Des voix dans sa tête

2019, trop de monde se retrouve encore avec des soucis de voix dans sa tête. Ça semble même être une raison d'anxiété et d'insomnie majeure qui pousse les victimes vers des médications et addictions à des drogues dures. Les benzodiazépines voués à la base aux cas psychiatriques graves, prisés par les héroïnomanes pour patienter et aujourd'hui simples somnifères, contaminent aux côtés d'opioïdes, neuroleptiques et antidépresseurs les populations ! Qu'est-ce qui détermine que certaines personnes n'aient pas de comptes à régler avec leur esprit et que d'autres se sentent menacés par eux-mêmes ? La réapparition de ce sujet qui depuis toujours singularise diverses rencontres m'a poussé à formuler par écrit ce qui m'aurait je crois aidé lorsqu'il y a longtemps, j'étais moi-même empêtré dans ces miasmes. Après avoir écrit cet article, j'ai cherché à l'illustrer et suis tombé sur cette intervention de Eckhart Tolle en parfaite adéquation avec ma conception de ces phénomènes. Il ne fait pas partie de mes références et je ne prétends en rien que son livre "Le Pouvoir du moment présent", un bible du développement personnel semble-t-il, ne part pas dans des sphères qui me sembleront absurdes (?) Mais le témoignage qu'il avance là est à vivre par chacun/e qui ne l'a encore vécu. La pensée se manifeste en mots silencieux qui se déroulent dans nos têtes. Ces mots peuvent autant évoquer des voix distinctes qu'une seule unanime tout comme elle peuvent tenir des propos sensés et rationnels ou au contraire délirer et empêcher notre concentration, inviter à ce que l'on refuse. On peut se sentir spectateur impuissant de monologues ou de dialogues mais ce spectateur se trompe : Il est en réalité l'acteur et bien loin d'être impuissant. On peut être tenté de croire que plusieurs personnes nous habitent tant ces voix peuvent se distinguer, éventuellement flanquées d'accents, selon les propos qu'elle défendent ou les attitudes qu'elles dictent. On peut aussi s'imaginer être la victime d'un piratage, par-exemple quand désirant s'endormir, la pensée nous en empêche, nous narguant de propos qu'on ne désire pas entendre, d'images qu'on refuse de voir, injuriant mentalement les personnes qu'on aime. En cas d'embarras, d'embouteillage ou de nœuds dans le fil de ses idées, le réflexe premier est de désirer "arrêter de penser". Pffff ! Zen ici ! Mais il apparaît que l'idée d'arrêter de penser est elle-même une pensée de type obsessionnelle et sans issue autre que d'y penser sous les ricanements et moqueries mentales qu'on s'inflige. On va donc facilement s'amener à orienter ses pensées vers ce qui nous arrange consciemment au mieux, par-exemple, du calme si on désire s'endormir. Pourtant, l'univers paisible qu'on se concocte est facilement mis-à-mal, et exposé à une tension qui bascule dans l'opposé, idées obscures qui reviennent et l'agacement qui l'emporte. Ni chasser l'obscurité, ni entretenir la lumière ne sont des activités de tout repos, qui prêtent à s'endormir. Comme le sommeil doit nous emporter, on se doit de se laisser porter, de s'abandonner à sa bienveillante emprise parce qu'on a décidé de dormir. On a donc tout intérêt à se laisser porter par la pensée qui se manifeste, tant pis si elle est obscure. La clé pour s'y attarder est la curiosité, l'observation. Il s'agit d'une pensée, où veut-elle en venir ? On peut la questionner du pourquoi et du comment pour être sûr de bien comprendre son point-de-vue, même s'il est l'opposé de ce à quoi on aspire. Il ne s'agit pas de le vivre mais de penser. La majorité des fantasmes sont beaucoup plus intenses dans leur sublimation qu'en vivant leur réalisation. Une pensée obscure est principalement une pensée déçue, en colère ou désespérée par la tournure qu'a la vie tandis que d'autres pensées s'ingénient à maintenir le cap d'une réalité trop plate. Il semble y avoir un conflit intérieur, un conflit entre alliés or on peut relativiser, rationnaliser. Car on peut rompre avec la division en soi qui fait de nos voix intérieures autant de personnages distincts ou d'intrus. Ces voix, aussi diverses soient-elles, sont autant de facettes de notre personnalité. Certaines avouables, d'autres moins et cette conscience, spectatrice de l'emballement des idées alors qu'elle désire le sommeil, c'est juste soi, juge absolu et filtre de ce qui du monde des idées rencontrera le monde réel. Cette conscience dont le rôle est primordial dans l'interaction de l'esprit avec le corps et par-là, le réel, règne en maître absolu de l'individu. Pourtant, le monde des idées peut arriver à lui faire croire le contraire, à lui faire croire qu'il s'agit d'obéir à des injonctions venues de la pensée plutôt qu'à choisir librement et consciemment parmi le flot des possibles. C'est que les facettes enfouies de notre personnalité, choses auxquelles on ne veut pas penser et qu'on repousse, se frustrent à en devenir contre-productives. Bien loin de disparaître, elles torpillent volontiers les intentions auxquelles aspire cette conscience "totalitaire", celle qui l'a fait taire. Car la brimade, l'entrave d'une part de soi afflige le soi dans son entièreté. Bien au fait que la reconnaissance de ses parts obscures n'implique en rien leur admission au grand-jour, ni leur quelconque impact sur quoi que ce soit, il s'agit, emprunt d'une curiosité sincère à son propre égard, d'accepter le fait d'avoir soi-même des visions extrêmement obscures, irrespectueuses, contraires à ce que la conscience estime valable et auxquelles la conscience accordera du temps de pensée jusqu'à trouver des voies pour les canaliser, s'il y a lieu, vers des inconséquences (écriture, humour, chant, dessin, musique, sport ...) ou au contraire, d'avoir derrière ce masque trouvé en substance une valeur sûre et bénéfique. Ces réflexions intérieures dissidentes, aussi contraires qu'elles soient d'avec nos intentions et le discours qu'on peut tenir, peuvent faire l'objet d'un déni ou d'une découverte, deux options qui ont des conséquences opposées : Le déni d'une part de soi pousse celle-ci à se manifester en sourdine, il empêche, puisqu'on en méconnaît les contours, d'en contrôler les effets. On peut donc sans s'en rendre compte, en devenir le jouet, amené là où on ne désire pas se trouver en compagnie de personnes qu'on préférerait éviter. Si au contraire cette part enfouie est invitée mentalement à vider son sac, puis à mentalement s'exprimer, puis à participer au monde des idées, cette part va, avec ses moyens, se mettre au service de l'esprit qu'elle habite et éviter d'installer de la confusion dans la réflexion (comme par-exemple, empêcher le sommeil) pour alimenter celle-ci d'un point-de-vue supplémentaire. Le caractère rébarbatif, voire la peur que peuvent inspirer ces pensées refoulées cachent derrière un masque qu'on a soi-même forgé, une identité blessée et impuissante qui prend des allures dominantes pour ne pas s'éteindre. Si ce qu'elle revendique est extrême ou obscène, c'est que n'ayant pu être confrontée car frappée de déni, cette part de soi n'a pas appris à dialoguer, à chercher les consensus à travers lesquels évoluer pour trouver des canaux d'expression. Ainsi, une voix irritante, scélérate ou dépressive peut inspirer une poésie glauque et à force, du vrai contenu. Finalement elle offrira un point-de-vue enrichissant même si rien n'y mérite d'être mis à exécution. Ce monde intérieur, son organisation, n'a rien à voir avec le monde extérieur, le monde réel. On lui accorde du temps en méditation. C'est un fleuve qui coule, un mouvement devant lequel on ne peut rien mais où la conscience peut tirer des instantanés avec lesquels dialoguer. La conscience de chaque individu est maîtresse et se ballade dans un champs d'idées mais bon nombre se sentent esclaves de leurs idées, prisonniers de voix dans leur tête. La pensée n'a aucune limite, aucun cadre fiable, toujours susceptible de bifurquer, de s'éloigner du sujet d'une association d'idée à l'autre. Seule la conscience tient les rennes et décide quel mot sortira de la bouche, parfois aidée ou trahie par l'inconscient. cavalier solitaire de notre personnalité, pleinement voué et lié à notre équilibre. Libéré durant le sommeil pour vivre sa vie dans nos rêves, l'inconscient échappe à notre conscience, pire, lorsqu'on a fait consciemment de mauvais choix, il nous mettra le nez dedans. Il ne pose pas de question, il sait, tente de nous éclairer mais ne communique pas frontalement ou alors, on ne peut comprendre son langage. L'équilibre entre toutes ces forces en présence dans l'esprit est étroitement lié à l'acceptation de soi dans son entièreté. Si chaque part de sa personnalité est acceptée pour ce qu'elle est et comme faisant partie du tout, sans inspirer ni crainte ni débordement, en un flot que rien n'empêche de se déverser, l'unification de toutes ces voix devient une évidence.
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Tolle-voix-tete.jpg

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