Islamosphère et laïcité : le double discours de Manuel Valls

Manuel Valls en plein combat pour la défense de la laïcité…
De retour sur le devant de la scène, Manuel Valls nous rejoue son numéro de passionaria de la laïcité. C’est l’occasion de rappeler deux ou trois choses sur ses complaisances vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, du Qatar et d’Israël…
« On n’est jamais mort en politique ! ». Cette formule, qui a donné titre à un ouvrage de la journaliste Clélie Mathias en 2013, pourrait très bien s’appliquer au cas de Manuel Valls. Revenu de ses mésaventures des primaires du PS par la petite porte de la députation nationale (139 voix d’avance seulement, élection contestée), sous l’oriflamme flambant neuf de La République En Marche, qui lui a été dans un premier temps refusé, l’ancien premier ministre semble peu à peu revenir du désert politique dans lequel il avait été bien malgré lui exilé.
Ce retour en grâce s’est exprimé, début octobre, par l’attribution de la présidence d’une commission parlementaire sur le statut de la Nouvelle-Calédonie au malheureux candidat des primaires socialistes.

Islamisme contre sionisme : Valls et Mélenchon se renvoient des accusations de complaisance

A cette occasion, Jean-Luc Mélenchon, jusqu’alors membre de la commission, avait dénoncé une « opération de repêchage » du soldat Valls par le gouvernement et les troupes LREM.
Dans un courrier adressé au président de l’Assemblée François de Rugy, Mélenchon écrivait alors :

«M. Valls est un personnage extrêmement clivant, qui suscite de forts rejets du fait de sa proximité avec les thèses ethnicistes de l’extrême droite».

Ces allusions faisaient suite à une joute verbale extrêmement violente entre Valls et Mélenchon, fondée sur des accusations de collaboration avec l’islamisme radical dans un sens, de collusion avec l’extrême droite israélienne dans l’autre. Précisons au passage que depuis cette rixe sémantique, 7 députés français, dont 4 de la France Insoumise se sont vu interdire le droit d’entrée en Israël.
La reprise de la bonne vieille thèse de l’islamo-gauchisme, qui avait fait les beaux jours de la communication ministérielle de Valls, se mit soudain à agir comme un talisman. La magie qui lui conférait le sésame sémantique de l’ouverture des portes des médias opérait de nouveau.
La vaste opération de communication avait commencé dans les colonnes du Figaro Magazine, en ce même mois d’octobre 2017, pour l’occasion titré en couverture : «L’islamosphère, enquête sur les agents d’influence de l’islam».
Valls y déclarait :

« Nous sommes aujourd’hui dans une situation grave où, quand on défend les lois et les valeurs de la République, on se fait traiter de “laïcard“, c’est-à-dire de ringard, puis d’“islamophobe“, voire de raciste. […] Au-delà de mon cas personnel, on voit bien qu’une frontière a été franchie, avec la complicité d’une partie de la gauche. »

Communautarisme et laïcité : Pascal Boniface dénonce les incohérences de Valls

Dans le même temps, Valls participait à une campagne lancée par Frédéric Haziza et Frédéric Encel, visant a discréditer Pascal Boniface, le directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), en rappelant sa participation à un débat avec Alain Soral organisé en 2009.
Pascal Boniface répondit en ces termes :

Je ne me suis pas affiché aux côtés d’Alain Soral mais je suis allé lui porter la contradiction, à l’invitation de Robert Ménard, qui venait à peine de quitter la direction de Reporters sans frontières et n’avait pas encore pris son virage à l’extrême-droite (…) Ce qui est encore plus curieux, c’est que M. Valls était alors membre du conseil d’administration de l’IRIS. Je ne me rappelle pas le moindre commentaire de sa part sur le sujet. Il est d’ailleurs allé au bout de son mandat, qui prenait fin en 2010 (…)  Il s’est lui-même affiché tout sourire avec une ministre israélienne d’extrême-droite qui tient des propos racistes, sans marquer sa désapprobation ni éprouver la moindre gêne (…) Comme si cela ne suffisait pas, il évoque également ma note de 2001. Oublierait-il qu’il m’avait assuré de sa solidarité à l’époque de cette polémique, ainsi qu’en 2003, au moment où je quittais le PS ? (…)
Dans sa conception de la laïcité, le port du voile dans une crèche privée est inacceptable. Il est pourtant tout à fait normal qu’un député qui lui est proche dise avoir été élu à l’Assemblée nationale « grâce à la Torah » (…) Pour avoir systématiquement repris les éléments de langage du CRIF sur la société française ou le conflit au Proche-Orient, il est mal placé pour dénoncer la montée du communautarisme. Le faire lors d’une interview accordée à l’ultra-communautariste Judith Waintraub, ne lui apparaît pas plus paradoxal (…)
En s’engageant sur l’honneur à suivre le résultat des élections à la primaire du PS, pour ne pas le respecter une fois sa défaite consommée, il avait déjà pris quelques libertés avec le sens de l’honneur. En voulant à tout prix adhérer à La République En Marche et en se plaignant publiquement de ne pas y parvenir, il en avait pris avec celui de la dignité. Par la façon dont il m’attaque, il a perdu celui du respect, de la vérité et du parler vrai, pourtant si cher à Michel Rocard. Ce dernier, dont je partageais pleinement l’analyse du conflit au Proche-Orient et de ses conséquences en France, m’a par ailleurs toujours soutenu lors des campagnes dont j’ai été victime.
Pour ma part, je continuerai à combattre toutes les formes de racisme, antisémitisme inclus, sans jamais effectuer de hiérarchie entre ces combats. Je suis athée. Mais, pour certains des soutiens de M. Valls, combattre les discriminations équivaut à être un agent d’influence de l’islam, voire de l’islamisme. L’ignominie de l’attaque rend fier d’en être l’une des cibles.

Valls entame une campagne pour couper les vivres à l’IRIS

La bataille menée par Valls contre Pascal Boniface et l’IRIS n’en est pas restée là, puisque le député de l’Essonne a déclaré faire son possible pour que l’Institut dirigé par P. Boniface ne touche plus aucun fond public :

« Je considère, par exemple que ce qu’écrit l’universitaire Pascal Boniface depuis des années pose un vrai problème. J’ai d’ailleurs saisi les ministres des Affaires étrangères et des Armées qui financent l’Iris de ce sujet, même s’il ne parle pas au nom de l’Iris.»
Manuel Valls, Marianne, 10.11.2017

Pour les disqualifier, Valls est allé jusqu’à accuser Pascal Boniface et Edwy Plenel de complicité avec Tariq Ramadan dans l’affaire de viols présumés dont ce dernier est soupçonné. Ses arguments ? Les deux hommes avaient déjà participé à une ou plusieurs conférences avec Tariq Ramadan, et auraient donc dû, en toute logique, être au courant de ses moindres faits et gestes …
Comme l’a noté Pascal Boniface dans sa réponse aux propos tenus par l’ancien premier ministre dans le Figaro Magazine, la complaisance de Manuel Valls envers l’extrême droite israélienne constitue une face de son hypocrisie concernant son prétendu combat pour une laïcité sans compromis.

Qatar, Arabie Saoudite, et pétrodollars, une laïcité à double standard

Le revers de cette face, c’est la complaisance dont il a fait preuve durant toute la durée de son mandat de premier ministre envers l’Arabie Saoudite et le Qatar.
On ne saurait oublier que ce chevalier blanc de la laïcité était en première ligne le 17 Novembre 2015, lorsqu’il s’agissait de déclarer sans sourciller que le Qatar et l’Arabie Saoudite luttaient contre DAECH :

On ne saurait oublier non plus que lorsqu’on lui demandait le 15 octobre 2015 sur RMC, s’il n’était pas indécent de se réjouir de la vente de contrats à l’Arabie Saoudite, capable d’exécuter 134 personnes en moins d’un an, bombardant les populations du Yémen avec des armes françaises, le premier ministre en exercice rétorquait sans broncher que c’était une manière de se battre pour notre économie, notre industrie et nos emplois. En cela, il devançait son amie Elisabeth Badinter, autre tartuffe de la laïcité, qui en avril 2016, faisait un appel très médiatique au boycott des entreprises se lançant dans la mode islamique, au moment même où Publicis, l’agence dont elle était alors la première actionnaire, gérait la communication de l’Arabie Saoudite. Elle déclarait alors qu’il ne fallait pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe… Aucun risque, l’argent n’a pas d’odeur. Pour l’intransigeance laïque, par contre, on repassera…

Galil Agar
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