Comme lors de tout mouvement de contestation bénéfiant d'un minimum de forces vives qui l'anime, le mouvement contre la loi travail et son monde a très vite vu émerger, dans les représentations médiatiques les plus spectaculaires, la question de la violence. La fameuse et inévitable. Mais qui sont ces effroyables "casseurs" qui initient "des débordements en marge des manifestations" ? Pour éclairer cette réthorique fallacieuse et la dépasser, je vous propose de décaler la focale et de saisir le problème par un autre angle, de manière à interroger la stratégie de désolidarisation et d'inversion des rapports réels que tente de mener le gouvernement et ses auxiliaires. "Ca passe ou ça casse. Ou comment parler de casseurs pour tenter de casser le mouvement" : https://iaata.info/home/chroot_ml/ml-toulouse/ml-toulouse/public_html/IMG/pdf/godzilla1.pdf Sur les "sorties de zone de légalité" de la police depuis la promulgation de l'Etat d'Urgence : Mais que se passe-t-il ? La police nous protégerait-t-elle d'un véritable danger terroriste ? Ou agit-elle exactement en utilisant les moyens de la terreur ? Peut-être cette institution est-elle la garante de la "paix sociale" et le dernier rempart face aux ennemis de la République et de la Démocratie, ou peut-être est elle au contraire la barrière qui nous empêche d'expérimenter notre qualité d'animaux politiques et l'instrument violent d'un système innique à bout de souffle. (Je vous conseille la lecture de ce texte dans son intégralité) "Tout irait donc pour le mieux dans le « moins pire » des mondes réellement républicains. Si ce discours nous semble évident et finalement aisé à produire, s'il nous parait immédiatement familier, c'est qu'il constitue en fait la petite musique, le bruit de fond du récit qui accompagne notre histoire : Etat, intérêt général, sécurité, police. Rien ne nous semble plus naturel en effet, plus normal que le monde historique par lequel on a été constitué. C'est en vertu de cette habitude qu'il nous semble difficile d'envisager l'inexistence de la police. Pourtant, la question ne pose aucune difficulté : historiquement, il n'y a pas toujours eu de la police . Au sens où nous l'entendons communément, c'est même une invention relativement récente, balbutiante sous Louis XIV, et qui prend sa forme contemporaine à partir du 19 ème – ainsi c'est seulement à partir de 1829 que l'uniforme apparait pour signaler la présence d'un agent. Ce qu'on peut observer par contre c'est que là où il y a un régime de pouvoir et de propriété, les puissants éprouvent la nécessité de se protéger de la plèbe dont la colère pourrait constituer une menace. Si certains corps armés font leur apparition en Grèce antique par exemple, c'est bien plutôt pour protéger les possédants des révoltes d'esclaves, se prémunir des accès de rage de la plèbe, ce qui est le sens exact de « protéger la cité ». Mais c'est véritablement avec le monde moderne et marchand, la circulation des marchandises et des corps, et le développement des villes que se développent une série d'illégalismes (vols, délinquance, émeutes, etc.) qu'apparait alors la police moderne. D'un côté l'Etat doit gérer la vie collective en réglementant et régulant, c'est la police comme art de gouverner ; de l'autre il doit s'assurer que le désordre et les irrégularités sont empêchés et réprimés, c'est la police moderne. Ce sont donc les conditions d'apparition de la police qui nous éclairent sur sa fonction comme institution principalement répressive : ce n'est jamais simplement un ordre abstrait et général que la police protège mais toujours un certain régime de partage et donc de dépossession, de violence. Comme le disait Rousseau, « le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir ». Où l'on voit que le plus fort n'est jamais assez fort pour le rester toujours, que le droit n'est qu'un moyen de légitimer a posteriori un rapport de force et qu'il ne trouve jamais sa source dans le droit lui-même – et que l'intérêt général est une farce. Ce n'est sans doute pas un hasard si toute la pensée révolutionnaire du 19 ème , marxiste ou anarchiste, analyse la police comme le bras armé de l'Etat. Ici sans doute s'enracine une certaine détestation de la police : dans cette histoire sourde, cette tradition des vaincus, qui rapporte tous les massacres, les crimes, les ratonnades, les coups de crosses, de matraques, de fusils, de flashball. Transnonain, les fusillés de la Commune, les noyés du 17 octobre 1961, Bouna et Zied - autant de noms et d'évènements inscrits durablement dans la mémoire collective. Il importe alors de distinguer deux formes de détestation de la police. Bien sûr, c'est la fonction politique de la police qui est en premier lieu détestée : le contrôle et la répression. Mais comme institution, comme organe d'Etat, elle n'existe pas sans les agents de police, ceux par qui les opérations de maintien de l'ordre prennent chair. C'est donc tout naturellement que le « Fuck the police » qui vise l'institution glisse vers le « ACAB » qui vise bien cette fois les agents eux-mêmes." Le texte en intégralité : https://lundi.am/IMG/pdf/253844818-peut-on-detester-la-police-ter-s.pdf
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/police-violence-matraque.jpg