La publication prochaine (début octobre) de l’ouvrage dirigé par Éric Berr, Virginie Monvoisin et Jean-François Ponsot, L’économie postkeynésienne. Histoire, théories et politiques qui sera publié au Seuil, invite à se replonger dans l’un des ouvrage de « jeunesse » de Keynes A Tract on Monetary Reform. Cet ouvrage, en dépit de la publication d’extraits dans Essays in Persuasion[1] reste un des ouvrages les moins connus de cet immense auteur. Mais, cet ouvrage se révèle passionnant, et souvent prophétique. On y trouve une charge virulente contre les politiques d’austérité, une critique implacable des politiques de déflation, et une condamnation, bien avant l’heure, de la fixité des changes et de l’Euro.
Cet ouvrage est méconnu parce qu’il n’a pas l’achèvement théoriques des ouvrages ultérieurs, et en particulier de la Théorie Générale. Mais, il se révèle pour un lecteur attentif d’une très grande richesse théorique. En fait, on y trouve dans l’embryon les principales idées que Keynes développera dans ses travaux ultérieurs. En cela, ce livre est un livre fondamental pour qui veut comprendre la pensée keynésienne.
Un ouvrage de jeunesse ?
L’ouvrage A Tract on Monetary Reform est publié par John Maynard Keynes en 1923[2]. Dans la liste des livres écrits après la première guerre mondiale, il vient après The Economic Consequences of the Peace, qui assura au jeune économiste en 1919 une certaine notoriété de par sa dénonciation des clauses économiques du Traité de Versailles, mais aussi après la publication de la thèse de Keynes A Treatise on Probability, un ouvrage dont la parution fut acclamée par le mathématicien Bertrand Russel[3]. Cet ouvrage, assez méconnu, pose pourtant les fondements de l’approche et de la méthodologie de Keynes, par sa prise de conscience du phénomène de l’incertitude radicale. Il y explique que ce que l’on appelle des « probabilités » renvoie en fait à l’existence de conventions ou de représentations dominantes, qui ne sont pas à l’abri de contestations radicales[4]. De ce point de vue, il convient de le signaler, il existe d’indubitable parentés entre Keynes et son (futur) grand adversaire, von Hayek, qui lui aussi écrit un texte sur la connaissance ou il affirme l’incapacité pour les hommes de tout connaître, et surtout le fait que leurs actions présentes déforment le futur sans qu’ils en aient connaissance. Ce texte ne sera, quant à lui, que publié bien plus tardivement[5]. De fait Keynes comme Hayek affirment leurs doutes quant à l’économie néo-classique qui, s’inspirant de la mécanique du XIXème siècle a besoin pour construire son raisonnement de prétendre que l’univers est totalement régi par des lois probabilistes. Il faut noter ici qu’en 1944 le grand économètres Trygve Haavelmo publiera un véritable manifeste néo-classique où il défend la notion d’un univers globalement probabiliste[6], et que ce livre sera la base d’un raisonnement qui – encore aujourd’hui – infecte largement la pensée économique.Lire la suite