[Russeurope en exil] 1917 : Guerre et Révolution, par Jacques Sapir

Billet invité

Le choc de la guerre et la révolution d’octobre en Russie
La guerre de 1914 a indéniablement aussi joué un rôle important dans les révolutions de 1917. Mais, son influence a été multiple, allant du coup final à la dé-légitimation du régime tsariste, à la brutalisation des relations sociales. On peut ainsi soutenir, non sans quelques arguments, que sans la guerre la révolution n’aurait jamais eu lieu. Mais, on peut tout aussi soutenir que sans les contradictions politiques, économiques et sociales qui s’accumulaient depuis la fin du XIXè siècle la guerre n’aurait jamais eu les conséquences qu’elle eues en Russie. Par ailleurs, la politique étrangère russe depuis le début du XXè siècle était largement dictée par les contradictions qui minaient le régime tsariste. De ce point de vue, on doit considérer la guerre de 1914 à la fois comme un phénomène exogène et endogène de l’histoire de la Russie.

La spécificité de la Première Guerre Mondiale

Il faut cependant prendre conscience de l’événement traumatique que cette guerre représenta pour l’ensemble des participants. Economiquement, elle a confronté l’ensemble des participants à une crise économique grave, résultant des caractéristiques mêmes de la guerre moderne et de la « révolution dans les affaires militaires, qui avait eu lieu de la guerre de Sécession aux Etats-Unis aux guerres qui vont marquer le tournant du siècle (Guerre des Boers, guerre Russo-Japonaise de 1904-1905, guerres balkaniques). Cette « révolution » conduit à une consommation de munitions absolument extraordinaire, dépassant toutes les prévisions des Etats-Majors d’avant guerre. Dans tous les pays belligérants, cette situation va provoquer une « crise des munitions », qui aboutira au quasi-arrêt des combats de décembre 1914 à février 1915. A cette époque les réserves sont épuisées, et les canons ne peuvent tirer que un à deux obus par jour. L’Allemagne est particulièrement touchée par ce problème car, outre l’ampleur des consommations de munitions (essentiellement pour l’artillerie), elle doit faire aussi face au blocus maritime des britanniques et des français. Or, l’Allemagne dépend pour toute une série de productions des importations maritimes. Cela conduira à la constitution d’un comité aux approvisionnements, le KRA qui, progressivement, va imposer en Allemagne une forme d’économie planifiée[1]. Les logiques de mobilisation industrielle que l’on rencontre chez tous les belligérants auront par ailleurs des conséquences importantes dans l’après-guerre, donnant ainsi naissance au courant dit « planiste » en Belgique et en France[2].Lire la suite

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