« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire » - George Orwell.
Dérapage - Le chroniqueur Martial s'en prend en... par morandini Jeudi 17 mars, Martial, animateur sur NRJ12, va jeter un froid sur le plateau de l'émission "MadMag". Au détour d'une discussion sur Canal+ et les Guignols, le jeune chroniqueur fait remarquer que Daniel Cohn-Bendit, qui a vertement critiqué le récent « sketch » sur la famille Le Pen, traîne une sacrée casserole :
"Ce n'était pas prévu mais je le dis quand même. Daniel Cohn-Bendit a quand même écrit un livre en disant que c'était cool de se faire déshabiller par des petites filles de 2 ans. Donc, il ira donner des leçons à quelqu'un d'autre".
Après une pause publicitaire, la cheftaine de l'émission, Ayem, recadre le petit effronté, lui reprochant d'être aller trop loin. En effet, quelle idée d'aller dire la vérité dans une émission de divertissement ! Comme Le Lay le disait, la télévision commerciale doit suffisamment ramollir le cerveau du téléspectateur pour le rendre réceptif au programme phare de la chaîne : la pub. Martial, encore trop ingénu ou vraiment très courageux, a alors rétorqué : "Donc on ne peut pas dire la vérité sur NRJ12, ce n'est pas grave. Je m'excuse les amis, je ne veux pas de problème avec Dany". Ben non, Martial, on ne peut pas dire la vérité sur NRJ12, et pas seulement là. Jean-Marci Morandini, spécialiste des médias sur Europe 1, parlera carrément de "dérapage" pour qualifier la sortie de route de Martial (un truc à la Jean-Marie Le Pen en quelque sorte). Sauf que, dans son livre Le Grand Bazar, publié en 1975, Cohn-Bendit écrivait ceci :
« Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m'avez-vous choisi, moi, et pas d'autres gosses ?” Mais s'ils insistaient, je les caressais quand même. [...] J'avais besoin d'être inconditionnellement accepté par eux. Je voulais que les gosses aient envie de moi, et je faisais tout pour qu'ils dépendent de moi. »
On peut certes reprocher à Martial d'avoir manqué d'exactitude. Dany ne parlait pas de petites filles de 2 ans, mais entre 4 et 6 ans. Il l'avait expliqué sur le plateau de Bernard Pivot. Le sujet de la pédophilie, au centre de l'actualité avec l'affaire Barbarin, n'inspire d'ailleurs étrangement aucun commentaire à Daniel Cohn-Bendit, rarement aussi peu loquace que face à Olivier Galzy sur i-Télé, lorsqu'il l'interrogea sur ce thème. Jeanmarcmorandini.com a joint la direction d'NRJ12, qui indique que "la blague de Martial était pourrie et mal placée". "On doit faire attention à ce que l'on dit à l'antenne". Tu m'étonnes ! "On ne peut pas dire la vérité à la télé : il y a trop de monde qui regarde", notait déjà Coluche il y a plus de 30 ans. Concernant le propos de Martial comme quoi "on ne peut pas dire la vérité sur la chaîne", la chaîne indique "[qu']on peut dire toutes les blagues sur l'antenne. Il faut que ça soit contextualisé". Vous aurez compris que vous êtes autorisé à faire des blagues sur NJR12, mais contextualisées... Sauf que Marial ne blaguait pas, et qu'il n'est pas sûr qu'on lui aurait laissé lire la citation de Dany à l'antenne. Morandini et ses sbires sont allés d'eux-mêmes demander à la chaîne NRJ12 si des sanctions seraient prises contre le jeune animateur qui a - ô quel crime ! - dit la vérité. La réponse dut les décevoir : "Il n'y aura aucune sanction. Il s'est rendu compte de son erreur. Il y a eu la réaction d'Ayem en plateau. Ce n'est pas une affaire d'Etat". "Erreur", "dérapage", "sanctions"... quel vocabulaire ! Dire la vérité à la télé, ça devient vraiment un acte révolutionnaire ! Ardisson demandait jadis à Rocard si "sucer c'est tromper". Aujourd'hui, on le sait, dire la vérité, c'est déraper.
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Martial.jpg
