Les États-Unis sont-ils encore nos alliés ? Par Jean Daspry

Source : Proche & Moyen-Orient, Jean Daspry, 28-10-2019
LES ÉTATS-UNIS SONT-ILS ENCORE NOS ALLIÉS ? Jean Daspry. Lors du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI (13 octobre 2019), Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre et président des « Leaders pour la paix » dénonce la politique de Donald Trump au Moyen-Orient. Dans le cadre de l’offensive turque en Syrie contre les populations kurdes, il accuse les États-Unis de ne pas être « dans ce dossier, les alliés de l’Europe ». Poursuivant sur cette voie, il critique l’implication des États-Unis dans le feuilleton du Brexit. « Quand Trump va en Grande-Bretagne pour appeler les Anglais à se libérer des chaînes de l’Europe, De Gaulle aurait crié à l’ingérence ! », s’exclame-t-il. Si elles ne manquent pas de pertinence, les remarques de Jean-Pierre Raffarin manquent à l’évidence de substance tant le champ des désaccords entre les deux rives de l’Atlantique ne cesse de s’élargir au cours des dernières années, des derniers mois. Et, les raisons de ce dissensus ne tiennent pas uniquement à la personnalité imprévisible de Donald Trump. Elles sont inscrites dans l’ADN du peuple à « la destinée manifeste » qui s’estime hors droit tout en exigeant des autres nations qu’elles soient dans le droit. Un retour en arrière s’impose pour comprendre les méandres d’une évolution qui devrait nous conduire à repenser complétement les bases de la relation franco-américaine au XXIe siècle. Faute de quoi, nous nous promettons quelques lendemains difficiles. Ne dit-on pas que gouverner, c’est prévoir ! D’une France gaulliste alliée mais pas alignée, nous sommes passés à une France macronienne méprisée mais alignée.
LA FRANCE ALLIÉE MAIS PAS ALIGNÉE : LES SUCCÈS DU GAULLISME
Avec l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en 1958, la relation franco-américaine évolue dans une toute autre direction que celle empruntée par une Quatrième République encore affaiblie par les conséquences de la Seconde Guerre mondiale. C’est que le premier président de la Cinquième République a eu tout loisir, entre 1940 et 1945, d’apprécier à sa juste valeur la duplicité américaine et sa volonté d’asservir la France diplomatiquement, économiquement, financièrement, militairement, culturellement. Après avoir épongé ses dernières dettes auprès de l’Oncle Sam et s’être débarrassé du fardeau algérien, le général de Gaulle entend se défaire d’une tutelle trop pesante du grand frère américain. Tout en étant un allié fidèle d’une Amérique venue au secours de la France lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle (blocus du mur de Berlin, crise des missiles de Cuba…), le général de Gaulle entend montrer son attachement au respect de la souveraineté et l’indépendance de la France. Et, il ne manque pas une occasion d’afficher sa différence. Et les occasions ne manquent pas de faire quelques coups qui irritent à Washington. Rappelons quelques-uns de ses hauts faits d’armes : visite de trois semaines en Amérique latine en 1964, sorte de coup de pied de l’âne aux États-Unis ; reconnaissance de la République populaire de Chine en 1964 ; conférence de presse de 1965 critiquant le rôle de monnaie de change du dollar ; discours de Phnom Penh de 1966 critique de la guerre du Vietnam ; retrait de la France de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN en 1966 pour manifester son indépendance stratégique ; visite officielle en URSS de 1966 pour marquer sa volonté de disposer d’une alliance de revers et de s’impliquer dans le dialogue des Supergrands… Le message est on ne peut plus clair, si la France est un allié loyal dans le camp occidental, elle n’en est pas pour autant alignée sur toutes les positions américaines, surtout les plus baroques. La servitude volontaire n’est pas la tasse de thé du général de Gaulle. Mais, les vieux démons ne sont jamais lointains. Même dormants, ils n’en sont pas moins prêts à refaire surface à la moindre occasion. C’est ce qui va être le cas en ce début du XXIe siècle avec le « coup de génie » d’un certain Nicolas Sarkozy.
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