Source : Le Monde Diplomatique
Après la near death experience, la full death experience ? Rattrapé de justesse par le « whatever it takes » de Mario Draghi en 2012 (1), l’euro, passé à un cheveu, n’avait en réalité que gagné un peu de temps pour se reconstruire entièrement et se rendre capable d’encaisser le choc d’après. Dont il était certain qu’il allait venir. On le voyait plutôt arriver sous la forme d’une nouvelle crise financière géante puisque la déréglementation financière les ré-engendre comme le cycle des saisons les saisons, à plus forte raison quand aucun des problèmes fondamentaux de la sphère des marchés de capitaux n’avait été réglé — à la vérité il n’y a pas trente-six solutions pour supprimer les problèmes de la finance de marché, il n’y en a même qu’une : supprimer la finance de marché.
Mais des intérêts si puissants y sont accrochés si fort qu’il fallait toute la naïveté du monde pour imaginer que, dans le cadre maintenu des institutions politiques du néolibéralisme, quoi que ce soit de sérieux pourrait être entrepris de ce côté-là. Obama, l’espace d’un instant, s’était cru doté d’un début de pouvoir de négociation et avait, dit-on, mis en demeure les moghuls de la finance en ces termes : « Entre les fourches et vous, il n’y a que moi ». Les réalités du financement des campagnes et la promiscuité amoureuse des Démocrates et de Wall Street avaient eu vite fait de le ramener à la raison. L’affaire s’était soldée par le Dodd-Frank Act, pas tout à fait rien mais pas grand-chose non plus, comme les événements à venir se chargeront de le vérifier.
Pendant ce temps en Europe, Sarkozy moulinait des petits bras à Toulon et The Economist jouait à se faire peur en se demandant si c’était la fin du capitalisme — dieu merci, non ; fin 2008 début 2009 on avait vu les gouvernements autoriser des choses étrangement dérogatoires au dogme libéral-européen, on annonçait que tout serait différent, voire plus rien comme avant, qu’on méditerait très fort, tirerait toutes les conséquences. Et puis dès la mi-2009, la vague proprement financière-bancaire de la crise ayant été contenue, le retour à l’écurie était prononcé : tous ces déficits qu’on avait laissés se creuser, c’était pour l’année en cours, pas davantage, le programme désormais était : restauration du sérieux, la dette qu’on ne peut pas laisser à nos enfants, nécessaires efforts — et nous voyons se dessiner une configuration que ni Hegel ni Marx n’avait prévue : la première fois comme farce, la seconde (celle où nous sommes aujourd’hui) comme énorme farce.
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