Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Nicolas Lambert au sujet du « Maniement des Larmes », troisième volet d’une série de pièces consacrées à ce qu’il considère comme les principaux rouages de l’a-démocratie, ou, autrement dit, les mécanismes les moins démocratiques de notre machinerie politique nationale.
Le premier volet, « Elf, la pompe Afrique (Bleu) », interrogeait notre dépendance énergétique au pétrole dans son rapport à la corruption politique et à la diplomatie parallèle des multinationales, en reprenant intelligemment des extraits réels du procès de l’affaire Elf, pour les recontextualiser afin de donner une somme cohérente permettant d’en faire comprendre les enjeux complexes au spectateur.
Dans le même esprit, le second volet, « Avenir Radieux, une fission française (Blanc) », interroge le rapport de la France à exploitation de l’énergie nucléaire, en évoquant les conséquences de cette exploitation du point de vue de la géopolitique à l’extérieur (la pièce revient notamment sur la la responsabilité de la France dans l’obtention de la bombe israélienne), et des manquements aux principes élémentaires de la démocratie à l’intérieur.
Enfin, le troisième volet à propos duquel nous nous entretenons relate les (més)aventures du cénacle politique français dans son rapport au trafic d’armes. Encore une fois, Nicolas Lambert et la troupe « Un pas de côté » réussissent l’exploit de fournir un spectacle aussi prenant qu’un thriller, tout en se tenant à leur exigence de ne composer qu’à partir de paroles réellement prononcées par les protagonistes.
L’aventure de cette saga « bleu-blanc-rouge » ouvre la voie à un théâtre documentaire efficace, parvenant à casser les codes ronflants imposés au fil des décennies par l’élite petite bourgeoisie à la forme théâtrale. On peut lire à cet égard sur le site de la compagnie « un pas de côté » cette citation de Jacques Livchine, l’un des pères du théâtre de rue en France, tirée d’une chronique écrite pour l’excellente revue Cassandre/ Hors champ: « Mais moi, je n’aime pas ces temples de la bourgeoisie intellectuelle, j’aime la virginité ans l’Art ».
Et cette expérience esthétique et politique arpente en effet des territoires trop longtemps laissés vierges par le théâtre. « Le Maniement des Larmes » vous guidera de manière fluide dans les dédales menant des attentats de Karachi aux relations de la France avec le Qatar, en passant par l’affaire Kadhafi et les conséquences de la guerre en Libye. N. Lambert y incarne tour à tour à lui tout seul, avec une délectation communicative: Ziad Takieddine, Nicolas Sarkozy, Edouard Balladur, Brice Hortefeux, Thierry Gaubert ou encore Jean-Jacques Bourdin.
L’occasion pour nous d’évoquer avec lui les différents sujets traités par ses spectacles, mais aussi son projet (pour l’heure embryonnaire) d’une pièce à venir sur l’OTAN, de parler de l’état actuel de la démocratie, du théâtre des opérations militaires engageant actuellement la France dans le Monde, de l’état actuel de la défense, de la culture et de l’éducation dans notre pays, ainsi que de la nécessité de lier plus que jamais théâtre et politique au sein du décor d’opérette imposé par l’état d’urgence à la démocratie française.
Galil Agar
Le Maniement des Larmes, jusqu’au 20 décembre au Théâtre du Grand Parquet, 35 rue d’Aubervilliers, M° Stalingrad, 75018, Paris – une tournée est probablement en préparation…
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