Révélations : Christophe Castaner a menti par 2 fois pour protéger Muriel Pénicaud

Le journal l’Humanité a révélé ce jeudi le énième scandale d’une présidence Macron qui semble chaque jour s’éloigner un peu plus du peuple. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, très discrète depuis sa nomination, a en effet bénéficié d’une rémunération insensée de plus d’un million d’euros alors qu’elle travaillait chez Danone (1).
Alors que les yeux étaient tournés vers les incendies de forêt dans le Var et l’annonce surprise de la nationalisation de STX (les Chantiers navals de l’Atlantique, à Saint-Nazaire), il a fallu, comme bien souvent depuis quelques années, que la colère monte sur les réseaux sociaux pour faire réagir médias et gouvernement.
C’est ainsi que Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, est monté au créneau ce vendredi 28 juillet, à l’occasion d’une conférence de presse qui avait pour but de calmer le jeu. Mais comme nous allons le voir, il se pourrait bien qu’il ait plutôt soufflé sur les braises.

Rappel des faits

Tout commence jeudi 27 juillet dernier avec un article de l’Humanité intitulé : « La journée à 1 million d’euros de Muriel Pénicaud » dans lequel le quotidien révèle que la ministre du Travail a bénéficié en 2013 de stock-options dont la revente lui a rapporté la modique somme de 1,13 millions d’euros. Muriel Pénicaud, y est par ailleurs soupçonnée d’avoir fait cette bascule financière suite à une envolée du cours de l’action consécutive à l’annonce du licenciement de 900 salariés alors même qu’elle était directrice générale des ressources humaines du Groupe Danone.
Mais les stock-options, c’est quoi exactement ?
Une stock-option est une option d’achat futur donnée à un salarié par la direction de l’entreprise. Lorsque le salarié décide de prendre cette option (c’est à dire d’acheter ces actions), il ne les paie pas à leur cours du jour mais au cours qu’elles avaient lorsque les stock-options lui ont été données. L’entreprise n’offre pas réellement ces actions au salarié, mais elle lui permet de les acheter dans le futur à un cours plus bas et ainsi de réaliser une plus-value garantie s’il décide de les revendre aussitôt.
Les stock-options font partie intégrante de la rémunération du dirigeant (2). Nous y reviendrons !

Castaner vole… au secours de Pénicaud

C’est assez naturellement donc que Christophe Castaner, en sa qualité de porte-parole du gouvernement, a volé au secours de Muriel Pénicaud pour tenter d’éteindre le feu :

Voici la transcription de ses propos tenus ce vendredi :

« Ce ne sont pas des révélations, euh… parce que… euh, on applique la transparence. La transparence fait que madame la Ministre a publié sa déclaration de patrimoine, elle a publié sa déclaration d’intérêts et que vous verrez que toutes les évolutions de son patrimoine seront non seulement dans la transparence mais en plus rendues publiques, euh… parce que c’est le bon usage des institutions. »

Mise à part une certaine confusion dans les propos (3), rien au premier abord n’était susceptible d’éveiller notre attention.

Déclarations de patrimoine et d’intérêts

Mais penchons-nous d’un peu plus près sur ces fameuses déclarations de patrimoine et d’intérêts auxquelles sont à présent soumis les élus (et les membres du gouvernement, nommés par le Premier ministre).

La déclaration de patrimoine

La déclaration de patrimoine est, selon le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique lui-même : « la photographie de ce que le déclarant possède » (voir ici). Il s’agit donc de tous les biens du déclarant, un peu comme cela peut être demandé dans une déclaration d’impôt sur la fortune (ISF). On y retrouve listés pêle-mêle maison(s), voiture(s) ou encore produits financiers ou objets précieux.

La déclaration d’intérêts

La déclaration d’intérêts permet, elle, de connaître les liens entre le déclarant et de possibles intérêts privés (notamment industriels ou financiers). A ce titre, il faut entre autre chose y déclarer les rémunérations des cinq dernières années. En cela, ce document s’apparente davantage à une déclaration de revenus.
L’une comme l’autre de ces deux déclarations ont en revanche un point commun, elles doivent être envoyées dans les deux mois suivant la nomination (ou l’élection dans le cas d’une élection) du déclarant, comme on peut le lire ici :

Muriel Pénicaud ayant été nommée le 17  mai, elle devrait avoir effectivement rempli ces deux déclarations.

Les deux mensonges de Christophe Castaner

Nous pouvons affirmer que Christophe Castaner a menti par deux fois lors de cette très courte intervention de 25 secondes.

Le 1er mensonge

Le 1er mensonge de Christophe Castaner consiste à dire que Muriel Pénicaud a publié sa déclaration de patrimoine. C’est faux, comme nous pouvons le constater sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (voir ici). Il n’est pas possible de savoir si Muriel Pénicaud l’a déjà envoyée, mais, en date du 29 juillet, une chose est sûre, celle-ci n’est pas encore publiée, comme on peut le voir ici :

Cela peut sembler être un détail, mais au delà de la grande légèreté d’une fausse affirmation dans une séquence de communication aussi sensible, on est en droit de se demander si ce mensonge ne participe pas au voile que Christophe Castaner a voulu jeter sur l’affaire, par la grande confusion de ses propos.

Le 2ème mensonge

Christophe Castaner prétend par ailleurs qu’il ne s’agirait pas de révélations, laissant penser que Muriel Pénicaud a déjà déclaré publiquement ces sommes. C’est faux également, et cela relève de la plus pure manipulation. Muriel Pénicaud a bien déclaré des revenus de Danone pour l’année 2013, mais nous pouvons affirmer qu’en aucun cas les revenus déclarés ne prennent en compte les plus-values réalisées suite à la revente de ses stock-options.
En effet, voici l’extrait de la dite déclaration d’intérêts (à télécharger ici) :

On peut clairement y lire que Muriel Pénicaud y a déclaré en 2013 une rémunération (ou gratification) de 1 144 924 euros (net !).  Dans le même temps, les plus-values réalisées par Muriel Pénicaud lors de la revente de ses stock-options ont été calculées par le journal l’Humanité (4) à 1 129 034 euros. Ce qui ferait donc, en 2013, une rémunération hors stock-options de :
1 144 924 – 1 129 034 = 15 890 euros (sur l’année entière !)
Comme il apparait évident que Muriel Pénicaud ne peut avoir eu cette année-là une part fixe si faible, de l’ordre du SMIC (5), c’est que sa déclaration d’intérêts ne prenait en compte ses plus-values boursières. L’existence de ces plus-values est donc bien une révélation.
La déclaration de Christophe Castaner selon laquelle il ne s’agirait pas de révélations a pourtant été reprise comme un seul homme par tous les grands médias, comme on peut le voir dans Le Parisien, ou encore sur BFM, sans que cela ne provoque nulle part la moindre réaction ou analyse.

Ce que cela implique

Comme nous l’avons vu plus haut, les stock-options font partie de la rémunération des dirigeants. Et comme nous l’avons vu également précédemment, Muriel Pénicaud est supposée avoir déclaré l’ensemble de ses rémunérations pour l’année 2013. Sauf à imaginer qu’elle ait été payée au SMIC cette année-là, il semblerait qu’elle n’ait pas pris en compte ses plus-values dans sa déclaration d’intérêts, contrairement à ce que le prétend Christophe Castaner, ce qui en ferait une fausse déclaration.
Mais nous devrions rapidement avoir des explications complémentaires avec la déclaration de patrimoine. En effet, celle-ci doit être faite dans les deux mois suivant la nomination (ou l’élection, dans le cas d’une élection). Or Muriel Pénicaud a été nommée ministre du Travail le 17 mai dernier. Elle a donc dû normalement renvoyer sa déclaration au plus tard il y a une semaine. A moins qu’elle n’ait intégralement consommé cette somme, celle-ci devrait se retrouver dans son patrimoine.

Le Vrai / Faux de Pénicaud

Muriel Pénicaud a empoché cet argent en un jour : FAUX

De très nombreux médias (dont l’Humanité d’ailleurs) ont titré ou mentionné que cette somme d’un million d’euros a été gagnée en un jour. C’est faux. On ne peut pas dire que des plus-values sont le fruit d’un jour de gain. Pourquoi ne pas écrire, tant que l’on y est, que Muriel Pénicaud a gagné cette somme en une minute, voire en une seconde, puisqu’après tout, la revente d’action est instantanée.
Plus précisément, l’analyse des cours de bourse laisse penser que Muriel Pénicaud avait reçu ses stock-options en 2009 (6), ce qui ferait de cette plus-value, un gain réalisé sur une durée de quatre ans, et non d’un jour.

Muriel Pénicaud est coupable de délit d’initié : FAUX

Il est faux aussi de dire que Muriel Pénicaud s’est rendu coupable d’un délit d’initié. Les stock-options lui ont été attribuées bien avant qu’elle ne les vende (6), à un moment où la re-structuration n’était peut-être d’ailleurs même pas encore envisagée, mais surtout, elle a exercé son droit sur ces stock-options sur la base d’un cours de bourse parfaitement connu de tous. Il est malhonnête de prétendre qu’il y ait eu délit d’initié.
De plus, si la courbe montre un plus haut local à la fin du printemps 2013, ce plus haut n’était pas au 30 avril mais plutôt début juillet. Et l’action qui valait environ 56 euros à l’époque en vaut 63 aujourd’hui, soit près de 15% de plus.

Cours de l’action Danone ces 10 dernières années
Mais attention, ce n’est pas pour autant que l’on puisse légitimer de telles pratiques, bien au contraire. En un mot, nous sommes ici confrontés à des pratiques amorales et à un problème législatif grave mais malheureusement pas à des pratiques répréhensibles par la loi actuelle.

Cerise sur le gâteau

Et comme une provocation n’arrive jamais seule avec ce nouveau gouvernement, Christophe Castaner, toujours lui, en a rajouté une couche vendredi en fin de journée en déclarant que Muriel Pénicaud n’avait « finalement pas fait une si bonne affaire » que cela, au prétexte justement que le cours de l’action est encore monté depuis… Il faut le voir pour le croire :

Ce n’était pas une bonne affaire ? La belle affaire ! C’est en tout cas en train de devenir une affaire d’état !
Nico Las (TDH)

(1) : Danone est le leader français de l’agroalimentaire et l’un des leaders mondiaux. Le groupe est aujourd’hui dirigé par Emmanuel Faber.
(2) : référence : « La Rémunération globale, instrument de gouvernance d’entreprise » (à télécharger ici), de Gerard Valin, ancien Directeur Général du Groupe ESSEC et expert judiciaire financier à la Cour d’Appel de Paris. On peut lire page 4 :

« Ainsi, les cotisations obligatoires ou volontaires aux divers régimes de prévoyance ou de retraite seront incluses dans la rémunération ainsi que les stock-options et les retraites chapeau »

(3) : on est en droit de se demander si la confusion vient de la gêne de la situation ou s’il y a une volonté réelle de provoquer la confusion de l’auditoire.
(4) : calcul non remise en cause, voire validé par Christophe Castaner lorsqu’il déclare qu’il n’y a pas de révélations.
(5) : d’après le site smichoraire.net, le SMIC Mensuel net était de 1121,71 euros en 2013, soit 13 460 euros.
(6) : d’après l’Humanité, les stock-options avaient une valeur de 34,85 euros, ce qui laisserait penser, d’après le cours de bourse de l’action Danone, qu’elle les avait reçues entre février et juin 2009.
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