Source : Truthdig, le 01/01/2017
Posté le 1er janvier 2017
Par Chris Hedges
La famille de Betsy DeVos, à droite, choisie par le président élu Donald Trump pour secrétaire à l’éducation, possède une fortune de plus de 5 milliards de dollars. (Andrew Harnik / AP)
Les dernières étapes du capitalisme, prédisait Karl Marx, seraient marquées par un capitalisme mondial incapable de se développer et de générer des bénéfices du même niveau. Les capitalistes commenceraient à dévorer le gouvernement avec les structures physiques et sociales qui les soutenaient. La démocratie, le bien-être social, la participation électorale, le bien commun et l’investissement dans les transports publics, les routes, les ponts, les services publics, l’industrie, l’éducation, la protection des écosystèmes et la santé seraient sacrifiés pour alimenter la frénésie des profits à court terme. Ces agressions détruiraient l’hôte. C’est l’étape du capitalisme final que Donald Trump représente.
Trump prévoit de superviser la dernière grande campagne de pillage par les entreprises de l’Amérique. Ce sera aussi grossier et brutal que le rançonnage des gens désespérés, qui espèrent un miracle face à des emplois sans issue et une dette personnelle ruineuse, qui vont dans les casinos ou dépensent des milliers de dollars pour l’imposture de l’Université Trump. Il va tenter de déchaîner une kleptocratie – le mot vient du grec klépto, signifiant “voleurs”, et kratos, “gouverner”, donc signifiant littéralement “gouverner par des voleurs” – qui rivalisera avec les kleptocraties menées par Suharto en Indonésie et Ferdinand Marcos dans les Philippines. Non pas que Trump et sa famille utiliseront l’influence du gouvernement pour augmenter leur richesse, bien que cela se produira certainement à grande échelle ; mais des centaines de milliards de dollars fédéraux seront détournés dans les mains des copains, des banquiers véreux, des entreprises financières immorales et des gestionnaires de fonds d’investissement scabreux. Les piliers de l’état libéral seront anéantis.
La seule possibilité pour arrêter la destruction planifiée par l’équipe de transition Trump est une résistance continue et la désobéissance civile qui créera une pression populaire pour la destitution. C’est pourquoi je serai à la marche à Washington, D.C., le 21 janvier et que je parlerai ce soir-là lors d’un rassemblement avec Kshama Sawant et Jill Stein.
Trump est impulsif, ignorant et incompétent. Sa corruption et sa cupidité sont si apparentes qu’il peut devenir un fardeau et une gêne pour son parti et la nation, ainsi qu’un danger pour lui-même. Plus il trébuche dans les couloirs inconnus du pouvoir gouvernemental, plus il devient vulnérable. Mais si nous ne sommes pas dans les rues pour tenir le système responsable, il peut s’accrocher au pouvoir et infliger des dommages importants.
Laurence Tribe, professeur de droit constitutionnel à la Harvard Law School, a soutenu que Trump pourrait être destitué en vertu de la “clause des honoraires” de la Constitution. Cette clause interdit à un fonctionnaire fédéral de recevoir d’une puissance étrangère des objets de valeur qui pourraient compromettre la loyauté exclusive due à la Constitution. Les entreprises internationales de Trump le rendent vulnérable, soutient Tribe, à la pression étrangère des pays où il a des actifs. “L’intérêt persistant de Trump dans la Trump Organization et son flux régulier de devises et autres bénéfices provenant de puissances étrangères l’ont mis en situation de conflit avec la clause des honoraires,” écrit Tribe dans The Guardian.
Si, cependant, nous subissons une autre attaque terroriste nationale catastrophique ou débutons une nouvelle guerre, le cadre politique dans lequel on peut mettre en examen et poursuivre Trump afin de le destituer de son poste disparaîtra. La rhétorique du Bureau ovale deviendra effrayante. L’état de sécurité et de surveillance entrera dans l’hyper espace. Toute dissidence, y compris la simple critique du président, sera attaquée comme aidant nos ennemis. Trump et ses kleptocrates, sous le couvert familier de la sécurité nationale et de la guerre, transformeront d’énormes sommes d’argent du gouvernement en biens personnels.
L’équipe de transition de Trump est occupée à adouber sa coterie de kleptocrates. La nomination de Betsy DeVos (d’une famille d’une fortune nette de plus de 5 milliards de dollars) pour devenir secrétaire à l’éducation signifie qu’elle supervisera les plus de 70 milliards de dollars dépensés chaque année au ministère de l’Éducation. DeVos – la sœur d’Eric Prince, fondateur de l’entreprise de sécurité privée Blackwater Worldwide – n’a aucune expérience directe en tant qu’enseignante. Elle a promu une série d’écoles à but lucratif dans le Michigan qui font de l’argent, mais ont obtenu des résultats scolaires déplorables. Elle considère les bourses comme un outil efficace pour canaliser l’argent du gouvernement dans les écoles dirigées par la droite chrétienne. Son but est d’endoctriner, pas d’éduquer. Elle appelle la réforme de l’éducation un moyen de « faire avancer le royaume de Dieu ». Trump a déjà proposé d’utiliser 20 milliards de dollars du budget du ministère pour les bourses. Le système américain d’éducation publique, déjà paralysé par des réductions de budget, sera détruit si Trump et DeVos réussissent.
Le ministère des Anciens Combattants consacre 152,7 milliards de dollars par an pour les allocations aux anciens combattants qui comprennent les soins de santé et le traitement dans les hôpitaux des Anciens Combattants. La semaine dernière, Trump a proposé publiquement de permettre aux anciens combattants d’utiliser les assurances de santé privée. Le PDG de la Cleveland Clinic, Toby Cosgrove (salaire annuel de 2,3 millions de dollars) est l’un des candidats favoris à la présidence du département des Anciens Combattants.
“J’ai dit que nous devions prendre soin de nos vétérans,” a déclaré Trump à des reporters mercredi dans sa villégiature de Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride. “Nous travaillons à améliorer grandement le système pour nos anciens combattants parce qu’ils sont traités très, très injustement.”
“Nous pensons que nous devrions avoir une sorte d’option public-privé, parce que certains vétérans adorent le département des Anciens Combattants,” a-t-il ajouté. “Certainement une option pour avoir un système où les vétérans pourraient choisir tout ou partiellement une assurance privée.”
Tom Price, un Républicain de la Géorgie (fortune de 13 millions de dollars), a été sélectionné par Trump pour être secrétaire à la Santé et aux Services Sociaux. Il envisage d’abolir Obamacare. Il a dit qu’il espère que la Maison-Blanche fasse pression pour la privatisation de Medicare “dans les six à huit premiers mois” de l’administration Trump.
Steve Mnuchin (fortune de 40 million de dollars), un ancien associé de Goldman Sachs et désigné par le nouveau président pour diriger le ministère des Finances, a déclaré à Fox Business que “désétatiser Fannie et Freddie” est l’une des dix principales priorités de l’administration Trump. C’est aussi l’objectif déclaré du directeur du budget choisi par Trump, le républicain Mick Mulvaney (fortune personnelle de 3 millions de dollars), un Républicain de la Caroline du Sud.
La privatisation des prêts hypothécaires garantis par le gouvernement permettrait aux institutions financières d’émettre des titres hypothécaires garantis par le gouvernement. Si les hypothèques échouaient dans le cadre du régime de privatisation, le contribuable paierait la facture. Si c’est un succès, les banques en obtiendraient le bénéfice. Le plan de privatisation équivaut au plan de sauvetage du gouvernement de 2008 pour les grandes banques. Cela pourrait coûter des milliards de dollars aux contribuables.
Le plus gros pactole est de 2790 milliards de dollars possédé ou dus à la caisse de Sécurité sociale. Les kleptocrates travailleront dur sous Trump pour détourner cet argent dans les mains des marchands et des escrocs de Wall Street. Tom Leppert (fortune personnelle de 12 millions de dollars), l’ancien maire de Dallas, que Trump devrait nommer à la tête de l’administration de la Sécurité sociale, soutient évidemment la privatisation de la sécurité sociale et de l’assurance-maladie. L’injection de ce type de liquidité dans un marché boursier surchauffé provoquera probablement un effondrement qui fera disparaître peut-être jusqu’à 40% du fonds de la Sécurité sociale, ce qui la rendrait insolvable.
« Je n’hésiterai jamais à affronter les problèmes, même la soi-disant “troisième voie” de la réforme de l’administration, » a écrit Leppert au sujet de la privatisation de la Sécurité sociale alors qu’il faisait campagne pour le Sénat du Texas en 2012. « Parlez à n’importe quel jeune d’aujourd’hui, et il vous dira que la Sécurité sociale et Medicare [programme de santé pour les plus de 55 ans et les jeunes défavorisés, NdT] n’existeront plus pour leur génération. Pour préserver ces programmes vitaux, nous ne devons surtout rien changer pour les personnes âgées de 55 ans et plus. Ces gens vivent d’allocations et nous leur avons fait une promesse. Mais pour les travailleurs plus jeunes, nous devons fournir des subventions Medicare pour l’achat d’assurances privées, augmenter l’âge de la retraite, encourager une plus grande épargne-retraite et lancer une initiative de pensions complémentaires pour permettre à chaque américain, pas uniquement aux riches, d’économiser et d’investir pour leur retraite. Ne vous méprenez pas – si nous n’agissons pas maintenant, ces programmes vont faire faillite. Le simple fait dans ce débat est que les gens qui s’opposent à la réforme sont ceux qui veulent détruire notre système de droit. »
Il a ensuite appelé à la suppression de Medicare. “Cela serait progressif dans le temps et n’affectera pas les plus de 55 ans,” a-t-il écrit. « Pour les jeunes, lorsqu’ils atteignent la retraite, ils recevront une subvention du gouvernement fédéral qui leur permettra de contracter des couvertures de santé privées. Ceux qui ont les revenus les plus bas recevront plus de coupons et seraient admissibles à une couverture supplémentaire Medicaid.
Les services sociaux et les programmes gouvernementaux sous Trump vont continuellement se dégrader. Les bénéfices de ceux qui supervisent les fonds privatisés de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale vont monter en flèche. Cette orgie de prédation – le rêve du 1% – s’accompagnera d’une plus grande austérité parmi les citoyens, ainsi que de la hausse des coûts personnels pour les soins de santé, les services publics et les services de base, et un asservissement par une dette accablante.
Nous n’aurons pas un champion au sein de la minorité du parti démocrate au Sénat, dirigée par le sénateur Chuck Schumer, version gominée façon Trump, (fortune personnelle de 700 000 dollars). Schumer siège au Comité des finances du Sénat, dont les membres sont des fidèles bien rémunérés du 1%, et membre du Comité des banques, du logement et des affaires urbaines. Son principal rôle dans le parti a été de recueillir des millions de dollars de Wall Street pour le parti, lui-même et les candidats du parti, y compris son ami et protégé, le désormais disgracié Anthony Weiner, un ancien membre de la Chambre.
Les donateurs et alliés de Schumer comprennent les magnats des fonds d’investissement Steven Cohen (fortune de 13 milliards de dollars), John Paulson (8,6 milliards de dollars), Stanley Druckenmiller (4,4 milliards de dollars), Paul Tudor Jones (4,3 milliards de dollars), Paul Singer (2,2 milliards de dollars) et James Chanos (fortune de 1,5 milliard de dollars) et Donald Trump (fortune de 3,7 milliards de dollars).
Schumer est le sénateur tout désigné pour Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup. Lehman Brothers et Bear Stearns, avant de s’effondrer en 2008, ont prodigieusement financé ses campagnes. Schumer s’est joint aux Républicains en 1999 pour abroger la loi Glass-Steagall, qui avait séparé les banques d’investissement et commerciales. Cette abrogation a jeté les bases de la crise financière mondiale de 2008. Schumer a voté en faveur du renflouement de Wall Street en 2008. Il a parrainé un amendement interdisant à la Securities and Exchange Commission de superviser les agences de notation telles que Standard & Poor’s et Moody’s Investors Service.
Schumer, comme Trump, est accro à sa propre célébrité. Il croit comme Trump que la politique est fondamentalement basée sur les relations publiques. C’est pourquoi il pressa Bernie Sanders, son nouveau “chair of outreach” pour les démocrates au Sénat, de se tenir comme une potiche derrière lui lors de conférences de presse.
L’Amérique n’a qu’un parti politique authentique. C’est le parti de l’entreprise. Schumer et Trump sont membres fondateurs. Ils travailleront ensemble – comme Trump l’a prédit – comme un équipage de vieux briscards bien rodé.
L’analphabétisme de Trump, le manque d’autodiscipline et la cupidité insatiable sont des tares profondes. Il n’écoute pas les autres. Il est affligé d’un ego autodestructeur et un narcissisme débridé. Il ne se soucie pas de la loi. Et il agit habituellement sur impulsion. Mais Trump ne sera pas renversé à moins que nous nous soulevions dans les protestations soutenues pour défier son racisme, la misogynie, la bigoterie religieuse et le pillage injustifié. S’il est destitué et condamné, il va ralentir, mais pas arrêter, l’étripage de l’État de l’Amérique. Et c’est, pour l’instant, probablement notre meilleur espoir pour la nouvelle année.
Source : Truthdig, le 01/01/2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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