De gauche à droite et de haut en bas : Agnès Buzyn, Marie Lebec, Florence Parly et Nathalie Loiseau.
L’ère Macron devait être celle du changement, d’une nouvelle façon de faire de la politique, marquée par l’exemplarité ! Nous allions voir ce que nous allions voir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au bout d’un mois déjà, nous voyons.
Que ce soit dans le gouvernement ou sur les bancs de l’Assemblée, au milieu des députés LREM fraichement élus, partout la réalité dépasse la fiction. Des énarques plus énarques que jamais, des lobbies plus influents que jamais, des collusions industrielles plus étroites que jamais, une caste plus dominante que jamais…
Emmanuel Macron, notre deus ex machina jupitérien a créé la femme politique, et bien sûr, rien n’a changé.
Nul besoin de chercher dans cet article un quelconque relent misogyne. Le fait que les 4 personnalités mentionnées ici soient des femmes est un parfait détail. Il en aurait été de même avec des hommes, bien évidemment. Et c’est bien là le problème ! Même sur ce point, la parité, force est de le constater, ne change rien. Mais qui pouvait vraiment imaginer qu’il en aurait été autrement ?
Une ministre des Armées, chez Zodiac Aerospace
Le cas de Florence Parly est un chef d’oeuvre du genre. Que l’on s’intéresse à son ascendance, à sa formation, à son passé politique, ou sa carrière professionnelle, c’est le carré d’As.
Tout d’abord, donc, Florence Parly est la fille de Jeanne-Marie Parly qui fut conseillère auprès de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l’Education, entre 1985 et 1986, en charge de l’Enseignement supérieur, puis directrice de cabinet de Claude Allègre dans ce même ministère, de 1998 à 2000 (à lire ici ou là). Par sa formation ensuite, puisque Florence Parly est très classiquement diplômée de Sciences-Po (IEP Paris) et de l’ENA.
Mais c’est surtout sa carrière professionnelle et politique qu’il convient de regarder de près. De sa sortie de l’ENA en 1987 et jusqu’en 2002, elle sera ainsi successivement (à lire sur Libération) :
- Administratrice civile à la Direction du budget
- Conseillère auprès de Michel Durafour au ministère de la Fonction publique
- Conseillère auprès de Paul Quilès à l’Équipement et au Logement, puis à l’Intérieur
- Chef des bureaux de la protection sociale et de la sécurité sociale à la Direction du budget
- Chef des bureaux de l’équipement, du logement, de la ville et de l’aménagement du territoire à la Direction du budget
- Chef des bureaux de la culture et de l’audiovisuel à la Direction du budget
- Conseillère pour les affaires budgétaires au cabinet du Premier ministre Lionel Jospin
- Secrétaire d’État au Budget auprès de Laurent Fabius au ministère des Finances
Evidemment, faut-il le préciser, elle adhère très tôt au PS et ira jusqu’à exercer au sein du parti le poste de responsable nationale, chargée de l’économie et de l’emploi entre 2003 et 2005. En un mot, une tête nouvelle pour des idées nouvelles !
Florence Parly quitte ensuite la vie politique et devient directrice de la stratégie des investissements à la direction financière d’Air France. Entreprise dans laquelle elle exercera successivement plusieurs fonctions de direction avant de la quitter en 2014 pour rejoindre la SNCF. Elle devient alors directrice générale déléguée, chargée de la stratégie et des finances dans le cadre de la réforme ferroviaire.
Mais plus discrètement, Florence Parly s’avère être indirectement membre du Conseil de Surveillance de la société Zodiac Aerospace, l’un des équipementiers leaders mondiaux dans le domaine de l’aéronautique, et donc de l’aéronautique militaire (1). On peut voir sur la capture ci-dessous qu’elle siège au sein du Conseil de Surveillance de la société, en tant que représentante d’un certain Fonds Stratégique de Participations.
Le Fonds Stratégique de Participations s’avère être un fond d’investissement géré par le Groupe Edmond de Rotschild. On peut ainsi lire ici que ce fond permet au Groupe Suisse de gérer les avoirs financiers de six assureurs français :
- BNP Paribas Cardif
- CNP assurances
- Crédit Agricole assurances
- SOGECAP (groupe Société Générale)
- Groupama
- Natixis assurances
Et qu’il est effectivement actionnaire et administrateur de Zodiac Aerospace. Drôles de connivences et de collusions donc, entre une ministre des Armées, et le complexe militaro-industriel et financier européen.
Une lobbyiste sur les bancs de l’Assemblée
Marie Lebec, c’est son nom, a fait parler d’elle lors de son élection pour son âge, 26 ans. Mais en creusant un peu, c’est un autre détail qui aurait dû intéresser les journalistes de nos médias favoris. La jeune femme est en effet salariée depuis septembre de la société Euralia, comme on peut le voir sur cet extrait de son profil linkedin (2) :
Peu de gens connaissent la société Euralia, et pour cause, son activité est une activité de l’ombre, dans les coulisses du pouvoir. Ainsi peut-on lire sur cette présentation de la société :
Spécialistes des affaires publiques européennes et françaises depuis plus de 20 ans, nous mettons notre expertise au profit de nos clients pour anticiper et suivre les évolutions politiques et règlementaires en France et à Bruxelles, mais également pour représenter leurs intérêts auprès des décideurs publics locaux, nationaux et européens.
Chez Euralia, nous croyons en une vision positive de l’influence, afin de rendre nos clients plus attentifs, audibles et écoutés sur l’échiquier politique, médiatique et institutionnel.
En un mot, il s’agit d’une société de lobbying. Pire, la société se dit elle-même, sur son site internet, être « aujourd’hui l’un des principaux cabinets de conseil indépendants en affaires publiques franco-européennes ». Nous nous plaignions de l’influence permanente des lobbyistes sur le monde politique, voilà qu’ils siègent maintenant directement dans l’Assemblée.
Pour le reste, Marie Lebec, comme ses collègues, a le parfait profil des candidats En Marche. Diplômée de Sciences-Po, elle commence son engagement politique en 2007 au sein de l’UMP, à l’occasion de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, avant de rejoindre le Nouveau Centre en 2014, l’un des mouvements politiques à l’origine de l’UDI, pour enfin devenir l’attachée parlementaire de Christian Franqueville, député PS. C’est donc tout naturellement qu’elle est aujourd’hui une députée en marche, bien assise dans son fauteuil de l’Assemblée nationale.
Une ministre de la Santé, mariée au Directeur de l’INSERM
Nous irons plus vite sur nos deux dernières ministres. Mais il n’est pas anodin de noter qu’Agnès Buzyn, notre nouvelle ministre de la Santé est mariée à Yves Lévy, directeur général de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Là encore donc, une proximité qui ne saura qu’éveiller des soupçons de connivence entre le ministère et l’institut de recherche.
Une ministre des Affaires européennes, Directrice de l’ENA
Et nous finirons par évoquer le cas cocasse de Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes. A l’heure même où l’opinion publique s’émeut de la technocratie ambiante toujours plus marquée de nos gouvernements, et de la sur-représentation d’énarques parmi nos dirigeants (comme nous avons d’ailleurs pu le voir plus haut), Emmanuel Macron, lui-même énarque, a franchi un cap en nommant ministre l’ancienne Directrice de l’ENA. Tout un symbole !
Nous avons souhaité ici mettre en éclairage ces situations peu relayées dans les médias, mais évidemment, à ces 4 personnalités s’ajoutent les cas de Marielle de Sarnez, embourbée dans les affaires de financement du Modem, de Sylvie Goulard, dont on a appris qu’elle était grassement rémunérée par un think-tank pro-américain (à lire dans Ruptures Presse) (3) ou encore de Muriel Pénicaud, la toute nouvelle ministre du Travail qui doit répondre devant la justice du financement d’un voyage d’Emmanuel Macron au CES (4) de Las Vegas en janvier 2016.
Bienvenu en Macronie !
Nico Las (TDH)
(1) : A noter par ailleurs que la société Safran, le leader européen de l’équipement aéronautique civil et militaire est en train de racheter Zodiac Aerospace (à lire sur La Tribune).
(2) : Le profil a manifestement été modifié en juin avec l’ajout de la mention Députée de la 4ème Circonscription des Yvelines, mais pour autant, la date de fin de mission chez Euralia n’y est pas mentionnée (il est toujours écrit qu’elle y est toujours consultante). Il ne nous a pas été possible pour l’instant de vérifié si c’est une erreur commise par Marie Lebec sur son profil, ou si elle travaille toujours pour cette société.
(3) : Toutes deux d’ors et déjà écartées du gouvernement.
(4) : Le Consumer Electronics Show, le plus grand salon mondial d’électronique grand public.
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