Pierre Péan, patriote-enquêteur et combattant ! Par Richard Labévière

Source : Marianne, Richard Labévière, 26-07-2019
Quatre-vingt-un ans, de nos jours, c’est encore jeune et Pierre Péan aurait pu nous émerveiller encore quelques années… Mais il nous a quittés ce 25 juillet. Avant l’été, nous avions fait l’un de nos points réguliers à la brasserie Wepler de la place de Clichy, question d’échanger sur les travaux en cours et la vacuité du temps, sur la presse trop pressée et une classe politique en déshérence…
“Je me définirais plutôt comme un ‘enquêteur d’initiative sur sujets sensibles’.”
Dans la minute, les hagiographes du moment se sont précipités en répétant les mêmes poncifs pour saluer le « grand journaliste d’investigation ». Double méprise : vu l’état actuel de la presse et du journalisme, Pierre ne voulait même plus qu’on le traite de « journaliste », qualificatif devenu indigne à ses yeux, tant les membres actuels de la corporation sont devenus de simples passe-plats, sinon les chiens de garde de l’idéologie du temps. Quant à l’investigation, voilà des années que Pierre récuse ce terme : « Investigation, c’est la traduction d’une expression américaine policière. Je préfère le mot ‘enquête’. Je me définirais plutôt comme un ‘enquêteur d’initiative sur sujets sensibles’. Attendre sur son bureau les PV des juges, ce n’est pas ce que j’appelle de l’enquête, mais de la simple gestion de fuites. Le journaliste devient un pion, rentrant dans les objectifs des uns et des autres, devenant l’outil de vengeances ou de stratégies judiciaires. Je revendique de prendre l’initiative, je ne suis pas un auxiliaire de justice, je n’ai pas besoin de la justice pour déterminer le sujet de mes enquêtes ». Dont acte !
Né a Sablé, dans la Sarthe, le 5 mars 1938, d’un père coiffeur et d’une mère au foyer, le jeune Pierre fait le désespoir de ses enseignants par son inaptitude à manier correctement la langue de Molière. « C’est en partie pour exorciser cette scolarité douloureuse que je suis devenu journaliste », commente-t-il, « écrire pour moi étant devenu un bonheur, même si cela reste en même temps une vraie douleur… ». A l’agence France Presse, il apprend à répondre aux cinq questions : quoi, qui, où, quand, pourquoi ? et à respecter les « deadlines » et autres contraintes du « bouclage ».Lire la suite

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