L’ex-ministre grec des Finances veut lutter contre la pauvreté de façon «concertée» en Europe.
L’ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, fait le tour de l’Europe à la recherche d’alliés pour proposer un programme de gauche aux élections européennes de 2019.
Vous voulez avoir des listes avec un label commun dans tous les pays pour les élections européennes de 2019 ?
Yanis Varoufakis. Nous sommes face à une crise paneuropéenne, qui est la même dans tous les pays. Crise de la dette publique, du crédit bancaire et un niveau très bas d’investissement. Cela provoque l’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion, en France comme en Grèce, en Espagne ou ailleurs.
Que proposez-vous ?
Il faut s’attaquer au problème de façon commune, concertée. Ce que n’a jamais fait l’Europe. Les élections de 2019 sont une occasion splendide de proposer à tous les Européens un programme commun en matière sociale et économique.
Un seul et même programme pour les listes de chaque pays ?
Absolument. En France vous recevrez notre manifeste : ce sera le même en Slovénie, en Grèce, en Allemagne… Il présentera un ensemble politique cohérent de ce que nous voulons faire pour l’Europe dans sa totalité. Mais à côté de ce programme commun, il y aura des mesures spécifiques pour chaque pays.
Mais en France la situation semble s’améliorer : ça ne contredit pas votre projet ?
Ce n’est qu’une guérison passagère. Cela ne suffit pas à rendre à la France une croissance durable. C’est d’ailleurs pourquoi le président Macron propose une réforme de la zone euro, avec un budget commun. Mais ses propositions ont déjà été rejetées par Berlin.
Que faut-il changer ?
Il y a un besoin fort d’un plan annuel d’investissement de 500 Mds€, pour un fonds de transition écologique et économique dont l’Europe a besoin. C’est parfaitement réalisable dans le cadre des traités actuels. Et il faut un plan antipauvreté à travers l’Europe, financé par les profits des systèmes bancaires.
Selon vous Berlin dirige encore l’Europe ?
La classe politique allemande a toujours la mainmise sur le fonctionnement de l’UE. Macron peut bien s’affirmer comme le leader le plus populaire en Europe, dans les faits c’est l’Allemagne qui décide, même si elle n’a pas de gouvernement en fonction. Nous tous -Macron inclus- devons apprendre à dire non à l’Allemagne, à son ministre des Finances. Sauf à adopter une politique de la chaise vide à la de Gaulle, on n’arrivera jamais à réformer l’Union dans l’intérêt des citoyens.
Qui sont vos alliés ?
Nous avons un rassemblement à Naples le 10 mars, plusieurs pays seront représentés (Allemagne, Danemark, Pologne Slovénie, Croatie, Portugal, Grèce, Belgique). On va poser les bases de notre programme commun. Nous pensons que d’autres nous rejoindront une fois notre campagne officielle lancée en juin.
Et en France ?
Génération-s de Benoît Hamon sera là et nous aurons aussi des observateurs du PCF et des Verts.
Personne chez Mélenchon ?
Il a une vision politique différente de la nôtre. Nous sommes radicalement européens, alors que Jean-Luc Mélenchon pense que la solution à la crise est nationale.
Votre avis sur la première année de Macron ?
Excellente sur la forme, mais décevante sur le fond. Il a gâché une formidable chance de mener l’Europe vers les changements dont elle a besoin. Et, contrairement à son discours très progressiste au début, son gouvernement applique une politique dure sur les libertés publiques, sur les migrants…
Vous ne pourriez donc pas siéger au Parlement européen avec LREM ?
On ne peut pas être dans le même groupe car on ne partage pas les mêmes positions. Ce qui ne nous empêchera pas de travailler ensemble au Parlement comme avec d’autres partis, sur certains dossiers.
>Politique|Quentin Laurent et Henri Vernet|15 février 2018, 22h04