L’économie de la Russie s’est beaucoup transformée depuis les années 1990. Pas toujours en bien faut-il ajouter. Ce que l’on appelle la transition – soit la construction d’une économie de marchés – a eu un impact fort, et souvent destructeur. Ceci fut aggravé par des politiques économiques ineptes du temps de Boris Eltsine, politiques qui furent largement soutenues par les pays occidentaux, ces derniers n’hésitant pas à intervenir dans la vie politique russe, comme lors des élections présidentielles de 1996. Ces politiques ineptes – et ceci est écrit à minima – ont plongé la Russie dans une profonde dépression économique. Le changement systémique qui a été à l’oeuvre en Russie de 1992 aux années 2000 a constitué un phénomène aux répercussions essentielles[1]. Il a constitué un véritable défi pour la science économique et en particulier pour les économistes occidentaux qui ont été fortement associés à ce processus. Cette transition n’était pourtant pas la première historiquement[2], et on pouvait la rapprocher d’autres transformations[3]. Cependant, il est indubitable qu’elle a des spécificités remarquables. La taille de la zone concernée, la soudaineté du changement, la diversité des conditions de départ suivant les régions, vont dans le sens d’une spécificité.
La crise financière d’août 1998 solda les déséquilibres accumulés depuis 1995. Cette crise fut le point d’orgue de ce que l’on appelle aujourd’hui les « années 1990 », mais aussi, paradoxalement, le début de la renaissance de l’économie russe. Les vingt dernières années sont donc celles de la reconstruction et de la transformation en profondeur, de cette économie. L’économie russe est aujourd’hui solide même si tous les anciens problèmes, n’ont pas disparu et de nouveaux problèmes sont aussi apparus.
La « catastrophe » des années 1990 et les effets positifs de la crise de 1998
La première phase de la transition en Russie a constitué ce que l’on peut appeler une « expérimentation néo-libérale » d’une extraordinaire violence, qui s’est déroulée de janvier 1992 au printemps 1998. Ce que l’on appelle la « thérapie de choc » a été en réalité la mise en œuvre d’une pensée radicale et sectaire qui visait à faire de la Russie le champ d’expérimentation d’une idéologie néo-libérale[4]. Il faut ici souligner le fait que rapidement cette politique économique a été très sévèrement critiquée par de nombreux spécialistes réputés, à la fois en raison de son inadaptation aux conditions de la Russie mais aussi en raison des graves erreurs théoriques que le raisonnement des néo-libéraux contenait[5].
Les évolutions économiques depuis le début de la transition peuvent se lire à travers les statistiques. Comme on le voit sur le graphique 1, la Russie a connu, après le terrible appauvrissement des années 1990 et la chute de la production, un rebond spectaculaire qui a duré jusqu’à la crise financière mondiale de 2008-2009.Lire la suite