L’honneur de juges : l’affaire des prolongations automatiques de détentions provisoires

Source : Blog Mediapart – Syndicat de la Magistrature
Les périodes troublées sont souvent, paradoxalement, des moments de grande clarté : elles révèlent la fragilité des équilibres démocratiques et des hommes et femmes qui sont censés les incarner, elles mettent à nu des tensions fondamentales, elles démontrent qu’aucune garantie n’est jamais acquise, que toute situation résulte d’un rapport de force par nature instable et mouvant. Elles rappellent chacun à ses responsabilités.
Pour les observateurs de la vie judiciaire, une affaire infiniment emblématique est en train de s’acheminer vers sa conclusion : celle des prolongations automatiques de détentions provisoires. Le pouvoir de véridiction de cette affaire, son potentiel de dévoilement, sont tels qu’elle mérite assurément d’être portée à la connaissance des citoyens.
Le confinement de la France le 17 mars dernier s’est, juridiquement, fondé sur le passage du pays à un régime d’état d’urgence dit sanitaire, et sur la prise, par le pouvoir exécutif, d’une série d’ordonnances de nature à accompagner l’interruption ou la limitation du fonctionnement de secteurs entiers d’intervention étatique. S’agissant de la justice pénale, une ordonnance du 25 mars a provoqué une rupture extrêmement brutale avec tous les standards juridiques connus jusqu’alors, en prévoyant que toutes les détentions provisoires en cours étaient automatiquement prolongées de deux, trois ou six mois en fonction de la peine encourue par les personnes mises en examen.
Ainsi, alors qu’en temps ordinaire, ces prolongations de détention sont contrôlées par des juges des libertés et de la détention, décidées après la saisine d’un juge d’instruction puis un débat contradictoire où les personnes poursuivies sont présentes, où leur avocat a la parole, où le procureur de la République prend des réquisitions écrites puis orales, où la décision du juge est spécialement motivée et susceptible d’appel, le pouvoir exécutif est venu édicter que tous les mandats de dépôt, qui avaient été pris par ces juges pour une durée limitée, étaient automatiquement prolongés de plusieurs mois, sans possibilité de discussion ni de recours.Lire la suite

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