« Le déluge », par Bleuette Diot

L’Arche de Noé sur le Mont Ararat, de Simon de Myle (1570)
Si le Déluge est resté célèbre à travers les âges, c’est essentiellement grâce au témoignage contenu dans le premier livre de la Bible. Dans l’Ancien Testament, il est dit que l’Éternel se repentit d’avoir créé l’homme. On apprend au chapitre 6 de la Genèse que l’humanité était devenue si corrompue que Dieu décida d’engendrer un formidable déluge pour éradiquer toute vie à la surface du globe. Toutefois, Noé trouvant grâce à ses yeux, l’Éternel le prévint de son projet d’extermination. Il décida donc de sauver Noé et sa famille. Et, pour se faire, Dieu leur enjoignit de construire une Arche : Genèse 6, versets 14 et 15 : « Fais-toi une arche de bois de gopher ; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l’enduiras de poix en dedans et en-dehors. Voici comment tu la feras : l’arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur.… »
Après quoi, Dieu ordonna à Noé d’y faire monter mâle et femelle de chaque espèce d’animaux afin de préserver sa création. On peut lire ceci en Genèse 7, versets 1 à 4.
Noé obéit aux commandements divins et construisit le bateau. Le jour où il entra dans l’arche en compagnie de son épouse, de ses trois fils et de leur compagne, la pluie se mit à tomber sans discontinuer quarante jours et quarante nuits, est-il précisé dans le Livre Saint. La surface de la Terre fut recouverte par les eaux et toutes les créatures vivantes se noyèrent, à part celles qui étaient protégées dans l’embarcation. Noé navigua ainsi 220 jours avant que les eaux ne commencent enfin à refluer. Puis l’Arche finit par s’échouer au sommet du mont Ararat à 5 165 m d’altitude.
En réalité, la Bible n’a jamais eu la primeur de cette histoire. Les Écritures ont simplement repris les termes d’un récit plus ancien d’un millénaire, dont elles ont conservé les éléments clés. Par exemple, l’Arche de Noé s’échoue sur le mont Ararat alors que dans la version mésopotamienne l’embarcation d’Uta-Napishtim (plus connu sous le nom d’Atrahasis ou de Ziusudra le Noé sumérien) s’immobilise sur le mont Nisir. Il s’agit là d’un conte évidemment, mais dans son essence même le récit contient sans doute le souvenir lointain d’une catastrophe bien réelle. Sans parler d’un Déluge universel recouvrant toute la surface du globe, qui me parait bien improbable et dont il n’existe aucune preuve géologique, il a sûrement existé une catastrophe majeure dans un lieu donné, ayant suffisamment marqué les esprits pour rester à jamais gravée dans la mémoire collective des peuples du Proche-Orient ancien.

Extrait du poème d’Atrahasis :
…Fuis ta maison, construit un bateau ;
Méprise tes biens
Et conserve la vie !
Que le bateau que tu construiras
… soient égales
Plafonne-le comme est plafonné l’Apsou…
Que le bitume soit ferme ; rend le bateau solide.
Quant à moi, après cela, je ferai pleuvoir pour toi
Des quantités d’oiseaux, des paniers et des poissons.

En 1872, l’assyriologue britannique George Smith découvrit, dans la riche collection du roi Assurbanipal, la tablette XI de l’Épopée de Gilgamesh. Il fut le tout premier à reconstituer le formidable puzzle que constituent les milliers de fragments de tablettes retrouvés à Ninive ; le premier également à déchiffrer le texte chaldéen du Déluge (tablette DT42) après plus de 2000 ans d’oubli. Car, en effet, la version babylonienne de la catastrophe demeure gravée dans l’argile de cet antique support d’écriture. Le récit affirme que les dieux, ne supportant plus le vacarme que faisaient les hommes, prirent la décision de détruire l’espèce humaine. Mais Enki, le fils rebelle du Dieu Anu, s’insurgea contre la volonté de ses semblables. Il choisit de sauver l’humanité en avertissant Atrahasis du danger.
Le mythe, transmis oralement de génération en génération, commencera à être retranscrit par écrit aux alentours de 1800 avant JC. Après quoi, il faudra encore attendre plus d’un millénaire pour voir les rédacteurs bibliques intégrer leur propre version du Déluge à ce qui deviendra l’Ancien Testament. L’exil forcé des Judéens et leur longue captivité à Babylone ont rendu possible cette transmission.
En 1985, un collectionneur passionné du nom de Douglas Simmonds apporta au British Museum une petite tablette cunéiforme dans l’espoir de la voir authentifiée et traduite par un spécialiste. Simmonds avait hérité de cet artefact de son père Leonard Simmonds. Ce dernier, officier de la Royal Air Force, cantonné au Proche-Orient à la fin de la deuxième guerre mondiale, avait profité de l’occasion pour acquérir plusieurs pièces d’archéologie mésopotamienne. C’est l’assyriologue Irving Finkel (directeur-adjoint au département du Moyen-Orient du British Museum) qui se vit chargé de traduire la tablette de Douglas Simmonds, tablette datant de la période paléo-babylonienne (1900-1600 avant J.C). Le spécialiste ne mit pas longtemps à réaliser qu’il s’agissait d’une copie du déluge. Les premières lignes étant très célèbres, ne laissaient planer aucun doute : « Palissade, ô palissade ! Paroi, ô paroi de roseaux ! ». La tablette s’achève également par ces termes : « Quand je serai entré dans le bateau, calfeutrez sa porte ! », termes que l’on retrouve dans d’autres poèmes akkadiens : Atrahasis (paléo-babylonien) III, colonne II 21-22 ou encore Gilgamesh XI, colonne I 21-22.
Irving Finkel savait donc à quoi s’attendre. Malgré cela, il fut stupéfait en découvrant la teneur insolite du texte. Comme nous allons le constater, l’assyriologue avait entre les mains une trouvaille extraordinaire qui allait donner à la légende un caractère d’authenticité totalement inattendu.
Dans les années 80, le collectionneur ne laissa pas sa propriété en dépôt suffisamment longtemps pour permettre un déchiffrement complet du texte. L’opportunité ne se présenta que beaucoup plus tard. Irving Finkel ne put donc traduire le récit dans son intégralité qu’en 2009. Par la suite, il mentionnera dans son livre L’Arche avant Noé, je cite : « Il s’agit du manuel d’instruction détaillé de la construction d’une arche. » Ces quelques mots ont rendu fébriles tous les spécialistes du monde !
En fait, l’artefact en question, baptisé Tablette de l’Arche (support d’argile couvert de signes cunéiformes akkadiens sur une soixantaine de lignes recto-verso – voir image ci-dessous) rompe carrément avec la tradition littéraire chaldéenne. Les textes de cette période relèvent tous de la mythologie, c’est pourquoi les détails pratiques de la construction du bateau ont créé une véritable surprise chez les cunéiformistes. Ce côté hyper réaliste n’a rien de courant à l’époque babylonienne et a de quoi susciter l’étonnement au sein de la communauté scientifique. En effet, les spécialistes ont découvert avec un intérêt grandissant combien les dimensions et les proportions indiquées sont mathématiquement exactes.
Mesures de la surface de l’Arche, longueur des cordages nécessaires, volume de bitume indispensable au calfatage de la coque, et j’en passe… Oui, le calcul des quantités s’appuient sur des données bien réelles, comme cela a pu être prouvé grâce à un programme informatique très poussé.
Voici ce qu’en dit Irving Finkel dans son livre L’Arche avant Noé : « L’histoire d’Atrahasis, de l’Arche et du Déluge relève bien, selon tous les critères, de la littérature. Son texte est mythologique par nature et finalement épique dans son envergure, mais assurément littéraire. De ce point de vue, l’insertion de détails pratiques de construction maritime au milieu des révélations de la Tablette de l’Arche d’Atrahasis provoque la surprise, d’autant plus que les spécifications techniques et pratiques que nous avons démêlées au chapitre 8 ne sont ni arbitraires ni  »mythologiques », mais bien pragmatiques et réalistes. »
Qu’on le veuille ou non, ce mode d’emploi intégré au récit tend à soulever un point d’interrogation crucial : existe-t-il un fond de réalité historique caché derrière le mythe ? Nous ne pouvons encore rien affirmer en ce sens, mais cette découverte majeure permet de l’envisager en toute logique. La nature même de ce passage du texte chaldéen laisse à penser que le récit du déluge fait écho à un événement historique bien réel. Pour s’en convaincre, les plus grands spécialistes en construction de bateaux antiques ont décidé de reconstruire l’Arche à l’identique, à partir des données décrites dans la Tablette de Simmonds. Pour une question de budget, ils n’ont pu reproduire l’embarcation dans sa taille originelle. Mais ils n’en ont pas moins suivi les instructions antiques à la lettre.
Tablette de l’Arche
L’Arche originelle n’avait rien d’une longue embarcation rectangulaire, contrairement à l’image d’Épinal que nous nous en faisons. En fait, le coracle d’Atrahasis était de forme circulaire. Les guffa (ou coracles) de l’ancienne Mésopotamie ressemblaient à de vastes paniers ronds, faits de roseaux tressés. Ils étaient calfatés avec du bitume pour assurer une bonne étanchéité. De la sorte, ils s’avéraient insubmersibles et d’une exceptionnelle stabilité. Le coracle, dépeint dans la tablette paléo-babylonienne, était de 3600 m² de superficie à sa base, autrement dit elle occupait la surface de la moitié d’un terrain de foot ! Par ailleurs, nous savons que le bateau possédait un toit puisque, à la ligne 45, Atrahasis y grimpe pour prier le dieu Lune.
Quant à elle, la construction moderne se révéla très rapidement beaucoup plus complexe que prévu. Les ouvriers eurent par exemple toutes les peines du monde à appliquer le bitume et le faire adhérer à la coque. Mais, à force de persévérance, ils vinrent à bout de ce labeur harassant et dangereux, le bitume devant être porté à très haute température pour être correctement travaillé. Le coracle, ainsi ressuscité de son passé brumeux, leva les amarres. Il prit le large pour sa traversée inaugurale le 25 avril 2014. En dépit de quelques fuites d’eau liées aux difficultés du calfatage, l’embarcation demeura à flot sans problème. Preuve était faite que le coracle géant décrit dans la Tablette de Simmonds était fonctionnel et, par conséquent, que le récit du déluge mésopotamien n’était pas dénué d’authenticité.
À la fin des années 20, une théorie accréditant le récit du déluge a connu un certain succès suite aux découvertes d’un archéologue britannique. Sir Leonard Woolley menait une campagne de fouilles sur le site de l’antique cité d’Ur, dans le sud de l’Iraq. En creusant assez profond, l’archéologue espérait mettre au jour les strates correspondant aux plus anciens niveaux d’occupation du site. Parvenu au fond du puits, l’équipe tomba sur une couche argileuse exempte de tout vestige humain. Woolley pensait avoir atteint le sol vierge sur lequel avait été bâtie la ville. Pourtant son intuition le poussa à excaver plus profond. Ses ouvriers dégagèrent alors une épaisse couche de sédiments, tassée sur plus de 3 mètres, avant de découvrir, à la grande surprise de Wooley, un niveau archéologique inférieur présentant de nouveau des traces manifestes de vie domestique comme des tessons de poterie. La cité existait donc avant qu’une inondation majeure ne la recouvre de ce dépôt boueux.
Wolley ne vit qu’une explication plausible à la formation de cette couche stérile, intercalée entre deux unités stratigraphiques. Selon lui, il ne pouvait s’agir que d’un ancien dépôt d’alluvions déposé par… le Déluge de Noé ! D’autres spécialistes ont étudié le terrain et ont avancé l’idée que, si l’endroit avait réellement subi une inondation de grande ampleur, le phénomène lui n’était sans doute lié qu’aux crues périodiques du Tigre et de l’Euphrate. Une crue plus importante de ces fleuves capricieux aurait-elle pu fournir la base du récit mythique ? Celui-ci ayant très bien pu être exagéré et amplifié par la suite. Les preuves archéologiques en faveur de cette théorie restent minces, même si quatre cités sumériennes sont connues pour présenter le même type de couche sédimentaire vierge qu’à Ur, leurs dépôts étant plus ou moins épais selon le site. Ainsi les carottages, prélevés dans les dépôts d’alluvions des cités de Kish, Shuruppak, Uruk et Lagash, font remonter l’inondation à environ 3000 ans avant JC.
On a longtemps admis que seule la théorie des crues fluviales de Mésopotamie pouvait fournir une explication plausible et rationnelle au mythe du déluge. Mais depuis quelques années, une autre hypothèse, peut-être plus convaincante, a relancé le débat. En ce qui me concerne, j’ai tendance à croire que cette catastrophe aurait pu être de nature cosmique. Mais existe-t-il des preuves géologiques, des textes anciens, des événements historiques avérés, pour étayer cette conjecture ?
Le groupe universitaire Impact Holocène, composé de six scientifiques de nationalités différentes, émet l’hypothèse vraisemblable que la terre aurait été bombardée par des météorites bien plus souvent que ne veut l’admettre la communauté scientifique. Ce groupe de chercheurs fonde son estimation sur les derniers grands impacts de la période géologique, nommée Holocène (de -10 000 ans à nos jours). En 2005, Dallas Abbott (un spécialiste en géologie marine spécialisé dans les cratères sous-marins engendrés par des impacts d’astéroïdes) remarque la présence d’une vaste dépression circulaire dans l’océan Indien, au large de Madagascar par près de 3800 mètres de profondeur. Aux yeux du géologue, la conclusion s’impose très vite. Il s’agit du relief d’un astroblème, formé par la chute d’un astéroïde. Présents sur les côtes environnantes (quatre énormes dépôts de sédiments au Sud de Madagascar), les éjectas du Burckle Crater prouvent l’origine météoritique du cratère sous-marin. De fait, ils renferment, outre des microfossiles venus des profondeurs de l’océan, des éclats d’une substance vitreuse (verre naturel), de minuscules fragments du plancher océanique et de nombreuses sphérules de magnétite de plus de 200 microns de diamètre, connues pour se former sous l’effet des ondes de choc créées par les impacts d’astéroïdes. De son côté, Dee Breger, directeur de la microscopie à l’Université de Philadelphie, a examiné les divers échantillons sous un microscope électronique à balayage. Lui aussi remarque la présence de foraminifères benthiques. Ces minuscules organismes vivant dans les sédiments qui recouvrent le fond de l’océan, il devenait évident que les roches du plancher océanique avaient été éjectées par la collision.
Localisation du Burckle Crater et conséquences de l’impact. (Source image : http://m.blogs.christianpost.com)
Le diamètre du Burckle Crater mesurant près de 30 kilomètres, il va sans dire que la collision a généré un méga tsunami et engendré une série de bouleversements climatiques importants comme des pluies torrentielles. Mais à quand remonte l’événement ? Les scientifiques du groupe Impact Holocène ont avancé la date de – 3000 ans avant JC. Selon eux, les dunes en forme de chevrons, observées sur la côte ouest australienne, ne seraient pas l’œuvre du vent, mais bel et bien celle du tsunami lié à l’impact météoritique du Burckle Crater. Après avoir daté les mollusques fossiles prisonniers du sable, les chercheurs ont pu déclarer que la catastrophe remontait au troisième millénaire avant notre ère. Si leurs conclusions sont controversées, il n’en reste pas moins intéressant de noter que cette date concorde avec celle estimée du Déluge biblique et celle des crues majeures du Tigre et de l’Euphrate. Simples coïncidences ?
En outre, d’autres civilisations relatent des événements similaires s’étant déroulés à la même période. Ainsi en 3000 avant JC, les sujets de l’empereur Yao connurent une époque particulièrement troublée si l’on en croit les annales du pays de Lu. Les textes chinois assurent que le soleil ne se coucha pas dix jours durant, et que le monde s’embrasa, après quoi, je cite : les vagues dépassèrent les hauts sommets, menaçant les cieux de leurs flots. Un conte polynésien affirme, quant à lui, que : La Terre fut submergée par l’océan, mais en fut retirée par Tefaafanau. Par ailleurs, d’après la Liste Royale Sumérienne (rédigée au XVIIIe siècle avant notre ère et reconstituée à partir de dix-huit tablettes différentes par l’assyriologue danois Thorkild Jacobsen), l’ancienne cité-état de Kish exerça la royauté sur la Mésopotamie après le Déluge. Les archives d’Ebla, en Syrie, attestent bien de l’existence des rois de Kish et des dates des échanges commerciaux entre la cité syrienne et la basse Mésopotamie. Nous possédons ainsi la liste des rois, réels ou imaginaires, ayant gouverné avant et après le grand bouleversement. Certes, cette énumération relève plus ou moins du mythe. Toujours est-il qu’après le déluge, mentionné dans les tablettes de la Liste Royale, le pays de Sumer ira vers un grand renouveau et connaîtra son apogée avec un système politique complètement novateur : la prédominance des cités-États et la naissance des premières dynasties archaïques.
J’ai toujours pensé que la mythologie pourrait mettre la science sur la bonne voie à condition de savoir l’interpréter. La notion de mythe devrait renvoyer à son acceptation originelle d’histoire sacrée, de ce qui appartient au divin. Malheureusement, la pensée raisonnée des philosophes grecs lui a conféré un sens péjoratif d’illusion et de mensonges, un sens que le mythe n’avait pas dans les temps archaïques. Même si Platon admet que le mythe représente : l’expression imagée de vérités plus profondes, il n’en était pas moins, dans l’esprit de ses contemporains, le reflet de tout ce qui s’oppose à la cohérence de la réalité. De nos jours, nombreux sont ceux qui partagent ce point de vue et l’assimilent uniquement au domaine de l’irrationnel. Pourtant, c’est loin d’être aussi simple.
Pour le mythologue, cette forme d’expression imagée n’a rien d’une affabulation farfelue. Elle est au contraire tout ce qui reste d’un contexte culturel oublié. Le témoignage laissé par les premières sociétés primitives ou civilisées de leurs traditions sacrées. Dans son essence même, le mythe dit vrai, même si son sens nous échappe la plupart du temps. Ceci étant entendu, nous pouvons nous référer aux récits antiques avec un regard différent. Il devient dès lors très vite évident qu’une comète ou un astéroïde est à l’origine du désastre.
Hésiode décrivait la fin d’un âge dans sa Théogonie : La Terre génératrice de vie était embrasée et craquait de toutes parts, le sol et les flots de l’océan bouillonnaient.
Hésiode toujours dans sa Théogonie relatait également les cataclysmes engendrés par une collision céleste : L’énorme Terre gémit… une grande partie de l’énorme Terre fut brûlée par une vapeur terrible et fondit comme l’étain fond, quand il est chauffé par l’art de l’homme…
Les annales chinoises quant à elles affirmaient qu’à l’époque de l’empereur Yao : Une brillante étoile sortit de la constellation Yin.
Dans l’antique encyclopédie chinoise, on peut lire : Dans une convulsion de la nature, la mer fut arrachée à son lit, les montagnes surgirent du sol, les rivières changèrent leur cours, les êtres humains et toutes les choses furent détruits, et les anciens vestiges effacés.
Bien d’autres textes anciens font mention d’une collision, de séismes terrifiants, de murs d’eau ou d’ouragans mêlés de pluies de feu. Pour cette raison, je reste persuadée que les écrits du passé nous font parvenir l’histoire du Déluge sous une forme plus ou moins symbolique. Notre planète a connu un passé géologique truffé d’impacts météoriques. Il n’est donc pas illogique ou aberrant qu’un événement de ce type ait pu donner naissance au mythe.
Essayons à présent d’imaginer le scénario catastrophe du Burckle Crater et ses conséquences d’après les textes anciens, d’une part, et de ce que l’on sait aujourd’hui de la collision grâce aux technologies modernes, d’autre part.
Nous sommes en 3000 avant JC. Des zones de peuplement s’étendent sur tous les continents, et notamment au nord du golfe Persique où, entre les fleuves Tigre et Euphrate, s’est déjà établi la première véritable civilisation. L’écriture n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais le commerce avec les pays voisins est en plein essor. Les jours s’égrènent paisiblement au pays de Sumer… jusqu’à l’instant fatidique où le monde va basculer dans une horreur indescriptible.
L’apparition d’un corps céleste très lumineux embrase soudain le ciel nocturne. La nuit s’illumine soudain comme en plein jour. Le bolide incandescent se fragmente en plusieurs morceaux dès qu’il pénètre dans l’atmosphère. Aux yeux des témoins de l’époque, ces serpents de feu ne peuvent exprimer autre chose que la colère des dieux.
Lentille de Nimrud – British Museum
Dans l’autre hémisphère du globe, le projectile le plus volumineux plonge en sifflant dans les eaux de l’océan Pacifique. Autour de l’objet céleste, l’air chauffé à blanc forme un halo rouge sombre. La météorite percute ensuite la surface de l’océan à une vitesse phénoménale, sans doute à près de 20 km/s, libérant une énergie égale à une bombe de plusieurs mégatonnes. L’eau de mer se met à bouillir instantanément. Elle se vaporise en quelques secondes tandis que des jets gazeux fusent très haut dans les airs, presque aussi haut que le gigantesque mur d’eau généré par la collision. Dans un fracas d’Apocalypse, l’astéroïde se pulvérise sous l’onde de choc qui crée une vaste dépression au-dessus de l’océan, cela avant même que ses éclats ne heurtent le plancher océanique. Un panache de feu, de cendres, de roches en fusion, de débris, de vapeur et de gaz, se forme dans le ciel au-dessus du lieu d’impact, avant de s’étendre, poussé par les vents dominants. Un ouragan se déchaîne au-dessus du Pacifique. De plus, le choc engendre des marées monstrueuses et surtout un méga tsunami qui va se propager jusqu’en Inde et en Australie. Dans sa ruée sauvage, le mur d’eau en mouvement déferle sur le pays plat et marécageux de Sumer. Il balaye tout sur son passage. Un spectacle hallucinant s’offre au regard des rares survivants du cataclysme. Les huttes d’argile et de roseaux tressés sont emportées par les flots. Les frêles coracles brisés et entraînés comme de simples fétus de paille. Les gigantesques vagues pénètrent loin dans les terres et font refluer les fleuves qui sortent de leur lit plus violemment encore qu’en périodes de crue. Les digues et les barrages sont détruits. Les temples s’effondrent et certaines cités disparaissent sous d’immenses coulées de boue.
À n’en point douter, l’impact de ce corps céleste a eu par la suite une incidence considérable sur le climat, générant des pluies diluviennes qui ne feront qu’aggraver la situation. On le comprend aisément, le désastre s’imprimera profondément dans la mémoire collective des peuples. Et de ce traumatisme naîtra le célèbre mythe du Déluge.
Cependant, une question demeure. Si, comme nous venons de le voir, la vérité historique se dessine en filigrane au cœur des textes anciens, qu’en est-il d’Atrahasis, le Noé sumérien ? Les grands dieux Anunnaki l’ont-ils réellement prévenu du danger imminent comme on peut le lire dans la Tablette de l’Arche ? Si oui, cela reviendrait à dire qu’une civilisation, technologiquement très avancée, évoluait sur terre à cette époque et possédait les moyens d’observer les comètes et les météorites, tout comme nous surveillons les géocroiseurs de nos jours. Après tout qui sait ? Cette hypothèse expliquerait peut-être la raison pour laquelle les Sumériens, les Akkadiens, les Babyloniens et les Assyriens, étaient à ce point versés dans la science des étoiles. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’ils aient connu l’usage du télescope. La fameuse lentille optique de Nimrud (VIIIe siècle avant J.C.), exposée au British Museum (voir image ci-dessus), le laisse envisager en tout cas. Mais ceci est une autre histoire.
Bleuette Diot (source : Geepi.fr)
(Publié avec l’aimable autorisation de l’auteure)
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