains de productivité" et "réduction des coûts". Ils les enrobent d'un vague discours sur l'écoute des salariés pour aboutir à la vision perverse d'un lean Pinocchio qui n'a plus rien à voir avec l'original. » Pour la fondatrice du cabinet de conseil Operae Partners, « le véritable lean management est tourné vers le respect du client et du salarié qui, dans le modèle de Toyota, sont appelés à le rester à vie. »
Encore faut-il revenir à la véritable définition du lean management. Ou plutôt les définitions, tant les visions de cette pratique varient selon les points de vue. Pour Jean-Luc Ledys, consultant au sein du cabinet d'évaluation et de prévention des risques professionnels Technologia, « il s'agit, comme le terme de "management maigre" l'indique, de faire plus avec moins. Ce n'est pas un hasard si Carlos Ghosn, président de Renault et Nissan, parle volontiers de management frugal. »
Pour Michaël Ballé, expert en la matière, sensei (voir ci-dessous) et co-auteur, avec Godefroy Beauvallet, de « Le Management lean » (éditions Pearson, mars 2013, 306 pages), « c'est un processus d'amélioration continue et de création de la valeur par l'élimination des gaspillages. Le lean management ne doit surtout pas être réduit à un outil de réduction des coûts de main-d'oeuvre. Au contraire, à mesure que les process s'améliorent, l'entreprise doit réaffecter les ressources productives à de nouvelles tâches de création de valeur ». Une chasse au gaspillage génératrice de productivité
Le meilleur comme le pire : Système de management de la qualité ou machine à réduire les coûts en broyant les hommes ? Simple effet de mode ou nouvelle vision de l'organisation ? Rarement un modèle aura été aussi controversé que le « lean management », ou « management maigre ».
Né dans les ateliers japonais de Toyota dans les années 1990, repris en main par les chercheurs américains du MIT (Massachussets Institute of Technology) dans les années 2000, le « lean management » s'impose aujourd'hui dans une économie française en crise. Et c'est sans doute là le principal problème : les dirigeants d'entreprise n'en retiennent trop souvent que les gains de productivité, oubliant que c'est d'abord un système collectif d'amélioration continue.Malheureusement, les experts autoproclamés ne retiennent de cette définition que la première partie : « Le problème du lean management, c'est que ça fonctionne très bien, soupire Jean-Luc Ledys. La chasse aux gaspillages et aux temps perdus génère très rapidement des gains de productivité importants. »
Le cabinet de conseil Mc Kinsey a promu le lean management à travers le monde en promettant 30 % de productivité supplémentaire à très court terme. Mais à quel prix ? « L'organisation d'une entreprise repose sur un triptyque, poursuit Jean-Luc Ledys : le retour sur investissement, la satisfaction des clients et le bien-être des salariés. Pour que l'entreprise fonctionne durablement, ce triptyque doit être équilibré. Or le lean conduit trop souvent à oublier les salariés. » Le bien-être des salariés, oublié Les experts en santé au travail multiplient les exemples : « Aller chercher un boulon à l'autre bout de l'atelier, c'est du temps perdu, admet Bertrand Jacquier. Mais c'est aussi l'occasion de faire quelques pas et de décontracter ses muscles. » En chassant les gestes inutiles, le lean management intensifie le travail et génère des troubles musculo-squelettiques.
De même, « Une infirmière ne met pas plus d'une minute pour faire une piqûre. Mais les dix minutes qu'elle passe dans la chambre d'un malade ne sont pas perdues : ce n'est pas un temps de "cure" (soigner) mais un temps de "care" (prendre soin). » Enfin, le lean management altère les relations au sein du collectif de travail : « La mise en flux tendu rend tous les opérateurs dépendants les uns des autres. Si l'un prend du retard sur la tâche qui lui est affectée, il pénalise les autres. »
Face aux différentes dérives, les partenaires sociaux sont de plus en plus éruptifs : quand Capgemini a voulu déployer des méthodes lean, fin 2010, le CHSCT a demandé une expertise et la mise en place d'un comité de suivi. « Nous avons dû les rassurer en insistant sur le fait que nous misions davantage sur l'aspect participatif que purement productif du lean management », explique Jacques Adoué, DRH du groupe de services informatiques. Une méthode de management efficace sur le long terme De fait, Marie-Pia Ignace insiste sur le fait que le lean management doit être conçu comme « une logique collective d'amélioration continue. Il ne s'agit pas seulement d'écouter les collaborateurs, mais de les laisser agir eux-mêmes et d'accueillir les problèmes avec bienveillance, sans sanctionner le porteur de mauvaise nouvelle » (voir témoignage ci-dessous).
Mais pour Bertrand Jacquier, la participation des collaborateurs est sans doute l'aspect le plus dévoyé du lean management : « En gros, on demande au salarié d'intensifier lui-même son travail et d'appauvrir ses tâches au seul profit de l'entreprise. » C'est effectivement ce qui se produit quand le lean est déployé dans une seule logique de réduction des coûts : « En France, on a tendance à engager un projet lean dans l'urgence, pour faire face à la crise, observe Jean-Luc Ledys. On se retrouve alors dans la pratique la plus négative qui soit, entièrement focalisée sur la réduction des coûts. »
C'est pourquoi Marie-Pia Ignace estime que le lean management « ne peut être porté que par des managers qui s'inscrivent dans une logique d'amélioration de long terme, sans cette obsession des gains de productivité. » Une équation difficile en période de crise…
Source : Les Echos.
Le lean management, même s'il optimise la production en la rationalisant à l'extrême, a d'immenses effets pervers : les conditions de travail et la santé des salariés se dégradent significativement, et il favorise la réduction des effectifs puisqu'il permet de faire faire le même job avec moins de gens. Autant il paraît rationnel et intelligent d'optimiser une chaîne de production en évitant les goulots d'étranglement qui ralentissent toute la production, autant l'imposition d'une cadence infernale par un chronométrage précis de chacune des taches est une tyrannie, littéralement un retour aux galères d'antant. Un document qui démystifie l'aura surfaite et trompeuse du lean management. À voir ! Nota Bene :
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