Le président russe Vladimir Poutine a ordonné lundi de commencer le retrait des militaires russes de Syrie à partir du 15 mars, les bases navale et aérienne russes en Syrie continueront quant à elles à opérer :"La mission confiée au ministère de la Défense et aux Forces armées a été accomplie. J'ordonne au ministre de la Défense de commencer le retrait de la plus grande partie de notre groupe militaire de Syrie à partir de mardi (…). J'espère que cela sera un bon signal à toutes les parties en conflit et augmentera le niveau de confiance entre tous les participants aux processus de paix" Une annonce qui a été un véritable coup de tonnerre dans les chancelleries et dans les médias du monde entier. L'establishment américano-occidental a été stupéfait de cette annonce, hésitant dans un premier temps à la prendre au sérieux avant d'être dans un second temps, une fois convaincu de sa réalité, totalement décontenancé. Hypothèses On constate à présent que le déploiement des troupes russes entamé en septembre dernier a été initialement prévu comme une opération à court terme. Quels pouvaient en être les objectifs politiques ?
- Inclure Bachar el-assad au processus de règlement de la crise en Syrie
Ce n'est un secret pour personne que l'armée Syrienne s'essoufflait dangereusement de l'aveu même des officiels Syriens. L'intervention Russe a changé la donne militairement et désormais, les partis en conflit sont en train d'admettre que personne ne peut gagner militairement et que la démission du président Assad ne peut être une condition préalable et sine qua non des négociations au règlement de la crise.
- Préserver l'appareil d'Etat Syrien mais pas à n'importe quel prix
La politique Russe vise une transition politique qui préserve l'appareil d'Etat syrien, du moins en partie dans sa forme actuelle tout en poussant Bachar el-Assad, malgré les succès militaires, à négocier. Moscou lui a donc rappelé, en retirant ses troupes, que son objectif était de régler le conflit en Syrie par la voie diplomatique et non militaire. L'annonce du retrait est une façon de faire pression sur Bachar el-Assad et ses collaborateurs.
- Eviter un « piège à l'afghane »
Lorsque la Russie a entamé le déploiement de ses forces en Syrie, une partie des sponsors de l'opposition armée se sont mis à chercher un moyen de transformer la Syrie en un « deuxième Afghanistan » pour la Russie. Certains allaient même jusqu'à prédire le déclenchement d'une opération au sol et se frottaient les mains car l'effet aurait été désastreux pour la Russie dans ce contexte de guerre économique contre elle par les moyens des sanctions financières et de la baisse des prix du baril. En se limitant à une opération militaire sur le cours terme, les dirigeants Russes ont étouffés ce scénario dans l'œuf.
- Donner à la Russie l'image d'une puissance stabilisatrice
C'est sans doute le point le plus important et qui dépasse largement le cadre de la crise Syrienne et qui est à envisager sur l'échiquier global. En jouant un rôle stabilisateur dans le processus de règlement de la question syrienne, Poutine a fait un coup de maitre : les militaires russes ont montré qu'ils sont capables de déclarer et d'effectuer des opérations militaires en dehors de leurs frontières et que Moscou est capable de changer la donne en dépit des volontés de Washington, Bruxelles, Riyad ou Ankara. L'intervention de la Russie a radicalement changé l'image du Kremlin non seulement au Proche-Orient, mais dans le monde entier, Poutine a réussi à enregistrer des succès et se retire de l'opération militaire au point culminant de son succès, ce que l'empire américain est devenu incapable de réaliser. La rapidité du changement de situation stratégique depuis septembre dernier est stupéfiante, désormais, et mise à part la Turquie, la Russie est la voix et l'influence extérieures essentielles pour tous les pays de la région, de l'Iran à Israël, de l'Égypte à l'Irak. Même l'Arabie Saoudite, qui a une politique diamétralement opposée à celle de la Russie, est obligée de tenir grand compte de la politique russe, et d'éventuelles objections russes. Quant aux USA, ils restent en place dans la région au travers de leurs multiples bases, mais plutôt comme un immense machin ficelé de tous les côtés, impuissant, velléitaire, contradictoire avec d'étranges dysfonctionnements où l'on voit un Kerry mener quasiment une diplomatie personnelle avec Lavrov contre l'avis furieux de la CIA et du département de la défense. Envers et contre tout, le président russe réussi à modeler le nouvel ordre mondial multipolaire à ses vues, dans ce bouleversement, on notera la capacité de la Russie de se placer à distances à peu près égales, lors d'une querelle directe entre des acteurs avec lesquels elle veut conserver des liens pour les faire participer à un équilibrage de la région. Les Russes ajustent leurs positions et leurs relations stratégiques aux situations stratégiques différentes y compris sur un même théâtre d'opération, ils jouent des jeux différents selon les différences de situation et ils le font avec une incroyable souplesse, qui semble correspondre, du point de vue militaire, à la souplesse d'emploi de leurs forces militaires sur le terrain. Les dirigeants Russes ont une politique qui fait de la donne militaire un moyen de pression diplomatique, une politique pour laquelle la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. Somme toute, une politique classique, une politique machiavélienne. Cependant, le jeu en Syrie est loin d'être terminé, le processus de négociation sera difficile, l'opposition et les Occidentaux continuent à vouloir le départ de Bachar al-Assad, l'organisation de l'Etat Islamique est toujours présente et Al-Nosra a annoncé une offensive d'envergure. Malgré tout, bien que la Russie retire partiellement ses troupes de Syrie, elle continuera d'occuper une position forte dans la région, Poutine est pour le moment le maitre du jeu. Sources : RT France arnaTelevision dedefensa FRANCE 24
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