Qui es-tu Nicole Belloubet, pour t’asseoir à ce point sur les libertés publiques ? – H. Cayre, avocate pénaliste

Source : Libération, Hannelore Cayre
Pour cause de Covid-19, une ordonnance du ministère de la Justice prolonge les délais maximums de détention provisoire de trois à six mois selon la gravité des infractions, au mépris des libertés fondamentales.
Tribune. Aujourd’hui nous sommes partis à deux avocats, mari et femme, avec en poche nos attestations et nos convocations pour assister deux de nos détenus convoqués devant le juge des libertés et de la détention. Tout allait bien, il faisait beau, les familles nous avaient donné des promesses d’embauche et des attestations d’hébergement qui les faisaient espérer la liberté de leur mari, leur fils. Nous, de notre côté, chemin faisant, nous ferraillions dans la voiture pour affûter nos arguments respectifs. Nous sommes entrés dans un tribunal vide… Puis dans une salle d’audience vide… Et dressés comme nous le sommes à être au garde-à-vous selon le bon vouloir des magistrats, nous avons attendu… Et à un moment un de nos portables a sonné et un greffier nous a dit : «Euh, Maître, euh, on descend pas, y’a pas de débat, vous pouvez rentrer chez vous, z’avez vu la circulaire, toutes les détentions sont prolongées AU-TO-MA-TI-QUE-MENT.»
En matière pénale, la loi et rien que la loi (pas une circulaire d’interprétation d’une ministre, une bafouille de la directrice des grâces à l’adresse des magistrats ou une décision de ma concierge) fixe les peines encourues pour les crimes et les délits. De même, la loi et rien que la loi, fixe les délais maximums de détention provisoire. En outre, tous les quatre mois en matière correctionnelle, tous les ans en matière criminelle, un détenu a le droit de voir son juge qui décidera si, oui ou non, les conditions sont réunies pour que soit mis fin à sa détention provisoire.
Evidemment, avec le Covid, du fait du ralentissement de la chaîne pénale et des délais qui pètent, faudrait tout de même pas que les taulards s’égaillent dans la nature. Ainsi, l’ordonnance du 26 mars 2020 dans son article 16, est venue prolonger les délais maximums de détention provisoire de trois à six mois selon la gravité des infractions. Bon, nous avocats, on ne trouve pas ça cool : n’oublions pas que nous sommes champions d’Europe avec la Roumanie du taux de détention provisoire; un tiers des détenus de nos prisons quand même. Tout ça ne va pas nous aider à faire baisser ces chiffres, mais bon, on comprend, y’a l’Covid.Lire la suite

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