Le meurtre de Khashoggi – À l’intersection complexe de trois points d’inflexion. par Alastair Crooke

Source : Strategic Culture, Alastair Crooke, 23-10-2018

Les réalistes soulignent que le démembrement vivant et l’assassinat de Khashoggi n’est encore que la mort d’un journaliste ; que de tels événements ne sont pas exceptionnels – et que les États changent rarement de politique au motif d’une mort, aussi atroce soit-elle. Tout cela est vrai. Mais il est également vrai qu’un événement isolé se produire « au bon moment » ; il peut frapper juste au point d’inflexion où il est prêt à basculer ; lorsqu’un seul flocon de neige supplémentaire, indistinct, peut déclencher une énorme coulée dont la masse est entièrement disproportionnée par rapport au grain unique qui la déclenche. Le meurtre de Khashoggi était-il un tel déclencheur ? Oui, c’est tout à fait possible parce qu’il y a plusieurs accumulations instables d’implications politiques dans la région, où même un petit événement pourrait déclencher un glissement important. Ces dynamiques constituent un lien complexe de dynamiques changeantes.
Le corps de Khashoggi littéralement démembré est aussi en quelque sorte une allégorie de la dynamique régionale plus large qui s’effrite. Khashoggi – un des premiers membres des Frères musulmans, et considéré comme leur icône – a été, nous dit-on, littéralement, horriblement démembré. Symboliquement, sa fin sera considérée – du moins dans la région – comme le corps encore vivant des MB (Frères musulmans), étendu sur le bureau, coupé en morceaux par des apparatchiks saoudiens – rappelant presque fidèlement la campagne du Golfe pour écraser et « éradiquer » la fraternité de cette zone.
Le symbolisme est d’autant plus poignant que Khashoggi symbolisait aussi, d’une manière personnelle, ce tentacule ambigu qui se déploie entre l’Al-Qaïda de Ben Laden et les Frères musulmans – bien que Khashoggi ait par la suite voulu nuancer son estime pour Ben Laden. (Khashoggi a rejoint les Frères musulmans à peu près en même temps que ben Laden ; il a beaucoup voyagé avec le chef d’Al-Qaïda en Afghanistan et a rédigé l’un premiers portraits pour un magazine saoudien en 1988 (voir The Osama bin Laden I Know de Peter Bergen).Lire la suite

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