Pas besoin d’un télescope pour trouver un « pays de merde ». Par Chris Hedges

Source : Truthdig, Chris Hedges, 14-01-2018
Une affiche représentant le révolutionnaire des années 1930 et du Front de libération nationale qui porte son nom (FMLN), l’un des principaux participants à la guerre du Salvador dans les années 1980 et 1990. (@martixos)
J’ai couvert la guerre au Salvador pendant cinq ans. C’était un soulèvement paysan de la part des dépossédés contre les 14 familles dominantes et la poignée de corporations américaines qui dirigeaient le Salvador comme si c’était une plantation. La moitié de la population était sans terre. Les ouvriers travaillaient comme des serfs dans les plantations de café, les champs de canne à sucre et les champs de coton dans une pauvreté effroyable. Les tentatives pour s’organiser et manifester pacifiquement afin de combattre l’énorme inégalité sociale se sont heurtées à la violence, y compris les tirs de mitrailleuses montées sur le toit des bâtiments du centre-ville de San Salvador, qui ont fait pleuvoir des balles sans discrimination sur une foule de manifestants. Des paysans, des travailleurs, des responsables religieux et universitaires ont été enlevés par les escadrons de la mort, sauvagement torturés et assassinés, leurs corps mutilés ont souvent été laissés sur les bords des routes pour être vus par le public. Quand je suis arrivé, les escadrons de la mort massacraient entre 700 et 1000 personnes par mois.
Une armée d’insurgés se leva, le Farabundo Martí National Liberation Front (connu sous l’abréviation espagnole FMLN), du nom du dirigeant d’un soulèvement paysan de 1932, qui a fut brisé par le massacre de milliers, peut-être des dizaines de milliers, dont beaucoup ont été tués lors d’exécutions sommaires. Le FMLN a repris une grande partie du pays des mains des militaires corrompus et démoralisés. A l’automne 1983, les rebelles, armés par le gouvernement sandiniste du Nicaragua, étaient sur le point de prendre la deuxième ville du pays. Au début, je ne voyageais pas avec l’armée. C’était trop dangereux. Il était beaucoup plus sûr d’aller au combat avec le FMLN. Sans une intervention extérieure, les rebelles auraient pris le contrôle du Salvador en quelques mois et évincé les oligarques.
Mais, loin au nord, il y avait un pays de merde dirigé par un ancien acteur de série B qui avait joué dans « Bedtime for Bonzo » et qui était aux premiers stades de la démence. Ce pays de merde, qui voyait le monde en noir et blanc, communiste et capitaliste, était déterminé à contrecarrer les aspirations des pauvres et des sans-terre. Il ne permettrait pas d’entraver les profits de ses entreprises, comme United Fruit, ou le pouvoir de la classe des oligarques dociles qui avait misé sur le Salvador. Il méprisait les aspirations des pauvres, en particulier les pauvres d’Amérique latine ou d’Afrique, les misérables de la terre, comme l’écrivain Frantz Fanon les appelait, des gens qui, aux yeux de ceux qui gouvernaient ce pays de merde, devaient travailler dans la misère toute leur vie pour les oligarques et les grandes compagnies américaines alliées avec eux. Laissez les pauvres, bruns et noirs avoir faim, regarder leurs enfants mourir de maladie ou être assassinés. Pouvoir et richesse, comme le croyaient ceux qui dirigeaient ce pays de merde, leur appartenaient de droit divin. Ils étaient dotés d’attributs spéciaux, en tant que seigneurs du royaume de merde. Que Dieu bénisse les pays de merde.Lire la suite

Source