Le Temps de la colère, par Chris Hedges

Source : Truthdig, Chris Hedges, 11-06-2017
Mr. Fish / Truthdig
Le nihilisme et la rage qui balaient la planète ne sont pas engendrés par des idéologies perverties ni par des croyances religieuses moyenâgeuses. Ces forces destructrices prennent racine dans la destruction des traditions sociales, culturelles et religieuses par la modernisation et la société de consommation, dans les tentatives désastreuses de la part des États Unis d’effectuer des changements de régimes, souvent par des coups d’État ou des guerres, et dans l’idéologie néolibérale utopique qui a concentré les richesses entre les mains d’une petite clique d’oligarques corrompus.
Comme l’écrit Pankaj Mishra dans « Le Temps de la colère : une Histoire du présent », ce vaste projet planétaire d’ingénierie sociale a convaincu des centaines de millions de personnes au cours du siècle dernier, « d’abandonner – et souvent mépriser – un monde passé qui avait duré des milliers d’années, et de prendre le pari de créer des citoyens modernes qui seraient laïques, éclairés, cultivés et héroïques ». Ce projet a été un échec spectaculaire.
Alexandre Soljenitsyne a remarqué sarcastiquement que « pour détruire un peuple, vous devez couper ses racines ». Les damnés de la terre, comme Frantz Fanon les appelait, ont été dépouillés de toute cohésion sociale ou culturelle. Ils sont coupés de leur passé. Ils vivent dans une pauvreté écrasante, une aliénation paralysante, le désespoir et souvent la terreur. La culture de masse les abreuve d’images clinquantes, violentes, salaces et ridicules. Ils se lèvent contre ces forces de la modernisation, poussés par une fureur atavique, pour détruire l’univers technocratique qui les condamne. Cette rage s’exprime de multiples façons – le nationalisme hindou, le proto-fascisme, le djihadisme, la droite chrétienne, la violence anarchique et autres. Mais les diverses formes de ressentiment trouvent leur source dans les mêmes puits du désespoir global. Ce ressentiment « empoisonne la société civile et sape les libertés politiques », écrit Mishra et il alimente « un revirement global vers l’autoritarisme et des formes toxiques de chauvinisme ».Lire la suite

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