Mexique : Les projets et les défis de la gauche, par Laila Porras

Laila Porras est économiste, chercheure associée au LADYSS-Université Paris Diderot, Paris 7.

Pour la première fois dans l’histoire récente, et après trente ans de néolibéralisme, la gauche arrive au pouvoir le 1er décembre après avoir remporté les élections présidentielles en juillet dernier avec 53% des voix. Le mouvement politique créé par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) appelé MORENA (Mouvement de Régénération Nationale) a remporté une victoire écrasante, non seulement avec l’élection présidentielle mais aussi avec la majorité absolue aux deux chambres, et avec la victoire de 5 gouverneurs, dont le plus important : celui de la Ville de Mexico emporté par une femme, Claudia Scheimbaum. Dans un pays ravagé par la violence et avec la moitié de la population vivant sous le seuil de pauvreté, des inégalités insoutenables, une corruption endémique, et une impunité qui fait que plus de 90 % des délits ne sont pas signalés faute de confiance dans les institutions judiciaires, l’arrivée de la gauche dans ce pays est chargée d’espoir et d’immenses attentes. AMLO, comme les mexicains ont l’habitude de nommer ce combattant de longue haleine (il faut rappeler que c’est la troisième fois qu’il se présentait aux élections et y compris à celle de 2006 qui a été très longuement contestée par des soupçons de fraude) a élaboré pendant des années un programme de gouvernement détaillé nommé « la 4e transformation » du pays. Il sera néanmoins confronté à d’énormes défis et à de fortes pressions internes et externes.
Les grands chantiers
AMLO – grand connaisseur de l’histoire de son pays – inscrit « la 4e transformation » dans l’histoire longue de la vie politique du Mexique. Il s’agit avant tout d’un projet de refondation politique de l’État mexicain grâce à l’assainissement et à la reconstruction du tissu institutionnel1Les premières transformations font référence aux trois mouvements clés de l’histoire du Mexique : le mouvement d’indépendance du pays entre 1810 et 1821, le mouvement de « Réforme » au milieu du XIXe siècle dirigé par Benito Juárez où la séparation entre l’Eglise et l’Etat a eu lieu, et enfin, le mouvement de Révolution du début du XXe siècle qui a mis fin à la dictature de Porfirio Díaz. jQuery("#footnote_plugin_tooltip_1").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_1", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] });. Un remaniement important de l’actuelle constitution est prévu avec la proposition des nouvelles lois et institutions pour combattre la corruption et améliorer le système de justice. Par exemple, ériger en délit grave les affaires de corruption, la création d’une nouvelle garde nationale, la rédaction d’une « constitution morale », le pardon et l’amnistie à ceux qui ont commis des fraudes et des délits de corruption dans le passé ; libérer les personnes qui ont commis des délits mineurs et dépénaliser certaines drogues.
« La 4e transformation » se veut aussi un projet de modernisation économique du pays avec des propositions de grands travaux d’infrastructure et de transport tels que le développement des transports ferroviaires notamment dans le sud-est du pays (la région la plus arriérée), la création des raffineries et une forte impulsion à l’agriculture.Lire la suite

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