Entretien avec le chanteur Monsieur Lézard à propos de son nouvel album

Alors que l’artiste reggae Monsieur Lézard, qui a commencé sa carrière musicale en 1989, vient de sortir son sixième album (« Comme un chien dans un jeu de quilles »), nous avons souhaité lui poser quelques questions. Je connais personnellement Monsieur Lézard depuis une dizaine d’années, car à cette époque, j’avais produit le morceau « Un Seul Dieu », qu’il chante en duo avec Little Francky.
Dans ce nouvel opus, Monsieur Lézard aborde entre autres des thèmes comme la corruption des médias (« BFMTV »), les travailleurs pauvres (« L’Aumone »), ou encore la nécessité du réveil de conscience et de l’engagement citoyen (« Une Gueulante de plus »). À noter la magnifique et surprenante reprise de la chanson « Le Blues de toi » de Gilbert Montagnier rebaptisée pour l’occasion « Un Goût d’alcool ».

Le Cercle des Volontaires : En France en général, et dans la musique en particulier, on aime bien mettre les gens dans des cases, leur donner des étiquettes… Comment te définirais-tu en tant que chanteur ?
Monsieur Lézard : Les Français aiment effectivement mettre des étiquettes, pour pouvoir se raccrocher à quelque chose qu’ils connaissent !
Je ne me définis pas réellement comme un chanteur, le terme qui me convient le mieux est « singjay » en jamaïcain, c’est à dire moitié chanteur, moitié tchatcheur ! Mon créneau est de relater des tranches de vie de gens qui m’entourent, d’aborder le quotidien, tant du coté social que politique, sans pour autant prôner un bord ou un autre ! Il n’y a que peu de fiction dans mon travail.
 
Le CdV : « Comme un chien dans un jeu de quille » est ton 6ème album. Quel a été ton principal objectif en l’enregistrant ?
ML : Je n’ai pas d’objectif particulier quand je fais un album, si ce n’est que chacun de mes albums corresponde à une période de ma vie. Le précédent était une incursion acoustique, avec des textes plus familiaux, qui coïncident avec mon installation dans ma maison avec ma femme et mon fils ! Une parenthèse aérée dans un répertoire général très orienté Reggae !
J’avais envie, avec « Comme un chien dans un jeu de quilles », de faire un album sur le modèle de « Saltimbanque », varié avec plein de styles et de productions différentes, ainsi que plein de sujets. J’essaie cependant, depuis toujours, de ne pas aborder les sujets récurrents que tous mes collègues reprennent, histoire de continuer à croire que je suis différent !!
 
Le CdV : Quels sont les morceaux issus de cet album dont tu es le plus fier, et bien sûr pourquoi ?
ML : Je ne parlerai pas de fierté, ce n’est pas le mot ! J’essaie de bien faire mon travail, de bien écrire, de bien interpréter et de rendre une copie propre en live !
Je n’ai pas de morceau préféré, dans la mesure ou je ne fais pas d’album comme certains font sous couvert d’une « major company » ! Quand je décide de mettre 18 textes, ce n’est pas pour faire du remplissage ! Un album ne doit comporter que des bons morceaux ! La décision du public de dire qu’il préfère tel ou tel titre ne doit être qu’une affaire de gout, et surtout pas toucher au qualitatif ! En major, chez les artistes « mainstream », il est fréquent de trouver 2 bons morceaux au milieu de 10 chansons qui donnent l’impression d’avoir servi à compléter le disque… Je ne travaille pas dans ce sens !
 
Le CdV : Que penses-tu de l’évolution du « métier » d’artiste en France, et en particulier de celui de chanteur de reggae ?
ML : Pour la majorité des gens, être artiste n’est pas un métier, si tu ne passes pas à la télé !
Concernant les chanteurs de Reggae, tant que les sound-system existent, et ils existeront toujours, les chanteurs de Reggae auront un job ! La difficulté d’un chanteur de Reggae est de se produire, puisque nous ne faisons pas de business comme le font les rappeurs, par exemple. Un rappeur, c’est un « live » dans l’année et une boutique de fringues pour faire vivre le truc ! Nous, c’est un maximum de « lives » dans l’année et on vend nos frusques à ce moment-là !!
 
Le CdV : Quel est ton rapport à la société, à l’actualité, à la géopolitique ? J’avoue que ma question est bien trop vaste… Je vais donc la préciser : la France est un pays entré en guerre depuis une quinzaine d’année, sauf qu’on dirait que la plupart des Français n’en ont pas conscience. Que penses-tu de cette situation ?
ML : Je dois t’avouer que l’age, l’éloignement de la rue et ma vie de père de famille à la campagne ont changé mon comportement, et un peu ma vision ! À 20 ans, j’étais dans la rue, avec ma meute de loups, en mode « action directe » (jeu de mots que ne doivent pas comprendre les moins de 20 ans !!).
Aujourd’hui, je suis posé, je vois une France divisée, manipulée qu’on endort à coup de consommation compulsive… Le « business » semble être devenu le maitre-mot de la planète. Nos hommes d’état font du « business », ils protègent leur « business », la guerre étant un des moyens de le protéger…
Je crois au commerce de proximité, à la consommation utile et nécessaire… Un truc de vieux con réactionnaire utopiste quoi !!!
 
Le CdV : À ton avis, quel est ou quels sont les plus gros défis qui attendent « la génération qui vient » ?
ML : Le plus gros défi est de ne pas ruiner la planète comme on le fait depuis le 20ème siècle ! Nous ne sommes pas censés faire nos besoins à l’endroit où on dort, et pourtant, c’est bel et bien ce qui se passe depuis le début de l’ère industrielle…
Les prochains combats majeurs seront ceux de l’eau potable, du recyclage et de l’énergie propre…
 
Le CdV : Un p’tit mot de la fin pour notre média : pourquoi penses-tu que nous ayons une réputation « sulfureuse » auprès de certaines personnes ?
ML : J’en sais trop rien, je ne me suis pas intéressé plus que ça à votre réputation ! Te concernant, toi, JahRaph, j’ai vu passer des trucs sur internet qui te font passer pour un gars d’extrême droite, ce qui est impensable pour quelqu’un qui a monté le projet Black Marianne… Il semblerait que ceux qui ne lisent pas entre les lignes utilisent des raccourcis sans vérifier leurs sources, et confondent « recherche de la vérité » et « désinformation », ce qui ne m’étonne qu’à moitié vu le niveau d’inculture qui ne va pas tarder à atteindre son summum (tiens ! C’est une question que tu aurais pu me poser !!).
Mais je comprends aussi qu’à remuer des sujets sensibles, on veuille te mettre des bâtons dans les roues… « Diviser pour mieux régner », formule à laquelle tu réponds très justement par « Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise » !!
Propos recueillis par Raphaël Berland
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