[RussEurope-en-Exil] Crise de la représentativité, crise de la démocratie par Jacques Sapir

La crise de la représentativité politique est aujourd’hui flagrante. Elle conduit à faire émerger tant le Référendum d’Initiative Citoyenne que l’exigence d’une forte dose de proportionnelle dans le système électoral français comme des revendications majeures du mouvement des Gilets Jaunes, revendications qui semblent largement soutenue aujourd’hui par l’opinion publique. Ces deux mesures, l’introduction du RIC et de la proportionnelle, peuvent contribuer à améliorer notre démocratie. Il convient de signaler que, dans son principe, le RIC n’est nullement une « révolution » mais une extension de la procédure référendaire[1], qui existe et a été développée dans la constitution de la Vème république[2], et qui existait sous la IVème et sous la IIIème République. Les débats ont été nombreux à son sujet[3]. Il est donc important qu’elles soient introduites le plus vite possible. Mais, il faut faire attention à ne pas les transformer en panacée. La démocratie ne se réduit pas à un système électoral, et aucun système n’est par ailleurs sans défaut. De plus, ces deux mesures ne se situent pas au même niveau. Le RIC touche ainsi véritablement aux problèmes de fond de l’organisation du système politique quant le problème de la proportionnelle n’implique qu’une mutation possible (et peut être souhaitable) des formes. Il faut donc réfléchir aux dynamiques qui sont le propre de la « démocratie parlementaire ».
Manifestants “Gilets Jaunes” avec une pancarte réclamant le Référendum d’Initiative Citoyenne (Photo by Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

Crise de la représentativité, crise de la démocratie ?

La crise de représentativité en France, mais aussi dans de nombreux pays européens, est une évidence. Elle se traduit par une participation de plus en plus faible lors des élections. Mais, n’utiliser que cet indicateur de la participation est aussi réducteur. La crise de représentativité se traduit par un sentiment d’aliénation des citoyens d’avec le système politique. Au lieu et en place du « bien commun » et de la « chose publique » (la Res Publica) monte une distinction entre « eux » et « nous ». Le premier terme, « eux », tend à désigner les représentants du « système », autrement dit un ensemble incluant le personnel politique, mais aussi les hauts fonctionnaires et les journalistes, qui se constituent, dans une vision grandissante au sein de la population, comme en surplomb, puis en extériorité avec cette dernière, qui se reconnaît dans le « nous ».
Cette représentation a plus qu’un fond de vérité. Les conditions d’existence, et ces dernières ne se limitent pas à des questions de revenus – souvent indécents il convient de le dire – mais incluent aussi l’environnement de vie, les lieux fréquentés, de ceux que l’on désigne comme « eux » divergent massivement de celles de la majorité de la population. Quant cette distinction prend la forme de l’évidence (comme ce fut le cas dans les régimes de type soviétique), l’autorité n’est plus légitime et le système s’effondre, que ce soit pacifiquement ou dans des convulsions violentes. Il faut le savoir, aucune démocratie, ce fameux pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple pour reprendre la phrase d’Abraham Lincoln[4], ne peut survivre à une telle division de la société.Lire la suite

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