Une société sans vision. Par Chris Hedges

Source : Truthdig, Chris Hedges, 31-12-2017
Mr. Fish / Truthdig
Imaginez que vous êtes au début de 2019. Les Démocrates, bien qu’ils n’aient jamais élaboré d’autre programme politique que ne pas être Donald Trump et refuser de revenir sur les lois des Républicains comme la loi fiscale de 2017, ont repris la Chambre des représentants par une faible majorité. Ils votent des chefs d’accusation devant mener à une destitution. Les Républicains du Sénat, fortement incités par de nombreux membres de leur parti même, à abandonner Trump, à cause de son inaptitude, de sa conduite de plus en plus imprévisible et de sa corruption, demandent au Président de démissionner. Trump refuse. Il utilise le mégaphone que constitue sa fonction pour pousser à la violence sa petite base de fanatiques. On ordonne à l’armée, qui y est autorisée par l’article 1021 de la loi de National Defense Authorization, de se déployer comme une force de police dans les rues du pays pour mettre fin à l’agitation. Les États-Unis, une fois la violence étouffée, sont devenus de facto une dictature militaire.
Que des personnalités en vue comme Ralph Nader considèrent ce scénario comme plausible montre bien à quel point de déliquescence en sont arrivées les institutions démocratiques. Les deux grands partis politiques sont dépourvus d’une conception cohérente de leur rôle. Ils sont soumis au pouvoir du monde des affaires. Ils ont abandonné l’idée de l’intérêt général. Ils ont fait de la politique une farce. Ils ont dépouillé les citoyens de leur pouvoir. La presse, notamment la presse en ligne, a transformé l’actualité en une émission de télé-réalité grotesque qui regorge de futilités, de commérages et de conjectures. Les élites des deux partis profitent, avec les nantis et le monde des affaires, de leur cleptocratie sans fard. Tout est à vendre, depuis les terres domaniales jusqu’à l’instruction publique. Et la force du pouvoir destructeur des sociétés appauvrit le peuple tout en détruisant délibérément la façade d’un État démocratique bien creux.
« Il n’y a pas de démocratie », me déclare Nader au téléphone depuis le Connecticut. « Tout ce qui reste de la démocratie dans ce pays, c’est qu’on ne vous jette pas en prison quand vous dites ce que vous pensez. Ce qui reste de la démocratie, ce sont les droits de la défense, l’habeas corpus, la liberté de parole et la cause raisonnable. Et tout ça est bafoué quand il y a une attaque terroriste et qu’on fait des rafles chez les musulmans américains, par exemple. »Lire la suite

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