Désobéir, c'est parfois voter. Par Xavier Renou

Désobéir, c'est parfois voter. Mes amis, je m'exprime ici en mon nom seul. Vous le savez peut-être, j'appartiens à un collectif, les Désobéissants, qui se veut un outil d'appui aux luttes progressistes. Nous formons aux techniques de résistance non violentes, et nous accompagnons ceux qui le souhaitent dans l'élaboration de stratégie de confrontation et d'action contre l'injustice qu'ils subissent. Nous n'avons pas vocation, avec ce collectif, à participer aux élections quelles qu'elles soient et de quelque façon que ce soit. Nous n'avons rien contre les élus. Il en existe de sincères, d'honnêtes, de courageux. Il nous arrive de travailler ponctuellement avec certains élus lorsqu'ils portent des causes qui nous semblent justes. C'est précisément ce qui nous caractérise : une approche au cas par cas, pragmatique, qui considère que ce qui importe c'est la lutte et les valeurs et objectifs qu'elle porte. Peu importe les écuries, les drapeaux, les étiquettes. Notre affaire, c'est d'appuyer tous ceux qui se mobilisent contre l'injustice là où nous la reconnaissons comme telle. Les désobéissants sont d'ailleurs une diversité : il y a parmi nous des gens qui votent et d'autres qui ne votent pas, des gens qui appartiennent à des partis politiques, et d'autres, bien plus nombreux, qui ont refusé tout engagement classique. Ce qui nous unit, c'est cette approche pragmatique au service de la lutte contre toutes les injustices, d'une part, et bien sûr, l'outil désobéissance civile, c'est-à-dire à la fois l'action directe légale ou pas, peu importe, contre l'injustice, et son caractère strictement non violent, qui nous semble essentiel à la fois d'un point de vue moral et d'un point de vue tactique. Je n'ai jamais été membre d'aucun parti politique, et n'ai donc jamais été candidat à une quelconque élection. Je n'ai même jamais appelé à voter pour un quelconque candidat aux élections. Pourtant, aujourd'hui, des circonstances exceptionnelles me font considérer qu'il est de mon devoir de prendre position publiquement. Si une seule personne parmi vous se trouve convaincue par mes arguments et décide de voter pour le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour, alors je n'aurai pas perdu mon temps. Si vous partagez cette vidéo, ce sera une victoire supplémentaire. Car chaque voix va vraiment compter, cette fois. La qualification au second tour se jouera dans un mouchoir de poche. Et nous ne sommes pas prêts de retrouver des circonstances aussi favorables… Dans une précédente vidéo, publiée sur l'alterJT, j'ai expliqué pourquoi je pensais que la néofasciste Marine Le Pen et sa bande risquaient d'arriver au pouvoir, sauf événement imprévisible. Marine Le Pen est en effet parvenue à tromper des millions de gens qui souffrent et sont en colère, et cherchent dans le tunnel une issue radicale au désastre des politiques néolibérales. Tous ces gens se trompent de colère. Parce qu'on les a trompés. Parce que le FN les trompe. Mais aussi parce qu'une classe politique aux ordres de l'oligarchie financière a désigné jour après jour des boucs émissaires faciles, les pauvres supposés fraudeurs, les chômeurs, supposés fainéants, les immigrés supposés coûteux, voire dangereux, les musulmans, supposés fanatiques, menaçants, etc. Aussi ces électeurs dégoûtés par la classe politique mais néanmoins sensibles à ses sornettes se sont tournés, chaque fois plus nombreux, vers les candidats néofascistes prêcheurs de haine. L'issue était évidente, et aucun candidat aux ordres de la finance ne pourra empêcher, tout au plus retarder d'encore 5 ans, la victoire forcément catastrophique, des fascistes. J'avais pris la précaution de dire que mon analyse se basait sur les faits connus, mais que l'histoire n'est jamais jouée d'avance. Il arrive que l'imprévisible survienne pour tout bouleverser. Un tel événement imprévisible s'est produit : un candidat de rupture, mais progressiste celui-là, est en passe de se qualifier au second tour de l'élection la plus importante qui soit. Avec dès lors, des chances raisonnables de devenir le prochain président de la République. Seulement, ça va se jouer à quelques voix. La vôtre, peut-être. La mienne, en tous cas, lui est acquise et je veux vous dire pourquoi. J'entends déjà les critiques de mes amis révolutionnaires. L'élection est un piège à cons, le présidentialisme en est un autre, Mélenchon n'est pas un saint et rien ne garantit qu'une fois élu, il tiendra ses promesses. Après tout, nous sommes dans la saison des promesses, chaque candidat s'employant à dire ce qu'il pense que son électorat de prédilection a envie d'entendre. Autre registre de critique : même avec la meilleure volonté du monde, Mélenchon président n'arrivera pas à rompre avec les forces néolibérales qui ont déjà fait plier Tsipras, le premier ministre grec. Je sais tout ça. Mais justement, pour la première fois depuis très très longtemps, un candidat doté de vraies chances de succès, annonce qu'il transformera en profondeur les institutions pour les rendre beaucoup plus démocratiques et en finir avec la monarchie présidentielle. Un seul s'engage aussi radicalement, et aussi précisément, en matière de transition écologique, avec un programme de reconversion de l'outil industriel, de formation à grande échelle des travailleurs concernés, et d'investissement public massif dans tout ce qui permettra de faire reculer la menace la plus urgente sur l'humanité tout entière, le réchauffement climatique. Un seul promet encore de consacrer toutes ses forces à des relations internationales plus justes et surtout porteuses de paix plutôt que de guerre. Un seul enfin promet de rompre vraiment avec les logiques du marché à outrance qui ont fait tant de mal à des millions de travailleurs, et en particulier de femmes, précarisés, de retraités pauvres, de jeunes des quartiers populaires, de descendants de l'immigration, etc. Tiendra-t-il ses promesses ? Je n'en sais rien. Mais c'est la même chose pour les autres ! Je dis ça à ceux qui voudraient voter pour un autre candidat, ou qui ne voudraient pas voter et donc laisseraient à ceux qui vont aller voter, et notamment les électeurs du PS, du centre, de la droite et de l'extrême droite, le choix de décider de qui aura le pouvoir sur nos vies. Je sais seulement que l'activiste que je suis continuera de lutter quelque soit le pouvoir, probablement. Mais je sais aussi qu'il me sera plus facile de lutter, comme à nous tous, avec un gouvernement progressiste et de rupture comme celui d'un Mélenchon au pouvoir, qu'avec tout autre de ses concurrents. Voter, ce n'est pas abdiquer notre capacité de résistance. Je désobéis avant l'élection, je désobéirai certainement encore après l'élection, mais le jour de l'élection, est-il meilleure façon d'agir que de voter ? Voter, c'est choisir son adversaire, au pire, et parfois, envoyer des alliés au sein des institutions : tous ceux qui luttent vraiment, pas seulement devant leur ordinateur et sur les réseaux sociaux, savent qu'il est toujours préférable d'avoir des élus proches de nous dans les institutions, plutôt que des néofascistes ou des élus de l'oligarchie. Que la police ne se comporte pas de la même façon, que les juges ne se comportent pas de la même façon, que les journalistes ne relaient pas les mêmes discours selon qui se trouve au pouvoir… Qu'au sein des institutions comme des contre-pouvoirs, le contexte gouvernemental joue considérablement sur les marges de manœuvres des uns et des autres : avec un gouvernement progressiste, les fonctionnaires soucieux de bien public relèveront la tête pour défendre le service public et ses usagers. Les travailleurs du privés témoins de pratiques odieuses se feront davantage lanceurs d'alerte. Les juges sortiront les dossiers des placards. Les policiers républicains n'auront plus peur de s'opposer à ceux de leurs collègues qui déshonorent la police. Les travailleurs en général hésiteront moins à se syndiquer et à bousculer les appareils pour résister aux pratiques les plus scandaleuses de leurs employeurs. Et s'il tenait ses promesses, le Mélenchon ? Après tout, Mitterrand en a tenu pas mal d'assez radicales entre 1981 et 1983, et il n'est pas certain que les Français laisseraient faire aujourd'hui un revirement comme celui du même Mitterrand en 1983. Et Mélenchon n'est pas Mitterrand. Certes, le personnage a ses défauts. Il a été au PS, oui, et reste encore un peu trop Mitterrandolâtre, en oubliant que l'homme fut le véritable assassin de la gauche qu'incarne aujourd'hui Mélenchon : c'est bien Mitterrand qui a soumis notre pays au capitalisme financier, avec le tournant de la désinflation compétitive, du franc fort et l'alignement sur l'Europe libérale de 1983. C'est aussi Mitterrand qui s'est rendu complice du plus abominable des crimes, celui de génocide, en soutenant militairement les génocidaires du Rwanda, et en les exfiltrant même, ensuite, avec la complicité du gouvernement de cohabitation de Balladur Sarkozy et consors. Mais Mélenchon, à sa décharge, n'a pas été associé à ces aspects-là, et a toujours tiré le PS vers la gauche, au point de le quitter faute d'y être suffisamment parvenu. On lui doit une grosse erreur, celle d'avoir soutenu l'accord de Maastricht, mais il a très vite regretté ce choix et s'est depuis systématiquement opposé à tout ce qui allait dans le sens de l'austérité. Allez, imaginons qu'il ne tienne qu'une partie de ses promesses, en matière d'écologie, de paix, de relance du service public et de l'investissement public, de revalorisation des bas salaires, de démocratisation des institutions, de lutte contre la corruption et la fraude fiscales… On a le choix, son programme est vaste et ambitieux. Si quelques-unes seulement de ces promesses étaient tenues : notre situation à tous n'en serait-elle pas quand même bien meilleure ? Pensons aux travailleurs menacés par les délocalisations boursières, pensons aux précaires privés de droits par des institutions qui traquent la fraude supposée plutôt que d'aider ceux qui en ont le plus besoin. Pensons aux travailleurs sans-papiers qui rasent les murs en craignant en permanence l'arrestation et la déportation. Pensons aux policiers envoyés contre les pauvres, les faibles, les travailleurs en grève, les activistes plutôt que contre la criminalité en col blanc, la délinquance patronale, le crime organisé, la fraude fiscale, qui font des dégâts considérables sur notre vivre-ensemble… Pensons à ces cathédrales du productivisme et du profit, ces grands projets inutiles et imposés qui sont érigés partout sur nos dernières terres agricoles, sur nos dernières zones humides et qui reçoivent aujourd'hui le soutien systématique de l'État, nous entraînant chaque jour davantage dans le désastre écologique. Oui mais, le laissera-t-on tenir ses promesses, et notamment la plus importante sans doute, celle de la rupture avec le néolibéralisme ? Rappelons d'abord que Mélenchon, à la différence des autres grands candidats, est un homme libre : il a rompu il y a longtemps déjà avec son parti, le PS, et s'est même éloigné du parti qu'il avait contribué à faire naître, le Parti de Gauche. Il a pris tous les risques, en se lançant seul dans la course aux présidentielles, et a su laisser ses partisans prendre leur autonomie. Y compris ses centaines de milliers de partisans anonymes qui ont pu peser sur sa campagne en développant des thématiques et des outils originaux et en dehors de tout contrôle du sommet du mouvement. J'ajoute que Mélenchon n'a pas de compte à rendre à d'éventuels dictateurs qui auraient financé sa campagne, pas davantage à des banques russes qui lui auraient fait des prêts sur ordre du Kremlin, encore moins à la Françafrique et aux pétromonarchies de l'Est ou du Moyen-Orient où il serait aller chercher quelques costumes, quelques valises et quelques conférences grassement rémunérées. Il n'a pas fait sa carrière dans la banque ou dans une quelconque relation de dépendance vis-à-vis des firmes multinationales. Il a un caractère difficile ? Ca lui servira peut-être à résister aux pressions de toutes sortes qui s'exerceront sur lui au moment des grandes confrontations, et notamment avec la Troïka. Instruit de l'expérience tragique de Tsipras en Grèce, qui choisit de se plier au diktat de la Commission européenne, de la banque centrale européenne et du FMI, Mélenchon préparera sans doute effectivement le fameux plan B, celui de la sortie de l'Euro, si jamais il s'y trouvait contraint. Il est vrai que la situation est toute autre : la France n'est pas la Grèce, elle pèse 18 % du PIB européen, et non pas seulement 2 % comme la Grèce, et ses caisses ne sont pas vides, loin de là. L'UE est de son côté fragilisée par le rejet croissant des opinions publiques et le départ des Britanniques. Les chances de négocier un changement de politique en Europe n'ont jamais été aussi bonnes, si seulement le gouvernement d'un seul Etat-membre puissant décidait d'y consacrer ses forces. Mes amis, je sais que les institutions ne sont pas neutres, que la soupe est bonne, là haut. Je sais qu'il est facile d'y corrompre les volontés les plus intransigeantes. Je sais que les élections sont biaisées par l'argent d'abord, et surtout par la construction jour après jour et longtemps avant l'élection, de la notoriété des candidats. Cette notoriété sans laquelle il n'y a pas de victoire possible à une élection. Pour la gagner, il faut passer régulièrement dans les médias dominants. Et ceux qui possèdent les médias, les grands groupes industriels et financiers, ne veulent surtout pas d'une politique de rupture d'avec le capitalisme. Ils n'ont donc aucune raison de favoriser en les invitant régulièrement sur les plateaux les candidats de la rupture, ceux qui prônent une plus juste redistribution des richesses, une transition écologique réelle et non pas « market compatible ». Seulement, pour la première fois depuis longtemps, un candidat de rupture a acquis la notoriété nécessaire pour espérer l'emporter aux élections. Il n'a pas cessé de prendre des risques, pourtant. Il s'est engagé frontalement contre le FN, en portant le fer là où le parti de la haine faisait ses meilleurs scores. Il est le seul à dénoncer les logiques de guerre, de haine, de peur aussi, savamment entretenues par les autres candidats qui chassent sur les terres du FN et focalisent sur l'étranger, l'islam, le terrorisme, la crispation identitaire, et qui prétendent résoudre les problèmes du monde à grands coups de bombardements de populations civiles, aux quatre coins du monde, en tous cas partout là où il y a du pétrole à pomper au passage… Avouons que les discours de Mélenchon ont fait beaucoup pour renverser le vent mauvais qui soufflait dans ce pays, et dans toute l'Europe d'ailleurs. Il a remis au coeur des débats les vrais sujets, le social, le chômage, l'urgence à sauver le bien commun, la paix et l'environnement. Il a même parlé du sort cruel fait aux animaux ou de la nécessité de rompre avec la nourriture carnée, c'était quand même courageux, en France, pour un candidat, de dire ça ! C'est la raison pour laquelle Marine Le Pen voit ses chances s'amenuiser, aussi, même si elle est encore très haute dans les sondages : ses thématiques qui étaient pourtant dominantes dans les discours publics, au point qu'elle n'avait même plus à faire campagne, qu'elle pouvait même se permettre de recentrer son image pour paraître plus modérée que ses rivaux, plus « apaisée » vous savez, avec ce slogan qu'elle a fait poser sur tous les murs de France et qui lui fut suggéré par ses amis néo nazis les anciens du GUD Frédéric Chatillon, Axel Lousteau, Philippe Péninque et toute la clique de ceux qui ont trempé dans ses magouilles financières et la conseillent encore sur sa stratégie de campagne. Pour ces discours, qui ont su porter loin, je vous dis merci M. Mélenchon. Vous avez fait de la pédagogie de gauche, ce qui avait littéralement disparu des ondes depuis longtemps et qu'on ne trouvait plus guère que chez certains youtubeurs et autres bloggueurs sur Internet. Dans le même temps, la fausse gauche, elle, faisait au contraire la pédagogie de la résignation, de l'austérité punitive, du marché, de la compétitivité, de la dette, de la liquidation du service public, et des logiques de guerre, à l'international... Une autre raison de voter Mélenchon. La conjoncture est unique : pour la première fois depuis très très longtemps, l'horizon est dégagé à gauche ! Les électeurs de gauche n'ont pas de raison de se disperser entre de nombreux candidats. Le candidat socialiste est en chute libre et son parti ne se relèvera pas de ces élections. Les Verts ont disparu du paysage. Le PCF s'est rallié à Mélenchon. Les trotskistes n'ont pas su incarner l'alternative et gaspillent leurs rares ressources à fonds perdu. Et les escrocs de l'alternative, Asselineau et Cheminade, le paquaïen réac qui surfe sur le complotisme et le sectaire extrémiste, n'ont pas réussi à détourner les électeurs de gauche que leurs bailleurs de fonds espéraient les voir détourner. Le vote utile à gauche est pour la première fois depuis des décennies un vote de rupture radicale avec les logiques mortifères du capitalisme financier. Les marchés financiers et l'oligarchie ne s'y trompent pas, d'ailleurs, et commencent à prendre peur et à concentrer leurs tirs... Pas de concurrence à gauche, donc, et la logique du vote utile en notre faveur. Et en plus, la possibilité d'en finir avec le PS, le parti des premières politiques néolibérales, celui de la Françafrique et du nucléaire civil et militaire, le parti qui a toujours promis le vote aux étrangers et continue de le faire sans jamais tenir parole, celui qui récemment encore chassait les Roms et les sans-papiers, enfermait comme jamais dans les prisons, abandonnait aux policiers racistes le contrôle des classes dangereuses dans les quartiers populaires, et qui par sa trahison en 1983 a littéralement poussé dans les bras de l'abstention d'abord, de Le Pen ensuite les électeurs populaires qui l'avaient porté au pouvoir. Amis qui ne voulez pas voter, voulez-vous vraiment passer à côté de cette chance historique d'en finir avec le PS ? D'ailleurs, ce parti, le PS, n'a plus de raison d'être : il a toujours été tiraillé entre sa gauche et sa droite. Cela est particulièrement saillant aujourd'hui, avec les désertions de la droite du PS au profit de Macron. Le PS ne parvient plus à faire la synthèse, il doit donc disparaître : ses électeurs et ses militants sont devant l'obligation de choisir entre la possibilité d'une politique anti-libérale, qu'incarne Mélenchon, et le maintien d'une politique libérale, avec Macron. Benoît Hamon, en vous maintenant au premier tour alors que vous n'avez aucune chance de vous qualifier, et aucune même de sauver votre parti, vous prenez une responsabilité très lourde devant l'Histoire : celle de faire échouer la qualification de Jean-Luc Mélenchon au second tour, seule chance pour le moment de voir une vraie politique de gauche sortir des urnes en mai prochain... Avec une victoire de Mélenchon au premier tour, on aurait aussi la possibilité d'en finir avec le risque fasciste. Oui. A l'heure actuelle, Marine Le Pen a toujours des chances d'arriver au pouvoir en cas de qualification au second tour car une partie des électeurs de gauche n'iront jamais voter pour un Fillon ou un Macron, candidats de la finance, même pour faire barrage. Certes, les sondages la donnent perdante dans tous les cas de figure, contre Fillon, contre Macron, contre Mélenchon. Mais ils se sont déjà trompés par le passé ! Et encore récemment, avec Trump et avec le Brexit, ce qui doit nous rappeler que l'impossible peut encore se produire. D'autant qu'une partie des électeurs de droite radicalisés voterait aussi Le Pen si celle-ci avait une chance d'arriver au pouvoir, et pour éviter, par exemple, un Macron encore associé dans leur imaginaire, au PS. Mélenchon, lui, peut arrêter Le Pen : il fera nettement plus voter la gauche de la gauche, et comme il sera opposé à Le Pen, il fera aussi le plein des voix du PS et du centre. Une partie de la droite se réfugiera dans l'abstention et une autre, radicalisée, rejoindra Le Pen mais ça ne suffira pas. Surtout aussi parce que Mélenchon parle à la colère des gens, comme Marine Le Pen, mais en proposant des solutions radicalement opposées, qui peuvent séduire, et séduisent déjà, une partie de l'électorat du FN. Il peut donc assécher quelque peu Marine Le Pen, dont les casseroles judiciaires fragilisent la crédibilité, qui plus est. Et s'il arrivait au pouvoir, sa politique de rupture avec les logiques actuelles pourrait seule convaincre les classes populaires séduites par le vote FN de s'en détourner durablement : en créant les conditions d'un vivre-ensemble bien plus satisfaisant, une politique résolument égalitariste saperait les fondations du racisme et du repli sur soi qui sont le terreau du néofascisme. A-t-on le droit de laisser passer cette chance historique d'éviter le fascisme, et d'en finir avec lui ? Alors oui, désobéir, ça veut parfois dire voter. Ca veut dire avoir une approche pragmatique de la lutte. Il ne s'agit pas de renoncer à l'idéal d'un changement de société en profondeur, c'est-à-dire d'une sortie du capitalisme au profit d'une société fondée sur le bien commun, l'humain et le vivant d'abord. Il s'agit seulement de prendre tout ce qu'on peut prendre, de gagner tout ce qui peut l'être dès à présent, sans attendre d'hypothétiques, et néanmoins souhaitables, lendemains qui chantent. On ne dira pas comme le mouvement ouvrier jadis, aux femmes, « laissez de côté vos revendications féministes, la priorité c'est de renverser le capitalisme, car avec lui tombera l'injustice faite aux femmes ». Les femmes ont bien fait de se battre pour leurs droits sans attendre, car elles ont ainsi pu améliorer très nettement leur condition, gagner de nombreux droits sinon l'égalité réelle, alors que le capitalisme, lui, est toujours là... Heureux ceux qui peuvent se permettre le tout ou rien, parce qu'ils ont déjà assez. Au quotidien le devoir d'un révolutionnaire ce n'est pas de sacrifier le présent à l'avenir. C'est de construire ici et maintenant, avec les gens, des rapports de force qui forgent des présents différents, parce que c'est maintenant que nous vivons, pas demain, et que ceux qui souffrent le plus n'ont pas le temps d'attendre. Sans compter que le fascisme guette aussi pour récupérer la colère que nous n'aurons pas su organiser, parce que nous étions dans nos rêves au lieu d'être dans la réalité aux côtés de ceux que la misère ou l'oppression quotidienne mettent en danger tout de suite. Ne perdons pas nos suffrages dans des attitudes nihilistes qui ne construisent rien et laissent le pire se déployer. Le vote blanc, ou l'abstention militante, sont des aberrations. Mieux vaut la plus infime part de liberté que rien du tout, mieux vaut le moins pire que le pire, et si par exception on a une petite chance d'avoir le mieux, le beaucoup mieux, pourquoi y renoncer par principe ? Gardons-nous de ceux qui espèrent le pire au nom du meilleur, ceux qui pensent que l'arrivée au pouvoir de Le Pen réveillerait le peuple endormi et rendrait possible un changement révolutionnaire. La réalité est bien différente de leurs fantasmes de révolutionnaires en chambre : non, nous ne saurons pas nous relever d'une victoire du néofascisme, qui sait aussi se faire réélire, dans les villes qu'il a conquises, qui sait diviser pour mieux régner, corrompre ceux qu'ils peuvent être corrompus, et surtout s'imposer par le vide, en nous privant rapidement de nos ressources militantes : les salles où nous réunir, les médias libres, les bibliothèques et autres lieux de culture, l'école où s'enseigne encore l'esprit critique, les projets sociaux exigeants qui aident encore à se parler et à imaginer d'autres possibles… Une fois dotés de tous les pouvoirs, les fascistes se comporteront en fascistes, évidemment, que croyez-vous ? Ils imposeront la peur, le repli sur la sphère privée, le clientélisme généralisé, et finalement nous réprimerons avec la plus grande férocité quand ils nous auront suffisamment affaiblis. Tout ne se vaut pas et la victoire d'un Mélenchon sera toujours ô combien préférable à celle de tout autre candidat. Mélenchon ne sera peut-être qu'un Mitterrand de 1981, et alors ? Qui pense que la situation est telle que l'on peut cracher sur des réformes sociales et démocratiques comparables à celles qui furent introduites par Mitterrand cette année-là ? La retraite à 60 ans pour les gens usés par le travail, la cinquième semaine de congés payés, l'abolition de la peine de mort, la régularisation massive de travailleurs sans papiers et de leurs familles, la nationalisation des grandes banques et d'autres sociétés, un vrai impôt pour les plus riches... Et puis, rêvons un peu, nous en avons bien le droit, nous qui nous battons sans cesse depuis des décennies, dos au mur, avec un espoir qui se réduisait comme une peau de chagrin, face au rouleau compresseur néolibéral qui écrase tout sur son passage, et avec les fascistes en embuscade. Si le changement s'impose par les urnes en France, qu'est-ce qui empêchera d'autres peuples d'Europe et d'ailleurs de donner leurs bulletins à des forces progressistes et écologistes radicales, ou de relancer des mouvements sociaux de grande ampleur pour bousculer les urnes et en finir avec les 1 % des plus riches qui concentrent encore aujourd'hui la totalité des pouvoirs sur la planète, en nous emmenant vers le gouffre ? Il n'a jamais été aussi important de voter qu'aujourd'hui, depuis des décennies. Alors sans gaieté de coeur, peut-être, sans illusion d'accord, mais parce que c'est une façon de lutter encore, de limiter les dégâts, de choisir ses alliés et ses adversaires, aussi, unissons-nous pour que la France insoumise et Mélenchon l'emportent aux présidentielles. Et si ça doit se jouer à une voix, que cela soit la vôtre qui lui permette de l'emporter.
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/xavier-ajt.jpg

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