Revue 2019 : Un monde sans repères… Par Guillaume Berlat

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 30-12-2019
La fin des illusions
« Le monde post-guerre froide sera chaotique pendant longtemps » prédisait, il y a plusieurs années déjà, l’ex-ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, Hubert Védrine. Qui peut nier pareille évidence au terme de cette année 2019 ? Cent ans après le refus par le sénat américain de ratifier le traité de Versailles qui met fin à la Première Guerre mondiale et prévoit la création de la Société des nations (SDN), quarante après l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques et la révolution iranienne1, trente ans après la chute du mur de Berlin, vingt ans après le lancement de l’euro, nous constatons – souvent impuissants – les multiples ruptures engendrées par un nouveau monde qui peine à émerger des décombres de l’ancien. Dans un monde qui bascule, nos dirigeants n’excellent-ils pas dans l’art de l’inconstance à l’ère de la post-vérité ? Ne vivent-ils pas encore bercés par les illusions de la fin de l’Histoire et du triomphe de l’Occident ? Or, l’illusion, c’est souvent le meilleur révélateur de l’ignorance, réelle ou feinte. Ignorance face à un monde aussi complexe et instable qu’imprévisible. Incapacité des dirigeants à répondre aux multiples défis d’un monde dont la logique semble les prendre de court, les dépasser. La multiplication des « surprises stratégiques » semble être leur lot quotidien. Dans ces conditions, et si tant est que cela ne relève pas de la gageure, comment dépeindre à grands traits le monde d’aujourd’hui qui préfigure étrangement celui de demain ? C’est d’abord, un monde fragmenté, en mille morceaux, à tel point que l’on pourrait affirmer, sans grand risque d’erreur, que la terre perd la boule2. C’est ensuite, un monde désorienté qui semble n’avoir ni cap, ni boussole pour progresser sur des mers démontées. C’est enfin, un monde questionné en raison d’une période qui perd tout à la fois confiance, en elle et en son avenir, mais aussi en ses intellectuels, ses penseurs qui pensent de moins en moins temps long, stratégie, prévision et prospective.
UN MONDE FRAGMENTÉ : LA TERRE PERD LA BOULE
Un constat s’impose : la gouvernance de la mondialisation – présentée hier encore comme « heureuse » – se fragmente sous les coups de butoir de deux phénomènes parfaitement documentés aujourd’hui : la prégnance de multiples crises ainsi que l’effondrement de l’ordre international qui secouent le monde du XXIe siècle. Deux éléments qui vont de pair mais que l’on aurait trop tendance à dissocier.Lire la suite

Source