Disparition. Josette Audin, une vie à rendre justice

Source : L’Humanité, Maud Vergnol, 04-02-2019

Elle avait consacré son existence à ce que la vérité soit faite sur l’assassinat de son mari et la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie. Josette Audin est décédée samedi matin à l’âge de 87 ans.

Une grande dame s’est éteinte. Josette Audin est décédée samedi à l’âge de 87 ans, emportant avec elle l’histoire intime de la grande Histoire, celle qu’elle aura contribué à écrire par sa persévérance et son courage. Nous n’oublierons pas son merveilleux sourire, le 13 septembre dernier, lorsque le président de la République est venu chez elle lui demander pardon, « au nom de la République ». Josette aura vécu ce moment avant de s’en aller. Cette reconnaissance officielle de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française, elle y a travaillé plus de soixante ans, affrontant les lâchetés politiques et les mensonges de la Grande Muette. Par amour. Mais aussi pour tous les Algériens victimes de la torture. Car si sa vie a été indissociablement liée au nom de son mari, Josette Audin était une militante communiste, anticolonialiste, dont l’engagement ne s’est jamais affadi. Ces derniers mois, en dépit de la maladie, elle trouvait la force d’être là où son combat devait la mener. Le 12 décembre, elle était au premier rang de l’amphithéâtre de l’Institut Poincaré, pour la cérémonie de remise du prix de mathématiques Maurice-Audin. Le 14 septembre, elle avait tenu à venir à la Fête de l’Humanité, pour partager avec les siens la formidable victoire politique de la reconnaissance, la veille, du crime d’État par Emmanuel Macron. Le public de la Fête le lui avait bien rendu, par un de ces instants magiques où l’émotion n’a plus besoin de mots. À l’Agora, sa frêle silhouette avait soulevé l’admiration et le respect d’un public qui a partagé son engagement pendant toutes ces années. Celui qui a permis que le nom de Maurice Audin ne tombe pas dans l’oubli.

Le 11 juin 1957, un commando de parachutistes l’arrache au bonheur

Sa vie a basculé en 1957. Josette a 25 ans. Militante du Parti communiste algérien (PCA), elle a rencontré Maurice Audin cinq ans plus tôt, à la faculté d’Alger. Ils partagent l’amour des mathématiques, de l’Algérie et de son peuple. Un pays où elle est née et a grandi, dans le quartier de Bab El Oued. « On était conscient des risques qu’on prenait, expliquait Josette Audin, mais nous étions révoltés par le colonialisme. On ne supportait pas de voir des gosses algériens cirer les chaussures dans les rues, au lieu d’aller à l’école. Au marché, si le vendeur était arabe, tout le monde le tutoyait. Nous ne l’acceptions pas ». Au mois de juin 1957, l’un des plus meurtriers de la bataille d’Alger, le jeune couple héberge des militants clandestins dans son appartement de la rue Flaubert, dans le quartier du Champ-de-Manœuvre. C’est ici que, vers 23 heures, le 11 juin 1957, des parachutistes tambourinent à leur porte, derrière laquelle dorment leurs trois enfants : Michèle, 3 ans, Louis, 18 mois, et Pierre, un mois. « Quand est-ce qu’il va revenir ? » demande Josette Audin, alors que son mari est enlevé par l’armée. « S’il est raisonnable, il sera de retour dans une heure », lui répond un capitaine. « Occupe-toi des enfants », a le temps de lui lancer Maurice Audin. Ce seront les derniers mots qu’elle entendra de lui, qui n’est jamais revenu. Et Josette n’a jamais cru à la thèse de l’évasion avancée par les autorités. « Jamais », assurait-elle. « Il aurait tout fait pour prendre contact avec moi .».Depuis ce jour où un commando de parachutistes l’a arrachée au bonheur, Josette ne s’est jamais résignée.Lire la suite

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