Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 17-02-2020
« Ceux qui ne comprennent pas leur passé sont condamnés à le revivre » (Goethe). Du passé peut-on faire table rase ? Vraisemblablement pas. Le jeune Emmanuel Macron était un amoureux du théâtre et de sa professeure. Le président est un comédien qui a épousé sa répétitrice. Le jeune Emmanuel Macron était un élève de Paul Ricoeur. Le président est un philosophe qui s’en revendique. Le jeune Emmanuel Macron était provincial. Le président est un Rastignac qui veut en imposer à tous ses homologues étrangers. Le discours lyrique est son mode de communication favori. Il en use et en abuse à la Sorbonne, à Aix-la-Chapelle, à Washington, à Ouagadougou, à Abidjan, à Jérusalem… aujourd’hui à Paris. En dépit de formules fort littéraires et bien ciselées, ses homélies vivent ce que vivent les roses, l’espace d’un matin. Elles garnissent fort avantageusement les poubelles de l’Histoire tant la forme éclipse le fond, le lyrisme vole la vedette au réalisme. Elles inaugurent une nouvelle typologie, celle du discours jetable, du discours kleenex. Le prêche macronien vaut plus par plus son effet d’annonce médiatique que par sa qualité stratégique intrinsèque1. Ses réponses aux grandes questions du moment sont toujours floues, approximatives, décalées2.
À en prendre connaissance avec la plus grande attention, stylo à la main, en dépit de plusieurs lectures, il s’apparente à un labyrinthe où l’on évolue avec d’infinies précautions tant il manque un indispensable fil d’Ariane. Il est facile de s’y perdre tant la pensée manque de clarté, de simplicité, de logique. Manifestement Emmanuel Macron a peu ou pas lu, Nicolas Boileau surtout lorsqu’il enseigne que « ce que l’on conçoit clairement s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément ». Le dernier exemple de ce galimatias que nous possédons est son discours prononcé le 7 février 2020 à l’École de guerre devant les futurs généraux pour exposer sa conception de la théorie de la dissuasion nucléaire, envisagée dans son acception la plus large, dans le monde chaotique du début du XXIe siècle3. Un morceau d’anthologie… mais au plus mauvais sens du terme tant le mot efface l’idée, le flou masque le confus. Un superbe manteau d’Arlequin. La déclamation de cet opus magnum intervient dans un contexte stratégique fortement dégradé. Il convient de s’en tenir aux idées fortes de ce long monologue tout en n’omettant pas de mettre en exergue les graves lacunes de l’exhortation de l’École de guerre qui en amoindrissent sérieusement la portée aux yeux de nos principaux partenaires.
LES STIGMATES D’UN CONTEXTE STRATÉGIQUE DÉGRADÉ
Aujourd’hui, tous les ingrédients d’une grande crise de la gouvernance mondiale sont réunis. Les différentes crises s’ajoutent et se nourrissent les unes les autres4. Le monde est d’autant plus déboussolé et désarçonné face à cette situation que les piliers de la stabilité stratégique se fissurent les uns après les autres.Lire la suite
Source