Selon nos premiers calculs indicatifs, la pollution de l'air habituelle par les dioxines à Rouen n'est pas directement létale pour la population mais est susceptible de créer d'importants problèmes de santé au long terme, notamment reproductifs, juste par l'inhalation de POPs, sans même tenir compte de la pollution encore plus importante et additive générée par l'alimentation qui représente 95% de la contamination globale.
Illustration : vue de Rouen, qualité "normale" de l'air par beau temps, février 2019 En février dernier, une météo clémente avait révélé la pollution alarmante qui existe déjà en temps normal en Seine-Maritime et particulièrement à Rouen, et ce bien avant la catastrophe de Lubrizol. Une pollution aux polluants organiques persistants (POPs) régis par la Convention de Stockholm de 2001, confirmée ces derniers jours par les études post-catastrophe de Lubrizol. Ainsi, par beau temps et sans vent, qui ne sont bien sûr pas "la cause" de la pollution comme le suggère la voix-off de France 3, mais le révélateur de la pollution habituellement dispersée par les vents, la ville de Rouen disparaissait presque entièrement sous un nuage de pollution aux particules fines, évaluée à 8/10, "alerte rouge" sur l'échelle de pollution atmosphérique. Après la catastrophe de Lubrizol, Atmo Normandie s'est livrée à une batterie de tests, notamment concernant les dioxines et les furanes, polluants organiques persistants (POPs) extrêmement toxiques et dangereux au long terme, dont il existe plus de 200 variantes toxiques, mais dont Atmo Normandie s'est concentrée uniquement sur les 17 variétés considérées comme étant les plus dangereuses. Pour se faire Atmo Normandie a non pas prélevé des échantillons d'air, mais des échantillons d'eau de pluie sur une journée, dès le jour de la catastrophe, entre le 26 et le 27 septembre, dont voici les résultats :
Selon cette étude, Atmo Normandie a relevé 12,66 picogrammes de dioxine par mètre carré le 26 septembre dans la ville de Préaux au niveau du passage du panache de fumée, établissant expérimentalement que l'incendie de Lubrizol a bel et bien généré des quantités importantes de dioxines et de POPs, contrairement à ce que laissait entendre le 08 octobre, la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, faisant de l'intox à propos de ces données pour lesquelles il n'existe pas de réglementation et pas de seuils de toxicité clairement définis, la pollution aux dioxines étant multifactorielle et cumulative. Mais ce qui est encore plus alarmant dans ces résultats est que la valeur de référence utilisée lors de cette analyse indique que l'eau de pluie dans la région est également polluée aux dioxines en temps normal et ce bien avant la catastrophe, avec une valeur médiane de 3,40 picogrammes par mètre carré par jour et une valeur maximale allant jusqu'à 31 picogrammes par mètre carré par jour... Pourquoi ces résultats sont-ils alarmants pour la qualité sanitaire de l'air en Seine-Maritime et en France ? Pour la simple et bonne raison que les dioxines sont insolubles dans l'eau et ne devraient donc s'y trouver qu'à l'état de traces négligeables, et que donc une forte concentration en dioxines dans l'eau de pluie est indicatrice d'une pollution de l'air très importante, comme l'indique un graphique de l'Agence de Protection de l'Environnement américain (EPA) :
Une valeur médiane de 3,40 picogrammes par mètre carré et par jour d'eau de pluie, alors que les dioxines sont insolubles dans l'eau, suggère une très grande contamination de l'air aux dioxines. L'agglomération de Rouen a connu sur les six premiers mois de l'année 2019 308 millimètres de pluie, soit 308mL/(30jours*6mois) = 1,7mL d'eau par mètre carré, contaminée en moyenne avec 3,40 picogrammes de dioxines (Atmo Normandie), soit (3,40pg/1,7mL/)*1000mL = 2000 picogrammes de dioxines par litre d'eau de pluie en temps habituel en moyenne en 2019. Ces 2000pg de dioxines par litre d'eau de pluie en temps normal sont bien supérieurs aux quantités négligeables de dioxines ingérées par l'eau en Amérique du Nord, et pour une consommation de 2 litres d'eau par jour pour un adulte est même 4000pg/119pg = 33,6 fois supérieure à la quantité totale de dioxines ingérés par jour définie par l'EPA pour l'Amérique du Nord, indiquant que l'eau de pluie en Seine-Maritime est une eau hautement toxique à ne surtout pas boire, ni pour les animaux ni pour les humains.
Cette contamination très forte à la dioxine de l'eau de pluie en temps normal, implique que les animaux d'élevage qui sont abreuvés à l'eau de pluie sont fortement contaminés à la dioxine. La présence de particules fines dans l'air semble expliquer cette grande concentration de dioxines dans l'eau de pluie, une partie des dioxines se liant aux particules fines alors qu'une autre partie, moins chloré, se trouve à l'état de gaz dans l'air. Etant donné que nous respirons en moyenne 14000 litres d'air par jour, si la concentration de dioxines est aussi importante dans 1000 litres d'air que dans un litre d'eau, cela équivaut à 14L * 2000pg = 28000 picogrammes de dioxines innhalés par jour, soit 28000/119 = 235,3 fois la contamination journalière totale à la dioxine en Amérique du Nord pour l'ensemble de la contamination (119 pg/jour), dont plus de 95% vient de l'alimentation.
Ainsi, une seule journée respirée en temps normal à Rouen équivaut à 235,3jours/30jours = 7,8 mois de contamination globale à la dioxine en Amérique du Nord. La dose létale pour un être humain en dioxine est de 0,2mg par kg, c'est-à-dire 2*108pg par kg, soit pour un individu de 60kg : 12 mg de dioxines (12*109pg), tandis que la demi-vie de la dioxine chez un être humain est égale ou supérieure à sept années. Sans tenir compte de la diminution de la toxicité liée à la demi-vie des molécules, nous trouvons donc 12*109pg/28000pg par jour inhalé = 428571.4 jours soit 1190,5 ans avant de voir un effet létal sur l'être humain dû à la respiration de l'air en temps normal à Rouen. Ainsi, l'effet de la respiration de l'air contaminé à la dioxine en temps normal à Rouen n'est pas directement létal pour la population, mais les effets de la dioxine pour la santé s'expriment de manière beaucoup plus pervasive au long terme en favorisant la création de maladies comme les cancers ou en perturbant le système immunitaire, le fonctionnement du cerveau et en amenuisant les capacités reproductives des individus, et ce à très faible dose :
Suite à un rapport européen publié en 2001, le comité scientifique de l'alimentation, ancêtre de l'Efsa, avait retenu pour les dioxines une DJA de 14 picogrammes par kilogramme de poids corporel (pg/kg) et par semaine. Pour mieux tenir compte des effets sur la qualité du sperme, l'Efsa vient d'abaisser cette DJA d'un facteur 7, pour une valeur désormais fixée à 2 pg/kg. Euractiv - Les citoyens européens surcontaminés à la dioxine
L'ancien seuil journalier aux dioxines de 2 pg par kg et par jour a été abaissé d'un facteur 7 par l'Agence Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) soit 0,29 picogrammes par kg par jour, c'est-à-dire pour une personne de 60 kg à peu près 17,1 picogrammes par jour, ce qui est bien en-deçà des 119 picogrammes par jour ingéré en temps habituel en Amérique du Nord d'après l'EPA et encore plus en-deçà des 28000 picogrammes par jour respirés dans la région de Rouen en temps normal, si la concentration de dioxines pour 1000 litres d'air est égale à celle d'un litre d'eau de pluie. En considérant que cette pollution de l'air représente seulement 5% de la pollution globale par les POPs, premièrement causée par l'alimentation, l'effet létal sur 1190,5 années se voit réduit à 1190,5/(95/5) = 62,6 années en tenant compte des facteurs globaux de contamination, telle que l'alimentation, sans tenir compte de la demi-vie des dioxines qui est égale ou supérieure à 7 années, et qui rallonge sensiblement l'espérance de vie des personnes contaminées par l'air et la nourriture habituels qu'elles inhalent et ingèrent à Rouen. Ces résultats semblent conformes avec l'espérance de vie actuelle et laisse suggérer que la première cause de vieillissement prématuré, de réduction de l'espérance de vie, de morbidité, et de mortalité est la pollution aux dioxines dans l'environnement. Ces données indiquent que la pollution à la dioxine n'est pas directement létale mais qu'elle va influencer la formation de maladies et de problèmes biologiques, tels que le vieillissement, les cancers, des problèmes endocriniens et reproductifs, aux doses habituellement présentes, et que la catastrophe de Lubrizol augmente l'exposition à ces toxiques. La catastrophe de Lubrizol de Rouen montre ainsi que la qualité de l'air à Rouen est déjà en temps normal alarmante en ce qui concerne les polluants organiques persistants (POPs), en présentant des taux élevés de toxiques dont l'élimination est l'objectif de la convention de Stockholm de 2001 signée et ratifiée par la France, du fait de leur impact sanitaire sur l'environnement, les êtres humains et les animaux. La France doit tout faire en accord avec les objectifs de la Convention de Stockholm pour améliorer la qualité de l'air et réduire les taux de POPs à des quantités négligeables dans l'air, dans l'eau et dans l'alimentation afin de protéger la population de ces produits chimiques extrêmement dangereux et toxiques sur le long terme.
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