Le livre écrit par Fatiha Agag-Boudjahlat, Combattre le Voilement[1], est à la fois un livre de combat et un livre de réflexion. Livre de combat, parce qu’il correspond parfaitement à ce qu’en dit son titre : une lutte pour l’indépendance des femmes contre ce que le voilement symbolise. Livre de réflexion aussi, en ce qu’il s’interroge sur la notion de « libre choix », sur le rapport de l’individu avec le groupe et la société, sur l’attitude des autorités face à l’offensive des milieux islamistes et sur notre rapport au Droit et à ce que nous appelons nos droits. Sur ce point, on commettrait une erreur en pensant que cet ouvrage ne combat que les islamistes, c’est à dire un courant ultra-orthodoxe qui entend mélanger le politique et le religieux. Si ce sont les islamistes qui sont en apparence la cible principale du fait de la virulence actuelle de leur contestation de l’ordre démocratique, Fatiha Agag-Boudjahlat s’en prend en réalité à TOUS les intégrismes, ou plus précisément à tous les courants cherchant à nier l’hétérogénéité qui est à la base de nos sociétés et à construire des cadres répressifs au contraire de cadres émancipateurs.
Comment analyser le « voilement »
Ce livre est construit autour d’un premier chapitre qui pose bien l’essentiel des problèmes, puis de quatre chapitres, bien plus courts traitant du cas de « l’étudiant syndicaliste », autour de l’étudiante voilée représentant l’UNEF, celui de la « chanteuse de télé-crochet » autour de Mme Mennel et de l’émission de TF-1 The Voice, celui de la « maman des sorties scolaires », qui revient sur l’interprétation d’un règlement de l’éducation nationale, et enfin celui de « la petite fille voilée », qui discute ce qui se joue autour des pratiques de voilement précoces. Il se conclut par un chapitre intitulé « explorer et ne pas conclure » qui s’interroge sur les divers usages du passé, le mythe de « l’âge d’or » mais aussi celui de la capacité imaginaire des hommes à arrêter le temps. Ce chapitre se termine sur une interrogation plus personnelle sur le lien de l’individu avec sa « communauté » et sur l’identité.
De fait, la construction de cet ouvrage reprend un plan classique avec d’un côté un énoncé des problèmes, de la méthodologie à adopter pour les traiter, et des principes qui doivent alors servir de guides, ce que contient le premier chapitre et ce qui explique sa taille de plus d’un tiers de l’ouvrage, et des études de cas autour de différents incidents particulièrement symboliques ou a forte puissance explicative. On ne peut d’ailleurs qu’approuver ce mode de construction. Le lecteur ne sera donc pas décontenancé par ce mode d’approche, mais il aurait peut-être mieux fallu l’expliciter. De même, ce livre fait référence à des textes et à des auteurs. Une bibliographie de fin d’ouvrage s’imposerait, mais la faute, là, en incombe à l’éditeur. L’important cependant est ailleurs. Dans ce premier chapitre, Fatiha Agag-Boudjahlat pose en réalité le problème de l’individualisme et celui d’une interprétation du holisme qui ne conduirait pas à un déterminisme. C’est en cela aussi que ce livre est important.Lire la suite
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