Source : Le Grand Soir, Philippe Arnaud, 14-04-2019
Le vendredi 12 avril, ni le journal de France 3 de 19 h 30, ni celui de France 2 de 20 h n’ont évoqué ce qui s’était passé (pourtant pas plus tard que la veille) à Londres, à savoir l’arrestation, dans les locaux de l’ambassade de l’Équateur, de Julian Assange, l’homme qui, par Wikileaks, avait révélé une myriade d’informations embarrassantes pour les États-Unis. Cette nouvelle, le lendemain, n’a pas laissé plus de traces qu’un trou dans la mer. Et c’est regrettable, car cette affaire est révélatrice des rapports de force dans le monde – révélatrice aussi des méthodes employées par les États pour éliminer les “gêneurs”, les lanceurs d’alerte, et révélatrice, in fine, des mentalités des médias, sur ce qu’ils montrent et sur ce qu’ils taisent.
1. Le premier point est l’inquiétante propension (et, surtout, l’inquiétante capacité) des États à intervenir hors de leurs frontières – y compris en temps de paix, surtout en temps de paix – pour éliminer ceux qu’ils considèrent comme des criminels, des ennemis – ou même, simplement, comme des dangers. Certes, cela au début, est apparu éminemment moral, lorsqu’il s’est agi de traquer des criminels nazis (comme Adolf Eichmann, enlevé par les services secrets israéliens en 1960), ou des mafieux, ou des trafiquants de drogue, ou des meurtriers, etc. Mais, au fil des années, les critères de définition des “ennemis” de l’État n’ont cessé de s’élargir, ainsi que les méthodes et les moyens de ces éliminations.
2. D’abord parce que le sujet à éliminer ne représente plus forcément un danger immédiat, mais parce qu’à travers cette élimination, on cherche à lui faire payer ses actions passées ou à intimider ses sympathisants ou ceux qui seraient tentés de l’imiter. Et la France, à cet égard, a été – ou n’a pas été – exemplaire (selon le point de vue où l’on se place), en enlevant le duc d’Enghien, dans le grand-duché de Bade, en 1804, et en le faisant fusiller cinq jours plus tard. Ou en faisant enlever à Munich, en 1963, le colonel Argoud, ancien de l’OAS, et en le condamnant à la perpétuité (il fut, en fait, libéré en 1968). [Ce qui confirme toutefois que cette action n’était pas considérée comme “normale” au regard des usages internationaux de l’époque, est que, dans les deux cas, elle donna lieu à de vigoureuses protestations diplomatiques.]Lire la suite
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