Golan : USA-Israël–Syrie-Liban, nouvelle guerre du pétrole

Depuis Septembre 2015, la compagnie israélo-états-unienne Afek exploite le pétrole du plateau du Golan, territoire libano-syrien occupé et colonisé par le régime sioniste (1) depuis près d’un demi-siècle. Le conseil de sécurité de l’ONU a toujours souligné « l’inadmissibilité » de cette occupation. Cependant, depuis la découverte de ces ressources, la pression diplomatique du régime de Tel-Aviv en faveur d’une reconnaissance officielle de l’annexion de ces territoires a augmenté. À la guerre de l’eau que se livrent dans le Golan les puissances frontalières depuis des décennies se surajoute désormais une guerre pour le pétrole. La pression militaire a elle aussi monté d’un cran sur le plateau, remettant en question la neutralité longtemps affichée du régime israélien dans le conflit syrien.

Derrière Genie Oil & Gas, Effi Eitam, Dick Cheney, Rupert Murdoch, Jacob Rothschild et Larry Summers

Les champs pétroliers et gaziers qu’Israël envisage d’exploiter le long des côtes méditerranéennes sont disputés par le Liban, Chypre et la Turquie
Largement tributaire de régions aussi instables que le Caucase pour l’importation d’hydrocarbures, le régime israélien est en quête permanente de diversification de ses fournisseurs.
Les négociations en cours concernant les champs gaziers du Léviathan et de Tamar, dans la mer Méditerranée, pourraient s’avérer longues et délicates. Pour l’heure, 40 % du pétrole israélien est importé d’Azerbaïdjan, un petit État jonglant sans cesse entre les influences russes, turques et occidentales pour assurer sa pérennité.

L’homme de Tsahal et du Likoud à la tête de Genie Israel

L’exploration des ressources du Golan est donc vitale pour Israël. C’est pourquoi elle a été confiée à un ancien militaire, coutumier des coteries de la politique coloniale. Ancien ministre des infrastructures nationales, puis du logement et de la construction sous Ariel Sharon (2001–2003), militant de la fondation d’un Grand Israël, membre fondateur du parti Le foyer juif classé à l’extrême droite du Likoud, Effi Eitam, réside lui-même dans la colonie de Nov, sur le Golan. Il est président de Genie Israel, dont l’Afek est une filiale.
Le destin d’Eitam est de longue date lié à celui du Golan. Il s’est fait un nom durant la guerre du Kippour, repoussant les tanks syriens de la base de Nafah en 1973. Il s’est confronté au Hezbollah dès la guerre du Liban de 1982.

De Rabin à Netanyahou, un artisan du Grand Israël

Effi Eitam, gardien du sanctuaire pétrolier du Golan, vétéran des guerres coloniales à la droite de Netanyahou
En 1988, le ministre de la défense Yithzak Rabin le charge de frapper des militants palestiniens. Il fait briser les os du jeune prisonnier palestinien Ayyad Aqel, frappé à mort. À partir des années 2000, il se fait connaître par des frasques verbales propulsant sa carrière politique naissante. Démissionnaire de l’armée, il appelle à l’assassinat d’Arafat, de Marwan Barghouti, à l’exclusion des arabes du système politique israélien, qualifiant les arabes israéliens de « cancer ». Il a cordialement invité les États-Unis à bombarder les sites nucléaires iraniens.
En 2008, sa faction politique Ahi fusionne avec le Likoud. En 2009–2010, il est mandaté en tant qu’ « émissaire spécial » de Netanyahou sur les campus états-uniens afin de promouvoir le programme de la « caravane pour la démocratie » sponsorisée par le Fonds National Juif. Eitam est donc un artisan du « néosionisme » armé le plus virulent en Israël, et du resserrement des liens entre Israël et l’élite anglo-saxonne à l’international.

Sionistes U.S. et néo-cons anglosaxons derrière Genie Oil & Gas

De gauche à droite et de haut en bas : Mary Landrieu ( ex sécurité intérieure ) , Rupert Murdoch, Larry Summers , James Woolsey ( ex CIA ) , Dick Cheney, Jacob Rothschild , Bill Richardson (ex gouv. du Nouveau-Mexique ) et Michael Steinhart ( spéculateur professionnel ) ont tous des intérêts dans Genie Oil & Gas
Le projet d’exploitation du pétrole dans le Golan pourrait être un élément de ce resserrement. Genie Israel est elle-même une filiale de Genie Oil & Gas, dont la société mère est Genie Energy Limited. Comme le rapporte le nouvelobs, on trouve parmi les noms des membres du Conseil Consultatif Stratégique de Genie Oil & Gas ceux de l’empereur de la presse anglophone, notamment propriétaire de Fox News Rupert Murdoch, et du vice-président de l’administration Bush Dick Cheney. 
Le banquier britannique Jacob Rothschild et Larry Summers, ancien secrétaire états-unien au trésor (1999–2001), ancien président de l’université de Harvard (2001–2006) et ténor des gouvernements démocrates de Bill Clinton à Obama, sont également de la partie.

Les enjeux économiques de l’occupation

Carmel Winery, la cave fondée par E. de Rothschild exploitant les domaines du Golan
Notons que le lointain aïeul de Jacob, le baron Edmond de Rothschild, avait dès les années 1891 à 1894, acheté 150 km² de terres dans le plateau du Golan. Ces terres sont aujourd’hui de fructueux domaines vinicoles.
Environ 3000 hectares sont exploités par Israël pour la culture du vin dans le Golan. Ce qui correspond à un tiers de la production israélienne. Le régime sioniste y produit également une huile d’olive très réputée. 40 % de la consommation de viande des Israéliens provient des élevages du Golan.

1967–2016 : remplacement des populations et annexion diplomatique

Les acquisitions des « pionniers » de l’époque d’Edmond de Rothschild en témoignent, les vues des organisations sionistes sur le plateau du Golan ne datent pas d’hier. Suite aux négociations de septembre 1923 cependant, le Golan est intégralement rattaché au mandat français de Syrie.

1946–1967 : De l’indépendance syrienne à la guerre des six jours

La mer de Galilée ( ou lac de Tibériade ) et le Jourdain émanant du Golan constituent les principales réserves d’eau de la région
En 1946, deux ans avant l’acte de naissance d’Israël, la Syrie déclare son indépendance et la plus grande partie du Golan devient syrien. Dans les années 1950, la Syrie occupe les fermes de Chebaa, au Nord du Golan, revendiquées par le Liban. Dès 1953, Israël détourne les cours d’eau irriguant les pays arabes afin de s’approvisionner. En réponse à cette entreprise, la Syrie détourne le cours du Jourdain dans les années 1960.
Elle s’oppose alors au plan Johnston initié par les États-Unis pour développer des infrastructures hydrauliques dans la vallée du Jourdain en faveur de l’approvisionnement d’Israël. Un grave conflit s’ensuit entre Israël, la Jordanie et la Syrie, de 1964 à 1967.

Plus de 100 000 Syriens chassés durant la guerre des six jours

Les guerres successives d’Israël contre les États arabes ont déterminé les conditions d’occupation du Golan
Durant la guerre des six jours en 1967, Israël prend possession du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et d’une grande partie du Golan, dont les fermes de Chebaa, toujours revendiquées par le Liban. Pour éviter un bain de sang, les autorités syriennes appellent les 120 000 civils et les 30 000 soldats sous leur autorité dans le Golan à « abandonner leurs habitations et leurs propriétés » .
Parmi ces civils, on compte des Turkmènes, des Circassiens (ayant souvent opté pour la nationalité syrienne) et environ 10 000 Palestiniens. Environ 7000 Druzes (minorité arabophone et musulmane) habitant le territoire décident de rester dans le Golan. La majorité d’entre eux refuse néanmoins la citoyenneté israélienne. Tsahal implante 35 avant-postes occupés par des fermiers-soldats, protégeant six nouvelles colonies.

1973 : guerre du Kippour et médiation internationale

Durant la guerre du Kippour de 1973, déclenchée par la Syrie et l’Égypte pour récupérer leurs territoires, l’armée israélienne pousse son offensive sur 30 km à l’intérieur du territoire syrien. Damas, à 40 km des positions de Tsahal, est alors à portée de tir.
Sous la pression internationale, un armistice est signé, mais pas de traité de paix. Depuis 1973, Israël et la Syrie sont donc toujours en guerre. La FNUOD (Force des Nations Unies chargée d’Observer le Dégagement), établit une zone de séparation de laquelle Tsahal est priée de s’extraire.

1981–2000 : annexion totale et illégale

Netanyahou et son gouvernement en terrain illégalement conquis sur le plateau du Golan le 17.04.16. Une première depuis la guerre des 6 jours.
Le 14 décembre 1981, Israël annexe la totalité du plateau du Golan. Cette annexion se déroule dans le cadre de l’invasion du Liban du Sud entamée en 1978 par le régime sioniste, se concluant en 1982 par l’occupation de l’intégralité du Liban. Le Liban reste occupé par Israël jusqu’en 2000.
Le conseil de sécurité de l’ONU condamne formellement la violation flagrante du droit international dans le Golan, sans se donner les moyens de s’opposer physiquement aux velléités expansionnistes du régime israélien. Dans les années 2000, Ariel Sharon déclare sa volonté d’aménagement structurel du territoire du Golan. En 2016, on y compte environ 30 000 occupants Israéliens 22 000 Druzes dont 10 % ayant opté pour la nationalité israélienne. Cette population est répartie dans 35 colonies.
L’ONU a condamné l’occupation du Golan par la résolution 417, mais du point de vue israélien, l’annexion a pris une dimension constitutionnelle en 1981, par la proclamation de la loi dite des hauteurs du Golan. Dimanche 17 avril 2016, pour la première fois depuis la guerre des six jours, le gouvernement israélien dans son intégralité s’est réuni sur le plateau du Golan pour sa réunion hebdomadaire.

2016 : un Golan « israélien pour toujours » ?

À cette occasion, Netanyahou a déclaré :

« Le temps est venu pour la communauté internationale de comprendre la réalité et surtout deux éléments de base : d’abord, quoiqu’il arrive la frontière ne va pas bouger et deuxièmement, il est grand temps, après 50 ans, que le monde reconnaisse enfin que le Golan restera sous souveraineté israélienne pour toujours. »

Le 21 avril 2016, il rencontrait Vladimir Poutine à Moscou et répétait à cette occasion :

« Avec ou sans accord, le plateau du Golan restera dans le territoire souverain [d’Israël] »

Quelques jours plus tôt, s’entretenant avec John Kerry, il déclarait que la Syrie devait « oublier le Golan».

Tentative de sabotage diplomatique

Selon une source proche du renseignement israélien (Debkafile) citée par la militante franco-syrienne anti-Assad Hala Kodmani dans Libération (17.04.16), l’offensive diplomatique de Netanyahou viserait à neutraliser un accord préalable entre Poutine et Obama, destiné à restituer le Golan à la Syrie à l’issue du conflit (quel qu’en soit le vainqueur).
Netanyahou a pleinement conscience que du point de vue du droit international, les ressources du Golan ne pourront jamais revenir à Israël. C’est pourquoi il souhaite forcer les grandes puissances à reconnaître la légitimité de cette annexion avant la fin de la guerre. Il sait que ni la Russie ni les États-Unis ni l’ONU ne pourraient imposer par la force une décision quelconque au régime sioniste, et tente donc de leur faire admettre bon gré mal gré que la concession du Golan à Israël serait un moindre mal.
De ce point de vue, les attaques répétées d’al-Nosra contre les forces internationales de la FNUOD, chargées de veiller au maintien d’une zone tampon entre les territoires colonisés par l’occupant israélien et la frontière syrienne, convergent incidemment avec les orientations du projet expansionniste du gouvernement israélien.

Une pression militaire décuplée

Tsahal–al-Nosra : l’alliance terroriste contre les casques bleus

Le mercredi 28 janvier 2015, Tsahal a tué un casque bleu espagnol de la FINUL
Durant l’année 2013 en effet, des enlèvements de soldats de la FNUOD se sont multipliés sur le territoire du Golan. De ce fait, le Canada, le Japon et l’Autriche retirent leurs troupes de la Force d’Observation, durant cette année. L’Autriche retire ses soldats à cause des dangers relevant du conflit syrien, mais également en raison de son désaccord avec la France et le Royaume-Uni concernant le financement et l’armement des factions rebelles syriennes.
La zone tampon maintenue par les casques bleus de la FNUOD (en rouge) était censée contenir l’occupation israélienne dans le Golan. Depuis le départ de la FNUOD, forcé par les agressions d’al-Nosra, Tsahal a carte blanche dans la région…
La Russie propose alors de fournir 300 soldats afin de remplacer les forces retirées. La proposition est refusée par l’ONU, au motif que les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU ne peuvent envoyer des hommes dans le cadre du mandat de la FNUOD.
Le 28 août 2014, 45 casques bleus fidjiens sont capturés, respectant l’ordre leur ayant été donné de ne pas résister aux miliciens d’al-Nosra. Des soldats philippins pris dans l’embuscade décident quant à eux de ne pas suivre cet ordre et ripostent. Ils sont alors soutenus par une brigade irlandaise. Les 45 soldats fidjiens sont libérés le 10 septembre 2014. Le Qatar, principal mécène d’al-Nosra, aurait payé la faction rubis sur l’ongle : 25 millions de dollars en échange de la libération des casques bleus.

Le départ des casques bleus, une aubaine pour l’Afek

Le 15 septembre 2014, le personnel de la FNUOD évacue ses positions dans le Golan. Trois jours plus tard, le Times of Israel publie un article sur les projets d’exploration de l’Afek. Le permis d’exploration attribué à l’Afek par les autorités israéliennes date d’avril 2013.
Le Qatar aurait payé 25 millions de dollars à al-Nosra pour la libération des casques bleus en 2014
Selon l’article du Times Of Israel, un permis de l’administration régionale aurait été réitéré dès le 11 septembre 2014, le lendemain de la libération des soldats fidjiens, prévoyant des prospections dès le 28 septembre. L’évacuation de la FNUOD aura permis à la compagnie pétrolière de s’exécuter dans les plus brefs délais et à l’abri des regards.
Il est à noter qu’avant d’être les cibles de l’enlèvement du 28 août, les soldats de la FNUOD avaient fourni des rapports détaillés aux membres du conseil de sécurité de l’ONU décrivant des rencontres quotidiennes entre Tsahal et al-Nosra, comptabilisant 59 réunions entre le 1er mars et le 31 mai 2014.  Que faut-il en déduire concernant les rapports entre Tsahal et al-Nosra ?

Les Druzes du Golan excédés par l’alliance Tsahal–al-Nosra

Comme les Druzes du Golan, les casques bleus de la FNUOD ont observé, avant leur évacuation, des réunions quotidiennes entre les milices de Tsahal et les factions d’al-Nosra
Depuis mars 2015 et la publication du Wall Street Journal notamment relayée par le média israélien  i24News, il ne fait plus aucun doute que plusieurs centaines de combattants d’al-Nosra aient été soignés en Israël. Les Druzes, massacrés par les combattants d’al-Nosra, ne peuvent tolérer cette situation qu’ils dénoncent depuis les habitations du Golan où ils sont particulièrement exposés. Le 24 juin 2015, des Druzes israéliens excédés ont tiré sur deux ambulances circulant dans le Golan, tuant un Syrien, présumé rebelle.  Israël assume d’ailleurs officiellement son soutien aux « rebelles syriens » depuis l’été 2015.
N’étant plus observée par la FNUOD après l’évacuation, Tsahal se sent pousser des ailes. Dès le 23 Septembre 2014, l’armée israélienne abat un bombardier Soukhoï Su-24 de l’armée syrienne au-dessus du Golan, déclarant qu’il aurait pénétré de 800 mètres dans l’espace aérien contrôlé par Israël.

Assassinats ciblés contre le Hezbollah

Israël cible particulièrement les chefs de la résistance dans le Golan. Jihad Moughnieh sous le portrait de son père Imad, respectivement assassinés  en janvier 2015 dans le Golan et en 2008 à Damas. Samir Kantar, assassiné en décembre 2015 dans la banlieue de Damas
Le 18 janvier 2015, des tirs de missile israéliens ont coûté la vie à 6 combattants iraniens et 6 combattants libanais près de Quneitra dans la région des fermes de Chebaa. Dans sa riposte aux représailles du Hezbollah survenues le mercredi 28 janvier, Tsahal a tué un casque bleu espagnol de la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unies au Liban). Les morts du 18 janvier comprenaient Mohammed Issa, responsable du dossier Irak-Syrie pour le Hezbollah, ainsi que Jihad Moughnieh, responsable du Hezbollah pour le Golan Syrien, fils d’Imad Moughnieh, haut commandant du Hezbollah, ayant lui-même trouvé la mort dans un attentat à la voiture piégée commis par le Mossad et la CIA à Damas en 2008.

La résistance du Golan en ligne de mire

Ces assassinats ciblés s’inscrivent clairement dans une stratégie israélienne consistant à profiter du chaos syrien pour « décapiter » le Hezbollah, son principal adversaire dans le Golan et donc le principal obstacle à l’exploitation des forages.  En témoigne l’assassinat de Samir Kantar, Libanais Druze, chef de la résistance syrienne pour la libération du Golan, Dimanche 20 décembre 2015. Selon le Hezbollah, Kantar participait à une réunion visant l’organisation d’une coalition irano-libano-syrienne pour la reconquête du Golan, inspirée de la résistance à Israël dans le Sud-Liban lorsqu’il a été assassiné. L’immeuble dans lequel se tenait la réunion a été pulvérisé   À plusieurs reprises, le Mossad avait tenté de l’assassiner en territoire syrien. Les leaders Druzes de Syrie, parfois réticents quant aux positions du Hezbollah, ont vivement dénoncé cet assassinat. Le nombre de victimes demeure inconnu. L’immeuble dans lequel se tenait la réunion a été intégralement pulvérisé.

L‘assassinat de Mustafa Badreddine, successeur et cousin d’Imad Moughnieh, s’inscrit également dans cette logique de déstabilisation du Hezbollah. Comme Samir Kantar, il a été pulvérisé par un raid aérien dans la banlieue de Damas, le 13 mai 2016.

Israël bombarde régulièrement la Syrie et le Liban

De manière paradoxale, alors que des membres du gouvernement israélien ont officialisé l’alliance avec les factions anti-Assad, notamment dans le Golan, Israël persiste à proclamer sa neutralité dans le conflit syrien. Pourtant, des incursions dans le territoire syrien en provenance d’Israël, semblables à celle ayant scellé le sort de Mustafa Badreddine, sont récurrentes.
Dans la nuit du 27 au 28 avril 2013, l’aviation israélienne largue des bombes dans la banlieue de Damas, avant de survoler le palais de Bachar al-Assad. Elle réitère dans la nuit du 3 au 4 mai, puis cible de nouveau la banlieue de Damas le 5 mai 2013. Le 18 mars (en riposte à une attaque dans le Golan) et le 7 décembre 2014, de nouveaux bombardements ont lieu en territoire syrien. Puis de nouveau le 24 avril 2015 vers Qalamoun dans les montagnes, le 29 juillet près de Quneitra dans le Golan, le 20 août à plusieurs reprises dans le Golan.
Les bombardements israéliens ont repris le 18 février 2016 au sud de Damas, puis le 25 juillet, de nouveau à Quneitra. Le 22 août 2016, Quneitra a de nouveau été bombardée par Israël. Au moins 9 bombardements en 3 ans, voilà qui fait beaucoup pour un gouvernement affichant sa neutralité… Nul doute que la découverte d’hydrocarbures aura rajouté une pression supplémentaire dans le Golan, expliquant en partie la récurrence des frappes dans cette région.

Rayer (encore) Beyrouth de la carte

Le Liban aussi est attaqué. Le 20 décembre 2015, après la mort de Samir Kantar, Tsahal a répondu à la riposte libanaise en tirant plusieurs obus dans le sud du pays. Dans l’après-midi, l’aviation israélienne a survolé Beyrouth et la côte, violant délibérément la souveraineté du Liban.
Toujours en représailles à l’assassinat de Samir Kantar, une faction du Hezbollah portant son nom a détruit un véhicule militaire israélien lundi 4 janvier 2016. Tsahal a riposté en bombardant deux villages du Sud-Liban.
Le 17 février 2016, le professeur israélo-états-unien Amitai Etzioni, ancien conseiller du président Jimmy Carter, publiait une tribune dans laquelle il suggérait de raser Beyrouth. Cette tribune n’est parue ni dans une revue satirique, ni dans un bulletin du Likoud, mais dans le journal de gauche Haaretz. Cette proposition n’avait malheureusement rien d’une plaisanterie. Ce serait pour Etzioni, la manière la plus sûre de se débarrasser du Hezbollah. Il a peut-être oublié que le Hezbollah était né précisément à cause d’une agression israélienne contre le Liban en 1982…

« La Syrie occupe le Golan » : l’inversion sémantique de Netanyahou

Du haut du Golan occupé, Netanyahou a lui-même admis la récurrence de ces frappes, lors d’un passage des troupes en revue le 11 avril 2016 :

« Nous agissons quand nous devons agir, y compris ici, de l’autre côté de la frontière, avec des dizaines de frappes destinées à empêcher le Hezbollah d’obtenir des armes pouvant changer le rapport de force »

Pour justifier ces frappes, il sort la carte de la légitime défense et de l’inversion des valeurs. Il affirme que c’est la Syrie qui occupe le Golan, et que les forces de l’armée loyaliste comme de l’opposition syrienne menacent son intégrité territoriale… Pourtant, il devient de plus en plus clair, même pour les lecteurs de médias de masse comme La Croix, Libération, L’Express, Francetv, le nouvelobs, Vice News, I24News… que certains groupes djihadistes servent de sous-traitants à Tsahal dans la protection des territoires occupés par le régime sioniste dans le Golan. Israël ne veut pas d’une médiation des casques bleus dans le Golan, mais ne dit pas non à une zone tampon gérée par les émanations d’al-Nosra, comme le suggèrent les politologues Ofer Zalzberg et Cyril Roussel relayés par l’Express.
 Selon le journaliste palestinien Abdel Badri Atwan,  cette stratégie serait avalisée par les pays arabes opposés au régime d’Assad, sponsors officiels des factions terroristes, décidés à livrer l’intégralité Golan à Israël en échange de ses bons services, dans leur perspective commune d’affaiblissement du Hezbollah, de l’Iran et du régime syrien.
La guerre des six jours a causé la mort de 14 000 à 24 000 personnes. La guerre du Kippour a causé la mort de 13 000 personnes. L’actuel conflit syrien a déjà causé la mort de 290 000 à 400 000 personnes.
Galil Agar

(1) Nota bene. Sur le concept de « régime sioniste » et sur la notion d’objectivité :
L’emploi de l’expression « régime sioniste » peut faire débat. Une telle expression ne nuit-elle pas à l’exigence d’objectivité (terme usité à tort pour parler d’impartialité) , souvent considérée comme la pierre angulaire de l’éthique en terme d’information ?  Ne rebutera-t-elle pas certains lecteurs en apportant à cet article un parfum de soupçon ? N’aurait-il pas été plus sage d’opter sobrement pour l’appellation d’origine contrôlée  « État d’Israël » ?
La notion de « régime »  renvoie ici à l’usage qu’en firent les néoconservateurs des années Bush Jr., (mauvais ?) élèves du philosophe Leo Strauss. Selon eux, il existerait de bons et de mauvais régimes. L’observateur critique ne doit pas s’abstenir de porter des jugements de valeur sur la nature de ces régimes, et les « bons » régimes doivent se donner les moyens de combattre les mauvais. C’est à partir de cet axiome qu’a été fondée la logique de propagande dont l’ « axe du mal » fut le pivot. Cette logique est lourdement sous-entendue lorsque les systèmes politiques iranien, syrien, autrefois irakien, sont qualifiés de « régimes » à longueur de journaux télévisés : régimes malfaisants dont les peuples doivent être libérés. Soit, prenons « les neo-cons » au mot. Ne nous abstenons pas de porter de porter des jugements de valeurs sur la nature des régimes politiques.
Qu’en est-il du sionisme ? Rien de plus contradictoire que les différents usages de ce terme. « Un sioniste est un individu qui désire ou soutient la création d’un État juif en terre d’Israël qui serait, dans le futur, l’État du peuple juif » écrit le romancier francophone israélien Avraham Yehoshua. Cette définition élude à nos yeux une donnée essentielle. Le sionisme ne comprend pas simplement la perspective de la création d’un État, mais aussi celle de son expansion continue par les moyens de la colonisation. L’expansion et la colonisation ne sont pas des dommages collatéraux. Ils sont au cœur du projet sioniste.  L’ expansion territoriale est vitale pour Israël afin d’assurer sa survie énergétique. C’est la thèse principale du présent article. Le sionisme y est donc compris comme perspective d’expansion par l’occupation et  la colonisation des territoires ainsi que par l’exploitation de leurs ressources. Évidemment, cette définition ne prétend pas au consensus. Elle s’assume ici dans sa subjectivité.
Cette velléité d’expansion comporte un volet idéologique et théologique. Elle vise la restauration du Grand Israël, s’étendant du Nil à l’Euphrate. Cette visée n’est un secret pour personne. Elle tire sa source d’une promesse faite par Yahvé au peuple hébreu dans l’ancien testament (Genèse XV, 18-21). Elle est mentionnée noir sur blanc dans L’État des Juifs de Theodor Herzl (1896). Elle est assumée publiquement, régulièrement et sans complexe aucun par les dirigeants actuels de l’État hébreu. Elle s’est manifestée dans les années 1980 par la publication du plan Oded Yinon, du nom de son rédacteur, fonctionnaire du ministère israélien des affaires étrangères. Ce plan envisage la balkanisation des États arabes frontaliers d’Israël en prévision de la constitution du Grand Israël. L’expression  « régime sioniste » désigne donc ici le système politique œuvrant sciemment depuis Tel Aviv à l’établissement impérial du Grand Israël en s’octroyant les moyens, l’apparence et la légitimité d’un État moderne doté des ornements coutumiers d’un système parlementaire. L’État d’Israël est ici compris comme le costume d’apparat du régime sioniste.
Le romancier Avraham Yehoshua est régulièrement présenté par les médias français comme un artisan du processus de paix. Le 22 Novembre 2012, lors d’un entretien accordé au quotidien italien La Republicca, ce pacifiste a appelé Israël à « cesser de fournir de l’électricité et de la nourriture » à Gaza, enjoignant son gouvernement d’interagir avec l’enclave palestinienne comme avec un pays en guerre.  Lorsque vous évoquez les plans d’expansion, c’est-à-dire de conquête, d’occupation et de colonisation constitutifs du projet sioniste, publiquement assumés par l’élite au pouvoir en Israël, un sioniste est un individu qui vous répond qu’Israël est un petit état démocratique cerné par de grands ennemis totalitaires, que chaque jour d’existence de cet état est un nouveau miracle et qu’Israël a le droit de se défendre.
(1817)
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