La question de l’identité, réduite au narcissisme le plus nu, traverse les foules quand elles ne sont plus citoyennes. Ce constat, je l’écrivais il y a plus de deux ans[1]. Une nouvelle preuve nous est donnée par les dérives de ce que l’on peut appeler la « gauche identitaire » mais aussi de certains « intellectuels ». C’est le fruit amer des dénis de souverainetés successifs que notre pays a connu ces dernières années, dénis qui ont conduit à une remise en cause des fondements de la démocratie c’est à dire la capacité de tous de participer, d’élaborer et de discuter un projet commun. L’éclatement et la fragmentation de la société, processus dont le montée des fanatismes religieux mais aussi des mouvements cherchant à revendiquer à tout prix une « différence » sont des symptômes de la perte de ce sens du bien commun. Il est significatif que ceci ait touché la « gauche », avec l’émergence de la « gauche identitaire », alors qu’elle se caractérisait jusque là par son adhésion à l’universalisme. Mais, ceci ne doit pas faire oublier non plus le développement des formes du fanatisme religieux qui se prétendent, à un titre ou à un autre, des « dépassements » de la Nation et de la Démocratie. Il faut donc identifier avec précision le phénomène si on veut pouvoir y formuler des parades et des réponses.
Qu’appelle-t-on la « gauche identitaire » ?
Le terme de « gauche identitaire » a été formulé par Alexis Carré dans une récente interview qu’il a donnée au Figaro[2]. Pour lui, cela désigne cette frange militante qui s’inspire des idées développées aux Etats-Unis dans les années 1990. On y trouve tant des militantes d’une féminisme que l’on peut trouver extrémistes que les militants dits « décoloniaux »[3]. Il s’agit d’une reformulation d’un terme que les analyses de Laurent Bouvet avaient mis sur le devant de la scène[4]. Mais, dans ce dernier contexte, le terme de « gauche identitaire » servait plus à désigner des militants de gauche acceptant de parler de la notion d’identité[5].Lire la suite