Liban : Nouveau pays sous blocus américain – Par Richard Labévière

Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière
Frigidaires vides, supermarchés déserts et visages fermés. Le Liban s’enfonce dans la crise la plus profonde depuis la fin de la guerre civile (1975 – 1990), rappelant même la famine de 1917/1918, qui fit près de 500 000 morts. L’écrivaine libanaise Régina Sneifer (dont nous publions cette semaine la lettre au père Elias Zahlaoui) en rappelle toute l’ampleur régionale dans son dernier ouvrage1 : « L’ensemble du littoral syro-palestinien, Acre et Haïfa compris, est touché. Mais les régions les plus sévèrement atteintes sont celles du Mont-Liban, Jbeil, Batroun et le Kesrouane qui sont alors les plus densément peuplées. Le caractère accidenté de leur relief, l’éloignement des grands axes, tout ce qui avait fait leur force durant des siècles, devient leur faiblesse. La famine n’épargne nullement les villes de l’intérieur, à commencer par Damas, pourtant proche des riches terres agricoles du Hourân ».
Si l’autosuffisance alimentaire est, désormais possible en Syrie en dépit de la Loi américaine « Cesar » et des champs de blé incendiés de manière criminelle, la situation au Liban reste différente. A-t-il les moyens nécessaires à son approvisionnement ?
En juin dernier, le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem a estimé, non sans défiance, qu’il fallait voir en la loi César « une opportunité pour relancer l’économie nationale et atteindre l’autosuffisance ». Un discours que reprend également le directeur de la planification agricole au sein du gouvernement – Haytham Haydar. « Nous espérons retrouver les importants niveaux de production d’avant-guerre, qui étaient plus que suffisants », affirme-t-il à l’AFP. Le responsable admet toutefois une « augmentation des coûts de production à cause du blocus économique », en référence aux sanctions occidentales (américaines et européennes). La Syrie est selon lui confrontée à une « guerre alimentaire ». Ses priorités sont claires : « dépendre de nous-mêmes pour la production et réduire autant que possible la dépendance aux importations ».
L’historien – ancien ministre – Georges Corm ajoute le 8 janvier 2020 dans son article « Relancer les capacités productives du Liban » : « nous vivons le résultat de trente années de politique économique basée sur un »capitalisme de rente” doublée d’une politique de libre-échange sans considération pour les industries nationales. Sous le gouvernement de Rafic Hariri des accords de libre-échange ont, certes été signés avec de nombreux pays. Ministre des Finances de ce gouvernement, j’avais encouragé l’industrie libanaise, lançant le slogan »exporter ou mourir” maintenant des droits de douane protecteurs pour la production nationale. Mais, du fait de la politique de libre-échange du gouvernement de Rafic Hariri, le déficit de la balance commerciale ne pouvait qu’augmenter considérablement et le secteur industriel souffrir de l’ouverture de nos frontières, non seulement avec l’UE, mais avec d’autres partenaires commerciaux tels que la Turquie ou l’Arabie saoudite qui, elle, avait mis en place un secteur industriel et même agroalimentaire très fortement subventionné.Lire la suite

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