[Soutien] Serguei Oudaltsov hospitalisé, en grève de la faim sans eau… Par Djordje Kuzmanovic

Nous apportons évidemment tout notre soutien à Serguei Oudaltsov pour son insupportable détention – espérons qu’il recouvrera rapidement la santé.

Par Djordje Kuzmanovic, 21/08/2018
Serguei Oudaltsov est, depuis six jours, en prison et en grève de la faim sans eau. Transporté à l’hôpital hier soir dans un état de déshydratation critique, il y est alimenté en perfusion contre sa volonté. Arrêté lors des récentes manifestations contre la réforme des retraites, il a été condamné – au terme d’un procès expéditif – à 30 jours de prison pour avoir, lors d’un meeting, brûlé des effigies de plusieurs responsables politiques favorables à cette réforme que l’opposition de gauche considère inique. Menée dans une logique néolibérale classique de privatisation partielle, elle vise surtout à élever l’âge du départ à la retraite de 60 à 65 ans pour les hommes, de 55 à 63 ans pour les femmes, alors même que l’espérance de vie en Russie, relativement élevée chez les femmes – 76,3 ans –, est particulièrement faible chez les hommes – 64,7 ans, soit moins que le seuil projeté de départ à la retraite.
Oudaltsov, 41 ans, issu d’une famille d’intelligentsia soviétique et petit-fils d’un bolchévique célèbre, Ivan Oudaltsov, dont une rue de Moscou porte le nom, est un militant de la première heure. En 1998, alors étudiant, il fonde le mouvement Avant-garde de la jeunesse rouge et ne cesse depuis de s’opposer à Vladimir Poutine, secondé par son épouse Anastasia, notamment au sein du Front de Gauche dont il est le coordinateur principal. Il a ainsi été de toutes les grandes vagues de mobilisation : en 2006, contre la monétisation des bénéfices sociaux ; en 2012, pour des élections honnêtes ; aujourd’hui, contre la réforme des retraites. Arrêté en 2012, alors que Vladimir Poutine s’est pour la première fois senti menacé à l’issue de manifestations numériquement importantes, il a alors été condamné à 7 ans de prison, dont il a purgé 4 ans et demi avant d’être libéré.
En a-t-on pour autant entendu parler en Occident ? Non. Les médias de masse et même les journaux dits « de gauche » lui préfèrent – souvent par paresse, parfois par choix idéologique – des individus comme les milliardaires Khodorkovsky et Prokhorov ou le xénophobe Navalny, présentés chacun en leur temps comme « le principal opposant à Poutine ». La raison est simple : l’opposition d’Oudaltsov à Poutine est avant tout une opposition au caractère ultralibéral du pouvoir russe. Se concentrant sur la politique intérieure de Vladimir Poutine, il critique les inégalités sociales, la non-redistribution des richesses, une médecine à deux vitesses, la privatisation rampante de l’enseignement – bref, les mêmes travers que la France Insoumise combat en France, rendus plus violents par la jeunesse de l’économie de marché russe et le caractère autoritaire du pouvoir. En revanche, il approuve, dans les grands traits, la politique extérieure russe, de l’annexion de la Crimée à l’intervention armée en Syrie, en passant par le soutien apporté aux républiques indépendantistes de l’Est de l’Ukraine. Ce n’est donc pas un opposant commode pour le « monde libre » qui n’en a que faire de la situation sociale en Russie, voire qui n’y aurait rien à redire. Résultat : Oudalstov est ignoré par l’Occident quand il se démène dans les luttes, oublié lorsqu’il est en prison.Lire la suite

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