Parrainages des candidats : le jour où les médias ont découvert François Asselineau

Qu’on se le dise, ce jour est à marquer d’une pierre blanche. Malgré des réglementations toujours plus strictes pour favoriser un entre-soi constitué des partis politiques dominants et de leurs opposants traditionnels (FN, LO, etc.), un petit évènement vient de se produire dans le PPF (Panorama Politique Français).
Évènement qui ne s’entend encore qu’à bas bruit, mais dont l’impact pourrait se faire ressentir plus fortement dans un avenir très proche. Après avoir échoué en 2012, l’UPR (Union Populaire Républicaine) et son président François Asselineau seront très certainement en mesure de se présenter pour la première fois en 2017 aux élections présidentielles.
Combien de temps les médias vont-ils encore pouvoir ignorer ce parti qui s’est déjà imposé comme le premier parti politique français par sa présence sur internet et le 5ème par son nombre d’adhérents ?

Rappel sur les règles des parrainages

La Constitution de la 5ème République impose de recueillir des parrainages d’élus pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Initialement limité à 50 en 1958, le nombre de parrainages sera augmenté à 100 en 1965 pour passer aux 500 parrainages que l’on connait aujourd’hui en 1981.
Le site internet du Conseil Constitutionnel précise les élus pouvant donner leur parrainage :

Mandats
En nombre
En pourcentage

Maire
36 702
> 75%

Conseiller général
Conseiller de Paris
4 212
~ 10%

Président d’une communauté urbaine,
Président d’une communauté d’agglomération
Président d’une communauté de communes
2 567
~ 5%

Conseiller régional
Conseiller à l’Assemblée de Corse
1 886
4%

Maire délégué d’une commune associée
674
1,5%

Député
560
~ 1,5%

Sénateur
347
0,75%

Membre d’une assemblée
Membre d’un exécutif de collectivité d’outre-mer
221
0,5%

Membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger
154
0,5%

Représentant au Parlement européen
73
0,15%

Maire d’arrondissement (Lyon ou Marseille)
17
<< 0,5%

Total
47 413
100,00%

Si le total de mandats dépasse les 47 000, le jeu des cumuls fait que seuls 42 000 élus environs sont susceptibles de donner leur signature. L’immense majorité des parrainages vient donc des 36 000 maires de France, et évidemment, parmi eux, des 33 000 maires de villages français (1).
Ainsi, mis à part les grands partis disposant massivement de députés, de sénateurs et de conseillers généraux ou régionaux, on comprend combien il est difficile de réunir le précieux sésame. Et l’épreuve a pourtant été rendue encore plus difficile cette année, avec l’ajout de plusieurs contraintes, en premier lieu desquelles la publication des parrainages. Il s’agit là d’un frein important au parrainage. En effet, l’immense majorité des 33 000 maires de villages sont sans étiquette et ne tiennent pas, pour la quiétude de la vie communale, à être connotés politiquement.
C’est donc un coup fort que le pouvoir en place a tenté d’imposer contre ceux qu’il est à présent convenu d’appeler les petits candidats. Comprendre : ceux dont les médias ont décidé de ne pas vous parler, car ils n’ont pas de députés ou n’ont jamais gouverné… Voilà comment maintenir au mieux le système de gouvernance en place.
Au total, ce sont environ 16 000 parrainages qui sont envoyés avant chaque élection. Si malgré les nouvelles contraintes, ce nombre de parrainages se maintient, nous pouvons estimer être environ à la moitié des signatures que recevra le Conseil Constitutionnel.

Années
Nombre de
parrainages
Nombre de
candidats

1981

10

1988

9

1995

9

2002
17815
16

2007
16615
12

2012
15047
10

2017 (au 7 mars, soit à mi-parcours) 
7781
5 (quasiment 7)

A noter toutefois que les 500 signatures constituent une condition nécessaire, mais pas suffisante.
En effet, le Conseil Constitutionnel rappelle (ici) que ces 500 signatures doivent provenir d’au moins 30 départements différents, sans que plus de 50 ne proviennent du même département. Contrainte supplémentaire, donc, ajoutée pour éviter qu’un candidat ayant une forte notoriété régionale puisse en profiter pour se présenter à l’échelon national. Précaution certes peut-être pertinente mais qui ne fait que rendre plus difficile encore la collecte des signatures pour les petits candidats, contraints à procéder à maillage très fin du territoire.

Résultat et analyse du décompte au 7 mars

Conséquence de ces nouvelles procédures de parrainage, le Conseil Constitutionnel publie, deux fois par semaine, les mardi et vendredi, et ce depuis le 1er mars dernier, la liste des soutiens validés. Après une semaine de décompte, la liste officielle au 7 mars était donc la suivante :

Candidats
Total des parrainages
Au 01/03/2017
Au 03/03/2017
Au 07/03/2017

FILLON François
1789
738
417
634

MACRON Emmanuel
1074
229
235
610

HAMON Benoît
1039
184
150
705

DUPONT-AIGNAN Nicolas
559
31
174
354

ARTHAUD Nathalie
557
201
113
243

LE PEN Marine
483
25
59
399

ASSELINEAU François
480
60
0
420

CHEMINADE Jacques
370
61
102
207

MELENCHON Jean-Luc
356
87
49
220

JUPPE Alain
242
0
1
241

LASSALLE Jean
233
14
56
163

POUTOU Philippe
197
35
1
161

YADE Rama
113
8
21
84

JARDIN Alexandre
56
7
10
39

TROADEC Christian
35
12
8
15

GORGES Jean-Pierre
33
1
10
22

TAUZIN Didier
29
4
4
21

MARCHANDISE Charlotte
28
4
3
21

ALLIOT-MARIE Michèle
26
4
4
18

TEMARU Oscar
16
1
1
14

LARROUTUROU Pierre
11
1
4
6

FAUDOT Bastien
10
3
1
6

GUAINO Henri
8
2
3
3

MIGUET Nicolas
6
1
3
2

MUMBACH Paul
6
2
0
4

BAROIN François
5
0
0
5

GUYOT Stéphane
3
0
2
1

NIKONOFF Jacques
3
0
0
3

TONIUTTI Emmanuel
3
0
2
1

JADOT Yannick
2
1
1
0

WAECHTER Antoine
2
1
0
1

MARTINEZ Jean-Claude
2
0
1
1

DELAFON Olivier
1
0
0
1

FESSARD DE FOUCAULT Bertrand
1
0
1
0

REGIS Olivier
1
0
0
1

VERNIER Michel
1
0
1
0

TRAMBOUZE Bernard
1
0
1
0

Alain Juppé, Yannick Jadot et François Baroin sont grisés, car ils ne sont plus candidats.
Ce tableau est riche d’enseignements. On peut ainsi y lire que :

  1. 37 candidats ont reçu au moins 1 parrainage (sur la cinquantaine de candidats issues des différentes primaires)
  2. Pour un total d’environ 8000 parrainages validés par le Conseil Constitutionnel
  3. Soit, pour l’instant, environ la moitié des parrainages validés lors des précédentes présidentielles
  4. 5 partis ont déjà atteint le total des 500 signatures requises
  5. Parmi eux, largement en tête, les 3 représentants du système politique gouvernant la France depuis 30 ans
  6. Ainsi que 2 partis d’alternance, Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud) et Debout la France (Nicolas Dupont-Aignan)
  7. Suivis de près par 2 autres partis d’alternance, le Front National (Marine Le Pen) et L’UPR (François Asselineau)
  8. Auquels s’ajoutent Solidarité & Progrès (Jacques Cheminade) et La France Insoumise (Jean-Luc Mélenchon)
  9. Pour constituer les 9 partis ayant de grandes chances d’être qualifiés (soit presqu’autant qu’en 2012)
  10. Jean Lassalle et Philippe Poutou peuvent encore être qualités ce qui porterait à plus de 10 le nombre de qualifiés
  11. La modification du système de parrainage ne devrait donc pas avoir limité le nombre de candidats par rapport à 2012
  12. Révélant que la méfiance envers les grands partis s’est largement répandue auprès des élus eux-mêmes
  13. Seule Rama Yade, parmi les politiques de notoriété se sort honorablement de cette quête aux parrainages
  14. Laissant sur le bas côté, Henri Guaino, Michèle Alliot-Marie, les 2 dissidents LR
  15. Ou encore le MRC (Bastien Faudot) ou Nouvelle Donne (Pierre Larrouturou), très loin derrière
  16. Dans ces conditions, on peut noter la très honorable place de Charlotte Marchandise issue de LaPrimaire.org
  17. Qui a déjà récolté près de 2 fois plus de parrainages que l’UPR en 2012, avec 17 parrainages (2) reçus à l’époque
  18. Alexandre Jardin (Bleu Blanc Zèbre) ou Christian Troadec (Les Bonnets Rouges) font des scores corrects eux aussi

Le couac des comptes du Conseil

Comme le révèle également le tableau précédent, une anomalie s’est produite vendredi dernier, anomalie heureusement très vite corrigée ce mardi. En effet, 2 candidats, Philippe Poutou et François Asselineau n’avaient eu respectivement que 1 et 0 parrainage entre le 1er et le 3 mars alors qu’ils en avaient tous deux reçues quelques dizaine au 1er mars.
Anomalie qui ne manqua pas d’inquiéter au plus haut point au sein des équipes des deux candidats.
Ainsi, Le NPA (Philippe Poutou) s’est-il étonné :

C’est avec étonnement que nous avons constaté que le Conseil constitutionnel n’avait reçu qu’un parrainage pour Philippe Poutou entre mercredi soir et aujourd’hui.
D’après nos comptages, ce sont au moins 65 parrainages qu’il aurait dû recevoir, nous devrions en être à environ une centaine de parrainages au total ce vendredi. (lire la suite)

L’UPR, lui emboitant le pas avec un communiqué plus précis encore :

Ce 3 mars 2017 à midi, François Asselineau, candidat à l’élection présidentielle, a tenté de joindre par téléphone M. Laurent Fabius, Président du Conseil Constitutionnel, afin d’obtenir des explications sur le nombre de parrainages publiés une heure avant par la haute institution, qui ne faisait apparaître aucun parrainage supplémentaire en sa faveur depuis la 1èrepublication. (…)
François Asselineau a fait valoir qu’il était strictement impossible qu’aucun parrainage en sa faveur n’ait été reçu par le Conseil Constitutionnel lors des courriers des mardi 28 février, mercredi 1er mars et jeudi 2 mars. (lire la suite)

Ce couac a même semble-t-il été jusqu’à provoquer une communication officielle de l’association des Maires Ruraux de France, demandant plus de transparence sur la validation des parrainages (à lire ici). La question reste toute entière posée quant à l’origine de cette erreur manifeste, qui n’a pour l’heure pas été expliquée par le Conseil Constitutionnel.

Le malaise de BFM face au score de l’UPR

Comme il fallait s’y attendre, s’ils n’ont, cette fois-ci, pas pu ignorer complètement l’UPR, la couverture média de l’annonce quasi certaine de la validation de la candidature de François Asselineau a tout de même été très légère au regard de l’évènement que cela représente. Il s’agit en effet d’un score de fait extrêmement élevé, a fortiori pour un candidat dont on avait oublié de nous parler jusqu’à présent. Ainsi, ce soir encore, BFM consacrait un long reportage aux petits candidats en prenant en exemple, Charlotte Marchandise, Rama Yade et Philippe Poutou.
Pour BFM, le malaise est manifeste à évoquer François Asselineau. En témoigne, ce court extrait capturé par les équipes de l’UPR elles-mêmes :

Mais le nombre de parrainages de François Asselineau, n’a pas surpris que Ruth Elkrief et Eric Brunet… Les téléspectateurs de BFM (et plus généralement des médias traditionnels) ont également appris avec surprise l’existence de ce nouveau venu. Ainsi, déstabilisés par cette information inattendue, se sont-ils précipités sur internet pour en savoir plus. Google Trends (3) révèle un étonnant pic de requête sur le mot clef « Asselineau » comme nous pouvons le voir ci-dessous.
Courbe des requêtes sur le mot clef « Asselineau » dans les 12 derniers mois :

Courbe des requêtes sur le mot clef « Asselineau » dans la journée du 7 mars :

On distingue un pic à 17h ce mardi 7 mars, à l’heure précise, donc, de la publication des résultats à date des parrainages validés par le Conseil Constitutionnel. Preuve de la surprise d’une population qui ne connaît pas François Asselineau (ni l’UPR), dans son immense majorité, du fait d’une couverture médiatique à l’évidence sans commune mesure avec le nombre et la motivations de ses militants.
Et il faut bien reconnaître que si l’UPR a semblé parfois, par le passé, jouer un peu sur le thème de la censure (4), l’aveuglement des grands médias à l’égard de ce parti devenu, sans contestation possible, le 5ème, voire le 4ème parti de France, pose véritablement question.
Il parait évident à tout spectateur attentif et honnête que Charlotte Marchandise, Henri Guaino, Rama Yade, Alexandre Jardin et Philippe Poutou (qui à eux 5 ne totalisent même pas le nombre de parrainages de l’UPR) ont eu chacun une couverture médiatique incomparablement plus importante que celle de François Asselineau. Le président de l’UPR n’ayant été interviewé (5) en tout et pour tout que 2 fois ces 6 derniers mois, chez Natacha Polony, dans l’émission Polonium, et sur itélé (devenu CNews, c’est ici), durant 5 min.
Voici deux autres exemples récents pour s’en convaincre. Dans cette première capture d’un tweet de l’AFP, daté du 24 février, l’UPR et François Asselineau sont consciencieusement oubliés :

(tweet astucieusement détourné par la suite par des militants de l’URP (6))
Plus grave, dans cette capture d’écran du mardi 1er mars dernier, les grands partis de gouvernement sont affichés, ainsi que les petits partis d’alternance… mais une fois de plus pas de trace de l’UPR qui recueillait pourtant déjà à date plus de signatures que Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen.

Il ne faut pas s’étonner que les français se détournent des médias traditionnels (TV, radio et presse) si ceux-ci continuent à se montrer parfaitement partisans, en cachant ouvertement les faits contraires à l’idéologie qu’ils défendent. Il ne faut pas s’étonner non plus que ces mêmes français se retournent vers internet pour s’informer, preuve étant faite une fois de plus que c’est là que se trouvent les informations omises (ou cachées) sur les grands médias.
Nico Las (TDH)

(1) : la France compte 36 000 communes, mais seulement 3 600 villes (communes de plus de 2 000 habitants). Les 32 400 autres communes sont donc des villages.
(2) : vidéo de François Asselineau, suite à l’échec de la collecte des parrainages pour les élections présidentielles de 2012, où seules 17 signatures avaient été obtenues :

(3) : Google Trends est un outil de mesure des requêtes sur le moteur de recherche Google.
(4) : Le slogan de l’UPR est  « Le parti qui monte malgré le silence des médias. »
(5) : Nous faisons ici référence aux passages sur les chaines de télévision nationales
(6) : Ce tweet a été détourné par des militans de l’UPR, ce qui n’a pas plu à LCI (à lire ici)
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