Source : Les Crises, Denis Alland, 20-01-2020
Selon la déclaration du Secrétaire d’Etat Mike Pompeo au sujet des colonies israéliennes en Cisjordanie, du moment qu’elles sont jugées en dehors de toute référence au droit international, elles peuvent être considérées comme « non incompatibles » avec celui-ci…
Le professeur Denis Alland est professeur en Droit Public à l’Université Paris 2 – Assas
Une déclaration politique peut en dire long sur les représentations du droit international que s’en fait son auteur. Le 18 novembre 2019, dans une déclaration de presse portant sur divers sujets d’actualité internationale (Iran, Irak, Israël, Hong Kong : https://www.state.gov/secretary-michael-r-pompeo-remarks-to-the-press/), le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo s’est livré à une analyse du processus de colonisation de la Cisjordanie par Israël qu’aucun professeur de droit international n’aurait la cruauté de donner à commenter à ses étudiants comme sujet d’examen. Il est vrai que l’on pourrait se demander s’il est bien utile de se livrer à des commentaires de textes produits par un personnage se targuant – on ne dira pas toute honte bue puisqu’il semble que la honte n’ait plus guère de place ici – de « mentir, tricher et voler » (https://www.youtube.com/watch?v=DPt-zXn05ac&feature=youtu.be). Il reste qu’en droit international les déclarations faites au cours d’une une conférence de presse par le Secrétaire d’Etat sont imputables aux Etats-Unis et justiciables d’une analyse au regard de ce droit (d’autant qu’il en est beaucoup question dans le propos de M. Pompeo). Disons en substance qu’il ne craint pas de déclarer que les colonies israéliennes en Cisjordanie « ne sont pas incompatibles en elles-mêmes avec le droit international ». La surprenante netteté de cette affirmation dissimule une réelle difficulté pour l’interprète en raison des obstacles qu’oppose l’irrationnel construit d’un propos contradictoire consistant à apprécier les implantations israéliennes au regard du droit international tout en rejetant simultanément toute référence à ce dernier !
Il n’est pas impossible de distinguer deux mouvements dans ce discours échevelé. Suivant un premier mouvement, la position étatsunienne fait référence au « droit international » (prudemment, sans autre précision) : on conviendra qu’il est difficile de faire autrement dès lors qu’il s’agit d’affirmer une « absence d’incompatibilité » entre le processus de colonisation israélienne et le droit international. C’est une formule négative, il est vrai, qui est employée. Evitant de parler de franche compatibilité, peut-être veut-on ménager les esprits dans la présentation de la position étatsunienne laquelle, tout en reflétant des décennies de pratique, est labellisée comme nouvelle ? Dans un second mouvement où l’on sent son auteur plus à l’aise – allez savoir pourquoi – la déclaration écarte au contraire toute discussion se plaçant sur le terrain juridique.Lire la suite
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