Mort lors d’une expulsion : « circulez il n’y a rien à voir » selon l’AFP. Par François Brun

Source : ACRIMED, François Brun, 15-07-2019

Jeudi 4 juillet, Libération publie une dépêche de l’AFP à propos d’un événement survenu la veille à Chambéry, titrée « Savoie : un homme meurt d’une crise cardiaque lors d’une expulsion, l’IGPN saisie ». Dans son texte, l’agence de presse relaie soigneusement les informations fournies par le parquet… presque toutes « à charge » contre la victime. Informations qui seront, dans un premier temps, relayées dans de nombreux médias. Pourtant, d’autres titres de presse avaient pris la peine de donner d’autres versions qui rendent compte, quant à elles, de la brutalité de l’intervention.

La dépêche AFP publiée au lendemain de la mort de Lakhdar Bey, suite à une intervention policière, est à bien des égards un monument de journalisme de préfecture. L’agence de presse s’y attache, d’emblée, à relayer les informations du parquet. Elle indique que « l’autopsie a conclu à un décès en lien avec une “dysfonction cardiaque” en ne relevant “aucune trace de coup ou de violence” ». La dépêche va ensuite multiplier les éléments « à charge » contre la victime. L’AFP évoque ainsi « deux vaines tentatives » d’expulsion antérieure, précise que le père de famille occupait l’appartement « sans droit ni titre » et « avait refusé toutes les propositions de logement qui lui avaient été faites depuis son arrivée à Chambéry au mois d’août 2017 ». Mais encore : « Il avait également refusé l’aide des services sociaux et la famille était suivie par le Juge des Enfants de Chambéry. Il s’était déjà montré menaçant à plusieurs reprises envers le personnel du bailleur social et des travailleurs sociaux ». Les limiers de l’AFP ont semble-t-il un dossier bien ficelé…
Toujours selon la même source – le parquet – la victime (ou le coupable ?) se serait montrée « très énervée » lors de son expulsion. La dépêche explique qu’il « se montre insultant et menaçant envers l’huissier » et « se blesse en brisant une vitre ». Puis qu’il a été « interpellé et conduit menotté dans le dos par les policiers vers leur voiture, dans une grande confusion selon des témoins, dont Simone, une voisine octogénaire qui a déclaré à l’AFP “avoir encore dans les oreilles les cris abominables” du père et d’une de ses filles. » Plus loin, il est question d’une vidéo où on voit Lakhdar Bey « sorti du bâtiment pratiquement les genoux à terre, porté par deux policiers » mais « on ne peut pas déterminer sur les images s’il est déjà inanimé ou réticent à son interpellation ».
Selon une policière, directrice départementale de la Sécurité publique de la Savoie, la victime « ne voulait pas marcher, les policiers ont dû le porter ». Bien aimable de leur part. Puis la parole est à nouveau au parquet, qui relate que « quelques instants plus tard il était pris d’un malaise dans le véhicule et décédait malgré les tentatives de réanimation des policiers et des secours ». La dépêche note enfin que Mme Bey et ses enfants ont été « immédiatement pris en charge et logés dans un foyer ». Et la directrice départementale de la police de conclure, en qualifiant cette affaire de « drame terrible pour la famille et de choc important pour les policiers ».Lire la suite

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