Politicailleries électoralistes : le RN, LFI et l'euro

Voici une vidéo de Michel Drac sur le positionnement des partis dit « populiste » sur la question de l'euro. Commençons par dire qu'il ne s'agit pas là d'une analyse profonde sur l'euro, ses origines, son fonctionnement , ses conséquences , son bilan , ses perspectives d'avenir , cela a déjà été abordé dans plusieurs vidéos sur la chaine de Michel Drac. C'est une analyse de surface qui permet de décrypter les postures et les tactiques électoralistes du RN et de LFI, ce qui n'est pas sans intérêt puisqu'une large majorité de Français croit encore au système électoraliste tel qu'il se présente dans notre régime. Concernant la stratégie de communication de la part du système médiatique institutionnel qui essayerait d'affaiblir le RN et LFI en prétendant que ces partis seraient euro-compatibles, un désaccord avec Michel Drac : -S'il est vrai que les électorats de RN et de LFI ont une forte concentration de personnes à revenus modestes et très modestes qui se recrute dans les zones qui ont été le plus touchées par l'impact de l'euro , l'adhésion de ces personnes au RN se fait principalement pour des motifs identitaires et sécuritaires alors que leur adhésion à LFI se fait principalement pour des raisons sociales et écologiques. On me signifiera qu'il existe un lien de causalité entre les questions migratoires, socio-écologiques et la monnaie européenne car l'euro n'est pas simplement une monnaie mais un principe de gouvernement mais je répondrai que ces électorats n'en ont pas forcément conscience. Une communication qui ne ferait pas mention de la sortie de l'euro n'aurait donc pas de conséquences dramatiques sur les bases électorales de ces mouvements. -De plus, les classes dirigeantes ne veulent pas détruire ou affaiblir le RN, bien au contraire : un RN fort est la garantie de la continuation de leurs politiques puisque ce parti, s'il parvient à faire de gros scores lors des premiers tours, serait dans l'incapacité de battre des pingouins aux seconds tours. Un RN systématiquement au second tour serait la garantie de la perpétuation des politiques actuelles. Il existe bien une évolution du discours de ces deux partis vis-à-vis de l'euro et elle s'explique principalement par le rapport très paradoxal qu'ont les Français avec cette monnaie qui sera décrit dans cet article avec deux études à l'appui : un sondage de l'institut Elabe paru en mai 2018 et un autre sondage Ipsos-Sopra Steria pour « Le Monde » paru en décembre 2018. Mis à part cette objection, je rejoindrai globalement l'avis de Drac à quelques exceptions près. Les Français jugent sévèrement l'euro … Plus des trois quarts des personnes jugent que l'euro a eu un impact négatif sur le pouvoir d'achat. La tendance est encore plus massive quand on évoque la hausse des prix (82 %). La quasi-totalité (98 %) des sympathisants du RN trouvent que leur propre pouvoir d'achat s'est dégradé depuis la mise en place de l'euro. C'est bien plus que les sympathisants de La France insoumise (LFI, 76 %) ou des Républicains (LR, 71 %), alors que seuls 45 % des proches de La République en Marche (LRM) sont de cet avis. Il est donc peu surprenant que seule une minorité de Français (37 %) estime que l'euro a joué un rôle protecteur dans la crise financière de 2008. Il existe donc, selon ces sondages, un large consensus sur les effets nuisibles de l'euro au sein de la population française. Compte tenu d'un tel jugement négatif, on pourrait s'imaginer qu'une majorité de citoyens basculerait dans l'euroscepticisme, voire militerait pour un retour au franc. … mais ils ne veulent pas en sortir Eh bien non. Ils ne sont que 33 % à se déclarer favorables à la sortie de la France de la zone euro (un pourcentage néanmoins en croissance, puisqu'ils étaient 28 % à le souhaiter en 2014). Près de 75 % des sympathisants RN est pour une sortie, contre seulement 40 % de ceux qui soutiennent LFI. Le soutien à l'euro est fort du côté des sympathisants PS, LR ou LRM, tous au-delà de 80 %. Le clivage est aussi social : 75% des membres des classes jouissant des plus hauts revenus sont contre la sortie de l'euro, quand 46% des personnes relevant des classes populaires se prononcent pour un Frexit. Et pratiquement la moitié des non-diplômés (46 %) et des ouvriers (49 %) plaideraient pour cette option. 59 % des personnes sondées s'inquiètent de la montée des europhobes sur le continent.
Infographie Le Monde
Les Français jugent donc sévèrement le bilan de l'euro, mais ne veulent pas en sortir. Chez les personnes âgées, ce paradoxe atteint des sommets car si l'insatisfaction grandit avec l'âge atteignant les 78% chez les plus de 65 ans, le soutien à l'euro est massif chez les retraités (75 %).

Peur et dissonance cognitive Comment expliquer ces résultats ? D'abord, quand bien même les Français jugent que le bilan de l'euro est négatif, un changement d'étalon monnétaire serait pour eux encore plus complexe à gérer et probablement encore plus néfaste. Il faut rappeler que la France est sixième au classement des pays où l'on épargne le plus au monde , l'essentiel est constitué de dépôts et d'assurances-vie, une structure compatible avec les principaux motifs d'épargne des Français que sont la précaution et la vieillesse. La sortie de l'euro, le retour au franc, les dévaluations et l'inflation sont perçus comme des dangers mortels qui auront pour conséquence une dévalorisation de cette épargne. Qu'importent les analyses d'économistes tempérant cette crainte, ce ressenti existe : la sortie de l'euro fait peur. Ensuite, les difficultés induites par l'euro se heurtent à une communion autour du concept d'Union européenne. En effet, 70% des interrogés se déclarent favorables au principe d'une union entre plusieurs pays européens dans le but de mettre en place des politiques communes. 30% lui sont opposés. C'est parmi les plus aisés que l'Union européenne fait le plus d'heureux avec 85% d'opinions favorables. Le pourcentage décroît légèrement au sein des classes moyennes avec 71%. Le score tombe à 59% parmi les classes populaires. Plus de trois quarts des Français considèrent que l'euro a un impact très positif de sur les possibilités de se déplacer en Europe et sur la cohésion des pays de la zone euro. Une opinion qui recoupe celle, plus large, sur les bienfaits de l'UE. Cependant, malgré cet élan proeuropéen, les Français ne semblent pas désireux d'aller beaucoup plus loin : pas d'Europe fédérale dans leur esprit, mais une Europe des Etats. Seulement 25 % des personnes sondées souhaitent donner plus de pouvoir aux institutions de l'UE. Infographie Le Monde
Conclusion Au regard de ce tableau, il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que déclarer vouloir sortir de l'UE et de l'euro est un suicide électoral. C'est la raison pour laquelle la grande majorité des partis politiques s'inscrivent en faux contre la perspective d'un Frexit. C'est ainsi que la stratégie de communication de ces partis se résume par la phrase « Une autre Europe ». Il est toujours question de la démocratiser, de la socialiser, de la rendre souveraine, comme pour faire écho au jugement négatif qu'ont les Français vis-à-vis des politiques européennes mais il n'est jamais question d'en sortir explicitement pour ne pas les effrayer. Peu importe que ces promesses de modifications de l'UE soient irréalisables, d'une part les promesses ne valent que pour ceux qui les écoutent et d'autre part, les programmes dans notre régime ne valent rien puisque le candidat élu n'a aucune obligation de respecter le sien une fois élu. On comprend ainsi le rétropédalage du RN à ce sujet : son électorat le plus populaire est majoritairement pour une sortie de l'UE et de l'euro cependant il vote principalement pour des questions identitaires et sécuritaires, l'abandon de la sortie de l'euro n'aura donc aucune conséquence tant qu'il continuera de communiquer sur les symboles culturels. De l'autre côté, sans la sortie de l'euro dans son programme, le RN pourrait enfin séduire la bourgeoisie conservatrice qui n'a qu'un verni identitaire et qui vote avant tout pour préserver son épargne : même les bastions de « La manif pour tous » ont voté pour Emmanuel Macron qui est pourtant pour les réformes sociétales à laquelle elle s'oppose. On comprend aussi le rétropédalage de LFI dont l'électorat est clivé sur la sortie de l'euro. En termes de communication, le Frexit est un boulet. Il n'est donc pas étonnant que le RN et LFI veuille s'en débarrasser. Certains cyber-militants doivent s'agiter sur les starting block : qu'en est-il de l'UPR ? Il a été reproché à Michel Drac dans l'espace commentaire sous la vidéo le fait de ne pas avoir évoqué le cas de l'UPR et sa réponse est on ne peut plus claire :

Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/drac-euro-rn-fi.jpg

Source