[RussEurope-en-exil] De la démocratie, du RIC, du rapport à l’Histoire, et de quelques autres sujets qui fâchent, par Jacques Sapir

Marc Andrieu m’a interrogé sur la démocratie, le RIC et le rapport à l’histoire. Je publie ici cette interview réalisée, à l’origine, pour la « Revue du Comptoir ».

Marc Andrieu : Qu’est-ce qui fait selon vous qu’une partie des gilets jaunes se soit montrée sensible au discours d’Etienne Chouard et ce dès les premières semaines du mouvement?
L’audience acquise par Etienne Chouard dans le mouvement s’explique aisément par deux facteurs. Le premier est que, si Chouard est une figure connue, il n’est clairement pas assimilable à un parti ou à un mouvement quelconque. En cela, sa position personnelle était congruente avec la tendance « apartidaire » forte qui existait dans le mouvement, comme on peut aussi le constater avec le succès de Michel Onfray ou de Jean-Claude Michéa. On peut d’ailleurs remarquer qu’à chaque fois qu’un « porte-parole » s’est rapproché d’un parti, son audience au sein du mouvement a fortement baissé.
Le second facteur est la réflexion qu’Etienne Chouard conduit de longue date sur la question de la démocratie. Or, le mouvement des Gilets Jaunes s’est rapidement posé, lui aussi, la question de la démocratie, et en des termes qui n’étaient pas très éloignés de ceux de Chouard. De nombreux participants ont découvert les différentes vidéos de Chouard et ont constaté que ce dernier portait les mêmes aspirations. De ce point de vue, la revendication du RIC a été centrale au succès d’Etienne Chouard dans le mouvement, même s’il ne fut pas le seul à proposer ce genre de solution, et même si ses propres propositions vont au-delà du RIC.
Ces aspirations s’enracinent, qu’il s’agisse de celles des Gilets Jaunes ou de celle d’Etienne Chouard, sur une méfiance profonde vis-à-vis de la classe politique et globalement du système politique. On en connaît l’origine : le déni de démocratie à propos du referendum de 2005 sur le projet de Traité Constitutionnel Européen. J’ai d’ailleurs moi-même écrit à plusieurs reprises qu’il y aurait un « avant » et un « après » ce référendum. Le refus du système politique français de reconnaître ce dont il s’agissait, un déni de démocratie, la connivence et la collusion des grands partis, de l’UMP de Nicolas Sarkozy au PS de François Hollande, pour faire aboutir sous une forme à peine modifiée ce que les Français avaient rejetés dans leurs votes, constitue donc bien le « péché originel » du système politique français et de la fausse alternance qu’il propose. Qui ne tient pas compte de cela ne comprend rien aux événements de ces quinze dernières années. C’est donc au sens fort que j’emploie la formule de « péché originel ». Si l’on veut que les citoyens retrouvent le sens d’un système politique – car le goût du politique ne les a nullement quitté – il faudra soit s’en laver, soit donner des garanties fortes pour assurer qu’une telle situation ne puisse se reproduire.Lire la suite

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